Figures libres. La chronique de Roger-Pol Droit, à propos de « De l’âme », de François Cheng.
LE MONDE DES LIVRES | | Par Roger-Pol Droit
De l’âme, de François Cheng, Albin Michel, 160 p.
C’est sans faire de bruit qu’elle s’est esquivée. Presque personne ne s’en est rendu compte. Pareille disparition constitue pourtant un changement radical, même s’il est resté inaperçu, presque subreptice. Qui s’est éclipsé ? L’âme. Autrefois, elle définissait l’être humain, constituait l’essentiel des individus comme de l’espèce. Le corps venait en second, comme accessoire crucial mais finalement transitoire.
Rien de tel à présent. Au contraire, l’humain se confond désormais avec son corps, et n’existe que par, pour et dans son organisme. L’âme semble donc n’être plus qu’un mot, un vocable ancien, issu d’une langue morte, dont nul ne sait ce qu’il voulait dire exactement. Contre pareille déshérence et désolation, François Cheng propose de « retrouver et repenser l’âme ».Il s’y emploie en écrivain et en philosophe, au fil de sept lettres composées en réponse à une amie.
Bien que ce livre porte le même titre qu’un traité fameux d’Aristote – De l’âme, version française du grec Péri psuchès, De anima en latin –, on n’y cherchera pas de lourde argumentation métaphysique. Certes, toutes sortes de références et d’auteurs y sont convoquées, des bouddhistes à Platon, de Maïmonide à Simone Weil, sans oublier peintres, musiciens et poètes. Mais il y a plus important.