Par Philippe Dagen. Publié le 25 juillet 2022
L’institution parisienne organise la première rétrospective européenne de cette artiste aborigène autodidacte à l’étonnante maîtrise des couleurs et des formes. Une peinture proche de l’expressionnisme abstrait
En dehors de l’Australie, Sally Gabori n’est pas un nom encore très familier dans le monde de l’art contemporain. C’est néanmoins celui d’une artiste morte récemment, en 2015, et dont la peinture aurait eu toute sa place, par exemple, dans la présente Biennale de Venise, qui entend défendre les femmes artistes, mais ne connaît guère que celles qui vivent aux Etats-Unis et en Europe. Il n’en est que plus remarquable que la Fondation Cartier lui consacre une rétrospective, la première en Europe. Et ceci d’autant plus que cette œuvre déjoue toutes les facilités d’interprétation qui sont généralement infligées à la peinture aborigène.
Sally Gabori est le nom occidentalisé et abrégé de Mirdidingkingathi Juwarnda, née vers 1924 sur l’île Bentinck, qui appartient à l’archipel Wellesley, dans le golfe de Carpentarie, au nord de l’Australie. L’île est assez proche de la côte du Queensland, dont elle dépend administrativement, selon le découpage imposé aux populations autochtones par la colonisation. Quand Sally Gabori est enfant, elle est encore à peu près intacte de la présence européenne, en dépit des efforts obstinés des missionnaires presbytériens installés sur l’île Mornington, d’une superficie très supérieure. A Bentinck habite alors, isolé du monde, le petit peuple kaiadilt, dont la langue et la culture sont différentes de celles des Lardil, habitants de Mornington.