Après la mort de son père, en 2006, Belinda Cannone ressentit le besoin d'écrire un texte sur lui. Elle comptait s'appuyer sur les carnets où, depuis l'enfance, suivant exemple et conseil paternels, justement, elle consignait ses notes au jour le jour pour pallier une mémoire défaillante, et réfléchir à ce qu'elle vivait en l'écrivant. La malle qui contenait tous ses cahiers lui fut alors volée.
De cette disparition, qu'elle ressentit comme une véritable épreuve, elle a tiré un beau texte, La Chair du temps (Stock, 2012), réflexion sur la mémoire et la pratique du journal intime, avant d'en revenir à son projet initial, le livre sur son père, devenu Le Don du passeur. Ecrit en se fiant à ses souvenirs, confrontés à ceux de ses frères et soeurs, c'est le portrait tremblé de celui qui fut "(son) père, (son) éducateur, mais aussi un vieillard inadapté qui (lui) broyait le coeur" ; un texte très émouvant, tenu et vivant. Elle a, avoue-t-elle dans les dernières pages, "peiné pour l'écrire". Dès le début, avec la douloureuse péripétie du vol, et jusqu'aux ultimes lignes.