par Sylvie Laurent, Historienne, américaniste à Sciences-Po, Stanford, Berkeley publié le 23 avril 2021
Chauvin est un meurtrier. Il aura fallu deux semaines de plaidoiries et douze jurés fiévreux pour qualifier le crime, dont ils convinrent qu’il outrepassait l’exercice de la violence légitime conféré à la police. La vidéo du martyre de George Floyd a constitué la pièce à conviction centrale du procès après avoir suscité l’opprobre universel du policier bourreau. On y voit, en effet, plus que la mise à mort d’un homme entravé, ses supplications et son agonie. On y discerne l’affirmation d’une posture morale ainsi que la jouissance sadique de Derek Chauvin, soutenant le regard des témoins avec la certitude que le rituel de soumission barbare auquel il s’adonne pendant neuf minutes et vingt-neuf secondes est légitime. Il n’entend ni le râle de sa proie ni les interpellations lucides des badauds. Alors même que George Floyd, qui jamais n’a résisté ni posé la moindre menace, a rendu son dernier souffle, Chauvin maintiendra son genou létal pendant plus d’une minute.