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Articles, témoignages, infos sur la psychiatrie, la psychanalyse, la clinique, etc.

vendredi 17 avril 2020

«On n’imaginait pas qu’il y aurait une telle malveillance entre voisins»

Par Juliette Deborde — 
Le jardin interdit, vu de la fenêtre de Lily.
Le jardin interdit, vu de la fenêtre de Lily. Photo DR.


Chaque jour, «Libé» donne la parole à des confinés de tout poil pour raconter leur vie à l’intérieur. Chacun envoie une photo prise «de dedans». Aujourd'hui, Lily, confinée dans une résidence avec un grand jardin… auquel personne n'a le droit d'accéder.

Lily, 33 ans, est confinée dans son appartement parisien avec son compagnon et sa fille d’un an et demi. Impossible de prendre l’air dans le grand jardin de leur immeuble, en raison d’une guéguerre de voisinage.
«J’habite dans un immeuble du début des années 70, avec un jardin paysager, de la taille de deux terrains de foot. Le règlement de copropriété, qui date de la même époque, nous interdit d’y accéder. Au début du confinement, le président du conseil syndical a convoqué une réunion avec quelques familles, pour mettre en place un système, très contrôlé, d’accès au jardin. On s’est retrouvé dans le parking du 3e sous-sol, en cercle, à deux mètres de distance les uns des autres. C’était un peu crossover entre Eyes Wide Shut, la réunion des francs-maçons et une balle aux prisonniers ! Le projet, c’était d’ouvrir le jardin deux fois une heure dans la journée, par créneau d’un quart d’heure – pour ne pas déranger les résidents dont l’appartement donne sur le jardin. On se disait que si ça marchait bien, on pourrait ensuite ouvrir l’accès à tout le monde.
«On a mis en place des affichages et un e-mail pour s’inscrire. On s’est donc retrouvés dans le jardin, avec mon mec et notre fille. Un voisin du rez-de-chaussée a débarqué et a commencé à hurler, nous disant que c’était interdit. On a essayé d’entamer un dialogue avec lui, on lui a demandé ce que ça pouvait lui faire. Il nous a répondu : «C’est le principe, on autorise ça et ça sera quoi ensuite, la chasse aux œufs de Pâques ?» Il est allé prévenir les flics.

« Si nous ne changeons pas nos modes de vie, nous subirons des monstres autrement plus violents que ce coronavirus »

Jean-François Guégan, directeur de recherche à l’Inrae, travaille sur les relations entre santé et environnement. Dans un entretien au « Monde », il estime que l’épidémie de Covid-19 doit nous obliger à repenser notre relation au monde vivant.
Propos recueillis par  Publié le 17 avril 2020
Le chercheur Jean-François Guégan.
Le chercheur Jean-François Guégan. YANN LEGENDRE
Entretien. Ancien membre du Haut Conseil de la santé publique (HCSP), Jean-François Guégan a fait partie du comité d’experts qui a conseillé la ministre de la santé Roselyne Bachelot lors de l’épidémie de grippe A (H1N1), en 2009. Directeur de recherche à l’Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement (Inrae) et professeur à l’Ecole des hautes études en santé publique, il estime que l’épidémie de Covid-19 doit nous obliger à repenser notre relation aux systèmes naturels, car l’émergence de nouvelles maladies infectieuses est étroitement liée à l’impact des sociétés humaines sur l’environnement et la biodiversité.

Vous avez fait partie des experts qui ont conseillé d’acheter des masques et des vaccins en grand nombre lors de la pandémie provoquée par le virus H1N1. Comment analysez-vous la situation en France, dix ans plus tard ?

Comme beaucoup de mes collègues, j’ai été très surpris de l’état d’impréparation de la France à l’épidémie de Covid-19. Les expériences passées avaient pourtant mis en évidence la nécessité d’anticiper et de préparer l’arrivée de pandémies. Au sein du HCSP, nous avions préconisé l’achat des fameux vaccins, mais aussi la constitution d’une réserve de près de 1 milliard de masques, pour protéger la population française en cas de risque majeur, à renouveler régulièrement car ils se périment vite. Nous avions alors réussi à sensibiliser les décideurs de plusieurs ministères sur cette nécessaire anticipation. Je pensais que nous étions prêts. Au ministère de la santé, Xavier Bertrand a reconduit l’achat des masques, mais, ensuite, il y a eu un changement de stratégie. Il semble que l’économétrie ait prévalu sur la santé publique.

Comment expliquer cette difficulté à cultiver, sur le long terme, une approche préventive ?

Les départements affectés aux maladies infectieuses ont été, ces dernières années, désinvestis, car beaucoup, y compris dans le milieu médical, estimaient que ces maladies étaient vaincues. Et c’est vrai que le nombre de décès qu’elles occasionnent a diminué dans les sociétés développées. En revanche, elles sont toujours responsables de plus de 40 % des décès dans les pays les plus démunis, et on observe aussi une augmentation de la fréquence des épidémies ces trente dernières années.

Roger Berkowitz : “Aux États-Unis, nous affrontons l’inconnu menés par un président à la gestion hasardeuse”

Mis en ligne le 16/04/2020

© Mandel Ngan/AFP
Le 13 avril 2020, Donald Trump quitte la Brady Briefing Room de la Maison-Blanche, où il vient de faire son allocution quotidienne. © Mandel Ngan/AFP

Alors qu’aux États-Unis le nombre de morts du Covid-19 ne cesse d’augmenter, la gestion de la pandémie par le président Donald Trump pose question. Nous avons demandé à Roger Berkowitz, professeur de sciences politiques au Bard College, de nous éclairer.

ROGER BERKOWITZ

Professeur de philosophie au Bard College dans l’État de New York, où il dirige le Hannah Arendt Center for Politics and Humanities, il est l’auteur d’un essai sur Leibniz (The Gift of Science, « Le don de la science », Harvard University Press, 2005 ; non traduit) et a codirigé un ouvrage sur la pensée d’Arendt, Thinking in Dark Times (« Penser par temps sombres », Fordham University Press, 2009 ; non traduit).
Quels principes ont guidé Donald Trump dans sa gestion de la crise ?
Roger Berkowitz : Il a commencé par prendre les devants, en interdisant par exemple tous les vols en provenance de Chine dès le début du mois de janvier. Mais subitement, de mi-janvier à mi-mars, aucune mesure de protection n’a été engagée, et nous avons perdu un temps précieux. Il aurait pu avoir l’occasion de révéler le meilleur de lui-même mais il l’a manquée en s’en tenant à ses schémas habituels, notamment à sa méfiance envers les experts. Au lieu d’organiser la coopération entre les centres de recherche publics et les laboratoires privés pour la mise au point de tests, au lieu de faire de la prévention et de la pédagogie auprès de la population, au lieu d’équiper les hôpitaux du pays en respirateurs, il a préféré fanfaronner en prétendant qu’il n’y aurait aucun problème et qu’il fallait continuer à sortir, à acheter et à produire. Le résultat est un désastre absolu. Trump doit le succès de sa première campagne à la promesse d’une économie forte. Il a donc eu peur que ce coronavirus ne sape l’un de ses principaux arguments. Pour éviter cela, il a adopté sa stratégie habituelle : politiser l’enjeu en divisant les camps. Il a même prétendu, dans un premier temps, qu’il s’agissait d’un canular venu de l’étranger – il a longtemps appelé le Covid-19 « le virus chinois ». À l’entendre, nous étions à l’abri. Comme si les États-Unis étaient immunisés contre les virus ! Heureusement, sur le plan local, quelques maires ont pris la situation en main : celui de San Francisco, par exemple, qui a placé la ville en confinement dès le 17 mars. Résultat : la ville dénombre assez peu de cas. A contrario, le maire de New York Bill de Blasio a agi de façon complètement irresponsable en encourageant ses administrés à sortir, à faire leur jogging normalement et en maintenant les écoles ouvertes, suivant en cela les pas de Trump. Ce n’est pas un hasard si New York est désormais le foyer principal de la pandémie dans le pays. 

“Pendant quatre ans, Donald Trump a affiché sans complexe son mépris pour la science et les experts. Il est aujourd’hui obligé d’en rabattre mais il lui en coûte”

Roger Berkowitz

Même si cela lui coûte, Trump n’a-t-il pas été obligé d’infléchir son discours ?
Pendant quatre ans, il a affiché sans complexe son mépris pour la science et les experts. À ses yeux, ils représentent l’administration, la bureaucratie fédérale, autant de choses que Trump hait. Mais ces derniers jours, il a été obligé d’en rabattre. En témoigne l’influence grandissante du docteur Anthony Fauci, responsable de la cellule de crise spéciale Covid-19 à la Maison-Blanche. Il est toutefois assez flagrant qu’il déteste cette dépendance. La preuve : encore ce week-end, il a retweeté quelqu’un qui appelait à la démission de Fauci, à présent sous le feu des critiques parce qu’il n’aurait pas agi assez tôt. Le président a été obligé de rétro-pédaler en confirmant que Fauci resterait bel et bien à son poste. Cela témoigne à quel point il lui est pénible de devoir écouter l’avis d’experts, de ne pas pouvoir se contenter de dire à tort et à travers ce qu’il pense. 

jeudi 16 avril 2020

Wahida Benayad Kahloul, côté cœur

Par Tania Kahn, Photo Pascal Bastien pour "Libération" — 

Photo Pascal Bastien pour "Libération"

Cette auxiliaire de vie raconte son quotidien à Mulhouse, alors que la pandémie illustre l’importance de son travail souvent méprisé.

Dans sa voiture, elle n’écoute plus les infos, elle met la musique à fond, du rap, du hip-hop, Marvin Gaye, cela lui donne du courage : «Je sais que je peux avoir ce virus, mais il ne va pas m’arrêter. Il y a des gens qui sont seuls, ils n’ont que nous pour les repas, la toilette.» Wahida Benayad Kahloul est auxiliaire de vie à Mulhouse (Haut-Rhin) au sein du réseau associatif APA. Elle aimerait éviter de donner son numéro de téléphone, ne pas s’attacher. Mais elle connaît la tragédie de nos aînés, elle côtoie leur intimité, elle est aux premières loges de ces drames feutrés. Des histoires, elle en a plein à raconter. Comme cet Italien de 90 ans qui pleure devant son épouse alitée. Mais le bel Italien est parti avant sa femme, emporté par le coronavirus. Sa fille lui a raconté : «Ils ont laissé papa en pyjama et l’ont enfermé dans un sac plastique.» «Il méritait mieux que ça, poursuit l’auxiliaire de vie, tous méritaient mieux que ça. Il aurait pu vivre encore quelques années

Et si vous prêtiez votre vélo à un médecin ou un infirmier pendant le confinement ?

Par David Charpentier Le 15 avril 2020 

Parti d’un groupe Facebook créé par une Parisienne, les «vélos pour l’hosto» est devenu un site Internet. Il propose gratuitement aux soignants des bicyclettes de particuliers.

 La plateforme incite les particuliers à prêter leur vélo personnel au personnel soignant.
La plateforme incite les particuliers à prêter leur vélo personnel au personnel soignant.  LP/Arnaud Journois
Il y a ceux que le confinement paralyse et tétanise. Et ceux, comme Nina Gouze, que cette période incertaine galvanise. Au point de tout faire pour aider le personnel soignant qui combat le nouveau coronavirus dans le huis-clos des hôpitaux. Son idée a rapidement germé pour donner naissance à un groupe Facebook, et depuis une semaine un site Internet qui repose sur un principe simplissime : le prêt gratuit d'un vélo par Madame ou Monsieur tout le monde au personnel soignant.
Né en Ile-de-France, le service baptisé « Des vélos pour l'hosto » a depuis essaimé partout dans l'Hexagone, et même inspiré une association belge qui a repris le concept à son compte.

Les dispositifs de soutien et d'écoute aux professionnels du secteur de la santé

Publié le 16/04/20

Comment se retrouver dans la multitude de numéros et dispositifs d'écoute et soutien aux professionnels engagés dans la crise sanitaire ? Hospimedia a réalisé un état des lieux de l'offre sur le territoire. Il sera enrichi au fil des jours.
Le 9 avril, le ministère des Solidarités et de la santé a annoncé la mise en place d'une plateforme nationale d'écoute à destination de tous les professionnels de santé, qu'ils exercent en milieu hospitalier, médico-social ou libéral. Une initiative qui vise à pallier les situations d'isolement professionnel et proposer à tous une assistance psychologique dans cette période de crise sanitaire, liée à l'épidémie de Covid-19. Ce numéro vert n'est pas le seul accessible aux professionnels qui souhaitent un soutien : il existe un répertoire de dispositifs nationaux ou locaux, par téléphone ou en ligne.

L’épineuse question de la santé psychique en temps de COVID-19

Univadis


Caroline Guignot   13 avril 2020

Une quinzaine de spécialistes a publié une revue de la littérature internationale qui, combinée à l’expérience locale, offre un panorama des nombreux enjeux relatifs à la prise en charge de la santé mentale pendant l’épidémie à SARS-CoV-2 et pointe du doigt l'impréparation et l'insuffisance de la réponse actuelle.

Les populations vulnérables en période de confinement

En plus de l’impact psychique que peuvent avoir les dispositions actuelles de distanciation sociale et de confinement dans la population générale, certains patients peuvent présenter une vulnérabilité psychique accrue vis-à-vis de ces mesures, comme les personnes souffrant de troubles de l’addiction, les personnes âgées, les enfants, notamment ceux habituellement suivis en pédopsychatrie (TDAH, TOC…), et les adolescents ayant des troubles psychiques à risque d’aggravation (idées suicidaires, schizophrénie…). Par ailleurs, il existe une vulnérabilité psychosociale des personnes isolées, des précaires et des populations carcérales, exposées à un risque de retard des soins en cas de COVID-19. Par ailleurs, les personnes ayant des troubles psychiques sévères peuvent aussi être en difficulté pour adopter les mesures barrières et de confinement et peuvent faire envisager la nécessité d’une hospitalisation.

Abdel Wedoud Ould Cheikh : "Il n'y a qu'à accepter humblement ce qui advient, car c'était écrit"

Par Emmanuel Laurentin et Manon Prissé
16/04/2020

Coronavirus, une conversation mondiale |L’anthropologue mauritanien Abdel Wedoud Ould Cheikh interroge la façon dont l'ébranlement épidémique du Covid-19 en Mauritanie réaffirme dans les discours et les mobilisations collectives la faiblesse de l'homme face à l'omnipotence d'Allah.
Dans l'entrée de la Mosquée Saudique de Nouakchott, un vendredi de prière.
Dans l'entrée de la Mosquée Saudique de Nouakchott, un vendredi de prière. Crédits : John Wessels - AFP
Face à la pandémie de coronavirus, Le Temps du Débat avait prévu  une série d’émissions spéciales « Coronavirus : une conversation  mondiale » pour réfléchir aux enjeux de cette épidémie, en convoquant  les savoirs et les créations des intellectuels, artistes et écrivains du monde entier. 
Cette série a dû prendre fin malheureusement après le premier épisode : « Qu'est-ce-que nous fait l'enfermement ? ». Nous avons donc décidé de continuer cette conversation mondiale en ligne en vous proposant chaque jour sur le site de France Culture le regard inédit d’un intellectuel étranger sur la crise que nous traversons.
Aujourd'hui, l'anthropologue _Abdel Wedoud Ould Cheikh_, analyse la place de la religion et des récits millénaristes dans la compréhension de la crise sanitaire en cours. 

Mektoub, le covid-19 en Mauritanie 

Plus peut-être que partout ailleurs, les catastrophes naturelles ont, de tout temps, au Sahara, exercé le rôle d'accélérateur à la fois métaphysique et politique. Dans cet univers de la pénurie chronique et de la rareté de toutes les sources de vie, où les hommes peuvent aisément se sentir de trop dans une création qui n'est manifestement guère faite pour eux, l'enchaînement sécheresse-famine-épidémie-razzia que rapportent les plus vieux récits disponibles a souvent débouché sur des mobilisations collectives aux relents millénaristes.
Des Almoravides (XIe siècle), fondateurs de Marrakech, à la guerre de Shurbubba (XVIIe siècle) qui a vu se développer, sur les rives du Sénégal, l'activité d'un prédicateur inspiré annonçant la fin de toutes les oppressions et l'instauration ultime de l'équité divine dans une atmosphère apocalyptique, on peut lire les traces de ces ébranlements périodiques venus, dans l'espace mauritanien d'aujourd'hui, réaffirmer la faiblesse et la déréliction des hommes face à l'omnipotence punitive d'Allah. La tonalité dominante des réactions observées en Mauritanie à l'approche des sombres nuages du Covid-19 semble, sans surprise, s'inscrire dans ce schéma.
Il y a pourtant de nos jours, dans cette vieille « terre d'insolence » (sayba), naguère rétive face à tous les pouvoirs, une autorité gouvernementale qui proclame « avoir les choses en main » et décider à bon escient des bonnes dispositions à prendre face à la menace de la pandémie. Les préoccupations préventives des autorités administratives paraissent, pour l'heure, bénéficier de l'assentiment général de la population de la Mauritanie, partis politiques et prescripteurs d'opinion de tous bords confondus. 

Neandertal, premier à corder

Une équipe internationale a mis au jour, en Ardèche, le plus ancien exemple jamais retrouvé de cordage. Une découverte qui atteste la maîtrise du fil chez les cousins d’« Homo sapiens »
Par  Publié le 10 avril 2020
C’est une nouvelle brique pour la grande entreprise de reconstruction et de réhabilitation de l’homme de Neandertal, longtemps caricaturé en brute épaisse, mais dont il apparaît, fouille après fouille, qu’il disposait de capacités cognitives et de techniques n’ayant rien à envier à son cousin Homo sapiens. Dans une étude publiée jeudi 9 avril par la revue Scientific Reports, une équipe internationale annonce la découverte, sur le site ardéchois de l’abri du Maras, d’un minuscule fragment de cordelette, mis au jour dans une strate vieille de 41 000 à 52 000 ans. Selon les auteurs, c’est le plus ancien exemple jamais retrouvé de cordage et il est l’œuvre de Néandertaliens, les seuls humains qui aient jamais occupé cet abri sous roche sis à la sortie des gorges de l’Ardèche.

Coronavirus : « Gardons-nous de tomber dans une réactivité maladive, viro-induite, sociale et politique »

Un excès de réaction immune serait à l’origine des cas les plus sévères et des décès liés au Covid-19. Pour Eric Caumes et Mathurin Maillet, médecins au service des maladies infectieuses de la Pitié-Salpêtrière, évitons de répliquer cette hyperréactivité et de céder le contrôle de notre existence à une science toute-puissante.

Publié le 15 avril 2020

Une passagère arrive dans une gare vide, le 3 avril à Bangkok.
Une passagère arrive dans une gare vide, le 3 avril à Bangkok. LILLIAN SUWANRUMPHA / AFP
Tribune. La réactivité est devenue une qualité maîtresse au sein du monde dans lequel nous vivons. Réagir vite, rebondir sur un événement avant qu’il ne soit trop tard : il est devenu impératif de vivre dans un permanent état d’alerte. La crise sanitaire que nous traversons confirme-t-elle cette extrême nécessité d’être toujours sur le qui-vive ?
Rappelons-nous que cette expression était à l’origine une interjection prononcée devant un danger potentiel : « qui vive ? », autrement dit « qui est là vivant ? ». Paradoxe s’il en est, mais le « vivant » était ce qui représentait le danger pour les vivants.

« Celles qui se salissent les mains pour les autres »

Dans cette carte blanche, la sociologue Anne Bory analyse la façon dont le « sale boulot » échoit souvent à des femmes. Les mêmes qui se trouvent aujourd’hui en première ligne face au Covid-19.

 le 15 avril 2020

Carte blanche. A quoi sert la sociologie en temps d’épidémie ? A défaut de pouvoir soigner les malades, elle permet de saisir les causes du chaos provoqué par le Covid-19, et de comprendre ce qui se joue dans les interstices de l’organisation sociale qui se met en place, souvent à marche forcée, depuis quelques semaines.
Le temps de la recherche n’est pas celui de l’urgence, mais les travaux déjà menés permettent d’éclairer un constat qui s’impose en ces temps de confinement : la majorité des cadres télétravaillent, alors que la majorité des ouvriers, ouvrières, employées, employés et professions intermédiaires continuent de prendre les transports et de travailler au contact du public et/ou de leurs collègues.

Coronavirus : invisible et essentielle, l’armée de l’ombre des hôpitaux

Par    Publié le 15 avril 2020


RÉCIT Femmes de ménage, brancardiers, magasiniers : en seconde ligne derrière les soignants s’active tout un personnel sans qui l’hôpital ne tournerait pas.

Deux agents de l’Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP) sont morts, jeudi 9 avril. Les deux premiers décès dus au Covid-19 au sein du personnel de cette gigantesque structure hospitalière – 39 établissements, 100 000 employés. Ils n’étaient ni médecins, ni infirmiers, ni aides-soignants. L’un était électricien à l’hôpital Antoine-Béclère de Clamart (Hauts-de-Seine), l’autre était vaguemestre à Bichat (Paris 18e). En plus de mettre en lumière une fonction méconnue – le vaguemestre est le responsable du courrier –, la triste nouvelle a souligné à quel point l’hôpital était, plus qu’un groupement de soignants, une ville dans la ville.

« Un hôpital, c’est une centaine de métiers », explique Catherine Vauconsant, directrice du centre hospitalier intercommunal de Villeneuve-Saint-Georges (CHIV), perché sur une colline à cheval sur l’Essonne et le Val-de-Marne, où l’on perçoit mieux, ces temps-ci, le chant des oiseaux normalement recouvert par le bruit des avions d’Orly, et le rôle essentiel du personnel non médical : « La crise sanitaire a révélé un certain nombre de gens en support des professions du soin, et le fait que les uns ne peuvent pas vivre sans les autres. »

Le Monde s’est rendu au CHIV – 32 lits de réanimation, tous pleins – pour rencontrer ceux auxquels les citoyens confinés applaudissant à leurs fenêtres à 20 heures ne pensent pas forcément, ceux qui ne portent pas de blouses blanches, mais qui prennent soin des soignants, ceux qui sont partout mais que les patients ne croisent que furtivement, ne devinent que de loin, ou ne voient pas. Il faut parfois explorer les sous-sols de l’hôpital pour trouver ceux qui turbinent dans leurs entrailles, rouages invisibles et essentiels d’un moteur qui ne tournerait pas sans eux.

Caverne d’Ali Baba

L’hôpital ne fonctionnerait pas sans Thierry Ancien, responsable de l’approvisionnement pour les services de soins, qui œuvre au cœur d’une mini-zone industrielle collée à l’arrière de l’hôpital. Toute la journée, des camions y déchargent les palettes de blouses, de masques, de gants ou de draps qu’il a commandés, matériel à usage unique dont la consommation a explosé depuis le début de la crise. Un stock de blouses qui durait deux semaines s’évapore désormais en une journée, leur prix est passé de 20 centimes à 4,68 euros l’unité.

Un employé nettoie une poubelle dans l'espace à ordure de l'hôpital de Villeneuve-Saint-Georges, dans le Val de Marne, le 10 avril.
Un employé nettoie une poubelle dans l'espace à ordure de l'hôpital de Villeneuve-Saint-Georges, dans le Val de Marne, le 10 avril. LUCAS BARIOULET POUR « LE MONDE »

Confinement : "Cela va conduire à une augmentation des passages à l'acte suicidaire", alertent des psychiatres

franceinfo:    Gaële Joly publié le 

Coronavirus - confinement, troubles et angoisses : les réponses de Cyrille Guillaumont, psychiatre à Amiens

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Par Elise Ramirez  Publié le 15/04/2020
Le centre hospitalier Philippe Pinel, à Amiens, assure la prise en charge des maladies mentales dans son secteur. / © FTVLe centre hospitalier Philippe Pinel, à Amiens, assure la prise en charge des maladies mentales dans son secteur. / © FTV
C'est maintenant officiel : le confinement est prolongé jusqu'au 11 mai. Une période où le stress, le manque d'interaction sociale ou d'activité peuvent entraîner troubles et angoisses. Quels sont-ils ? Comment les apaiser ? Les réponses du Dr Guillaumont, psychiatre à l'hôpital Pinel à Amiens.

Quels troubles peuvent apparaître pendant le confinement ?


"Nous pourrions distinguer deux types de troubles observés depuis le confinement.

D'abord, ceux propres à la situation de confinement, nous pouvons même considérer différentes périodes. Celle où le confinement a été vécu comme un moment pour se poser dans un contexte source d'anxiété et de peur, les personnes y voyaient plutôt quelque chose d'agréable. Puis une période où il a fallu trouver un autre mode de vie, des occupations, surtout pour les enfants, établir des contacts avec les proches d'une autre manière, retrouver un nouvel équilibre.

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"Cette crise nous montre qu'un autre accompagnement médico-social est possible"

Publié le 15/04/20



Emmanuel Ronot
Établissement public, l'Epnak négocie sa feuille de route avec le secrétariat d'État en charge des Personnes handicapées. Engagé dans la transformation de l'offre médico-sociale, Emmanuel Ronot estime que la crise sanitaire va rebattre les cartes.

Hospimedia : "Comment l'Établissement public national Antoine-Koenigswarter (Epnak) s'est organisé pour assurer la continuité du suivi pendant le confinement ?

Emmanuel Ronot : Nous avons démarré notre cellule de crise le 10 mars au niveau national puis nous l'avons déclinée dans nos territoires. Au national, notre rôle consiste à balayer toutes les instructions, les digérer pour faciliter le travail des unités de crise des établissements gestionnaires. Les premières semaines nous nous sommes focalisés sur les moyens : création de numéros d'appel, transferts de moyens humains de certains services vers les internats maintenus et gestions des stocks des équipements de protection individuels... Pour le suivi à distance, nous travaillons par échanges téléphoniques, mails, visioconférences, chats, Whatsapp et autres systèmes d'échanges que les équipes ont développés. Nous avons également fait le choix, dès le départ, de maintenir voire de mettre en place pour les enfants qui sont habituellement scolarisés en institut médico-éducatif (IME) des interventions à domicile. Nous pratiquons des relayages de quelques heures pour permettre aux familles de souffler. Nous avons également organisé très vite des accueils collectifs pour une vingtaine d'enfants aux problématiques complexes dans l'Yonne et l'Essonne. Certains y resteront jusque la fin du confinement, pour d'autres il s'agit d'un accueil temporaire ou à temps partiel. À la demande du conseil départemental de l'Yonne, nous allons également rouvrir un IME pour y accueillir, avec des personnels des deux structures, une unité de vie du foyer de l'enfance.

L’« inconscient à ciel ouvert », ou le retour du refoulé en temps de confinement

Plus que la maladie elle-même, c’est souvent l’isolement qui afflige, comme en témoignent psychologues, psychiatres et écoutants de centres d’appel.
Par  Publié le 16 avril 2020
MARIO WAGNER
Les deux mots sont venus la cueillir un soir, au fond de son canapé : « A bras. » Oubliée depuis plus de trente ans, l’expression dont elle usait, toute petite, pour réclamer un câlin, a soudain resurgi, au terme d’une deuxième semaine passée entre les murs de son appartement.
« Le manque de contact humain commençait à peser plus lourd et a probablement contribué à faire remonter des choses profondes », se hasarde cette femme de 40 ans, troublée autant que bouleversée par l’épisode. Lequel n’a rien d’étonnant, selon les médecins et les thérapeutes qui, en ces temps perturbés, sont en première ligne pour constater le phénomène. « Le confinement met notre inconscient à ciel ouvert », résume ainsi joliment Frédéric Tordo, psychologue clinicien et cofondateur, avec Serge Tisseron, d’un diplôme en cyberpsychologie à l’université de Paris. 
Inédite, la situation du confinement dont on sait désormais qu’elle durera jusqu’au lundi 11 mai, favorise à des degrés divers, selon les individus, le retour du refoulé.
« En brouillant notre rapport au temps, en nous isolant, même à plusieurs, le confinement interroge l’extrême solitude de l’être humain. Il exacerbe le mal-être, réactive les traumatismes, met à nu les manques et déficits que la vie a installés, ébranle certaines de nos valeurs, interroge nos priorités et pousse aux remises en question », souligne la psychologue et psychanalyste Cécile Acket qui, comme nombre de ses collègues, parvient à maintenir le lien avec ses patients grâce à la téléconsultation.