par Elsa Maudet publié le 21 juillet 2021
La tournée démarre chez Stéphane (1). Le grand homme brun aux cheveux mi-longs, une barbe blanchissante s’échappant de son masque, reçoit dans son studio, debout, au milieu des tours de CD, commodes et valises récupérées çà et là, son matelas posé à la verticale contre l’unique fenêtre, lui qui préfère dormir à même le parquet, «à la japonaise». «Comment tu vas ?» interroge Pierre-Pascal Vandini, médecin généraliste spécialisé en psychiatrie et addictologie. «Il n’y a pas de très haut, il n’y a pas de très bas. Tout est bien», répond l’hôte.
Stéphane est soucieux de ne pas se laisser grignoter par la«négativité». Mais finit par baisser un peu la garde. Certes, il ne connaît pas de «très bas», mais il n’a pas de boulot, et ça le pèse. «Je me déçois. Je m’en veux un peu. Je pourrais faire mieux», juge le quinquagénaire. Une déception d’autant plus grande qu’il est le premier à être entré dans le dispositif Un Chez-soi d’abord, il y a de cela neuf ans, et qu’il sait que d’autres ont pris leur envol depuis.
Stéphane a rejoint le projet lors de son lancement dans la capitale, en 2012. On ne parle à l’époque encore que d’une expérimentation : proposer un logement pérenne et un accompagnement médico-social à des personnes sans domicile fixe atteintes de troubles psychiatriques sévères (schizophrénie ou bipolarité), avec ou sans addiction. Exit les hébergements, très coûteux et souvent maltraitants, direction le droit commun. Une initiative de «logement d’abord», concept importé des Etats-Unis qui a notamment fait ses preuves en Finlande et fait l’objet, depuis 2017, d’un plan gouvernemental quinquennal en France ayant permis d’installer 235 000 personnes dans des logements durables. Mais les initiatives de ce type, de plus en plus nombreuses, pâtissent souvent d’un manque d’ambition et de moyens. Un Chez-soi d’abord, également déployé dans d’autres villes françaises (Marseille, Toulouse, Lille...), fait figure de modèle.