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vendredi 17 février 2023

Infirmier en pratique avancée, ce nouveau métier au cœur de la bataille de l’accès aux soins

Par  Publié le 16 février 2023

  Une proposition de loi visant à élargir les missions de ces professionnels de santé arrive au Sénat mardi. Les syndicats de médecins libéraux, qui y sont opposés, appellent à la grève le même jour.

IPA : il y a peu encore, cet acronyme renvoyant au métier d’infirmière ou d’infirmier « en pratique avancée » ne parlait à personne. Les IPA, dotés de missions élargies par rapport aux infirmiers classiques, peuvent notamment orienter, faire de la prévention et du dépistage, pratiquer certains actes techniques ou de surveillance clinique. A la faveur d’une proposition de loi visant à élargir leurs missions, qui arrive au Sénat mardi 14 février avec le soutien du gouvernement, ces professionnels se retrouvent au cœur d’une bataille qui, confient-ils à demi-mot, les dépasse un peu. « Tant mieux si l’on parle de nous, on est peu connus, relève Julie Devictor, présidente du Conseil national professionnel des IPA. Mais au regard du cœur de notre activité comme de nos effectifs [1 700 en exercice], on ne peut pas non plus être un remède miracle dans les déserts médicaux. »

La bataille a déjà trouvé un écho politique, lors du vote de la proposition de loi en première lecture à l’Assemblée, le 19 janvier. Elle rebondit aujourd’hui parmi les médecins libéraux, dont tous les syndicats ont appelé à la grève, mardi : en introduisant un « accès direct », sans passer par la case médecin, aux IPA mais aussi aux kinés et aux orthophonistes, dans le cadre d’un « exercice coordonné », le texte porté par la députée Renaissance Stéphanie Rist, partisane de la « délégation » de compétences entre soignants, bouscule les lignes de partage d’un certain nombre de gestes médicaux.

Un coup porté à la bonne prise en charge des patients autant qu’au rôle premier du médecin traitant, font valoir les détracteurs du texte. Une réponse, d’urgence, à une démographie médicale en berne, justifient ses partisans. « Ce texte répond à deux objectifs : lutter contre les déserts médicaux et améliorer l’accès aux soins », a plaidé dans l’Hémicycle Stéphanie Rist, rhumatologue de profession. Ce n’est « pas une fin en soi mais la première marche de la refondation de notre système de santé », a défendu le ministre de la santé, François Braun.

« Regard différent »

Qu’en disent les intéressés ? « Au quotidien, je me sens dans ma pratique à mille lieues des polémiques », témoigne Laurent Salsac, IPA à Joué-lès-Tours (Indre-et-Loire) et secrétaire adjoint de l’Union nationale des infirmiers en pratique avancée. « Très loin » d’imaginer que sa profession puisse venir « concurrencer » plus de 100 000 médecins libéraux :« Ce serait David contre Goliath… »

Dans le cabinet qu’il partage avec cinq généralistes, il assure bénéficier de leur « soutien plein et entier »« A nous six, nous suivons plus de 8 000 patients, beaucoup de personnes âgées, beaucoup de malades en affection de longue durée. Notre exercice est complémentaire », soutient l’infirmier, qui a décroché son diplôme d’Etat (bac + 3) en 2006, puis celui d’infirmier « en pratique avancée » (bac + 5) en 2020. « D’abord, je vérifie le dossier médical du patient. Ensuite, je l’ausculte. Enfin, je fais le point sur sa maladie, le quotidien, le maintien à domicile, explique Laurent Salsac. C’est autant de “temps médical” de gagné quand un médecin prend la suite. »

La bataille a déjà trouvé un écho politique, lors du vote de la proposition de loi en première lecture à l’Assemblée, le 19 janvier. Elle rebondit aujourd’hui parmi les médecins libéraux, dont tous les syndicats ont appelé à la grève, mardi : en introduisant un « accès direct », sans passer par la case médecin, aux IPA mais aussi aux kinés et aux orthophonistes, dans le cadre d’un « exercice coordonné », le texte porté par la députée Renaissance Stéphanie Rist, partisane de la « délégation » de compétences entre soignants, bouscule les lignes de partage d’un certain nombre de gestes médicaux.

Un coup porté à la bonne prise en charge des patients autant qu’au rôle premier du médecin traitant, font valoir les détracteurs du texte. Une réponse, d’urgence, à une démographie médicale en berne, justifient ses partisans. « Ce texte répond à deux objectifs : lutter contre les déserts médicaux et améliorer l’accès aux soins », a plaidé dans l’Hémicycle Stéphanie Rist, rhumatologue de profession. Ce n’est « pas une fin en soi mais la première marche de la refondation de notre système de santé », a défendu le ministre de la santé, François Braun.

« Regard différent »

Qu’en disent les intéressés ? « Au quotidien, je me sens dans ma pratique à mille lieues des polémiques », témoigne Laurent Salsac, IPA à Joué-lès-Tours (Indre-et-Loire) et secrétaire adjoint de l’Union nationale des infirmiers en pratique avancée. « Très loin » d’imaginer que sa profession puisse venir « concurrencer » plus de 100 000 médecins libéraux :« Ce serait David contre Goliath… »

Dans le cabinet qu’il partage avec cinq généralistes, il assure bénéficier de leur « soutien plein et entier »« A nous six, nous suivons plus de 8 000 patients, beaucoup de personnes âgées, beaucoup de malades en affection de longue durée. Notre exercice est complémentaire », soutient l’infirmier, qui a décroché son diplôme d’Etat (bac + 3) en 2006, puis celui d’infirmier « en pratique avancée » (bac + 5) en 2020. « D’abord, je vérifie le dossier médical du patient. Ensuite, je l’ausculte. Enfin, je fais le point sur sa maladie, le quotidien, le maintien à domicile, explique Laurent Salsac. C’est autant de “temps médical” de gagné quand un médecin prend la suite. »

« Officiellement, on mène un entretien clinique, pas une consultation, explique Julie Devictor, qui exerce, elle, en milieu hospitalier – comme 80 % des IPA –, dans le service d’oncologie de l’hôpital Beaujon à Clichy (Hauts-de-Seine). Mais dans les faits, il s’agit bien d’une consultation. »


C’est aussi ce que raconte Ludivine Videloup, présidente de l’Association nationale française des infirmiers en pratique avancée, en poste en néphrologie au CHU de Caen. « Au premier rendez-vous, les patients ne comprennent pas toujours mon rôle. Je leur explique que j’ai fait deux années d’études supplémentaires, que je vais les suivre pas à pas, que tout ce que nous ferons ensemble sera notifié dans leur dossier et que le médecin le verra, précise-t-elle. Cette prise en charge, ce regard différent, les malades l’apprécient. »

Un ressenti partagé par Thibaut Kubiak, qui a exercé dix ans en libéral avant de « basculer », comme IPA en médecine vasculaire, à l’hôpital Georges-Pompidou à Paris. « J’ai le sentiment d’avoir changé de métier, au positif, dit-il. Souvent, les patients nous remercient pour le temps passé à faire de la pédagogie… Cela ne veut pas dire qu’ils ne veulent pas voir leur médecin. Au contraire, on ne peut pas le remplacer. »

Verrou de l’orientation

Depuis la création du statut de ces infirmiers par la loi Touraine en 2016, et la parution du décret afférent en 2018, l’essentiel de l’activité de ces professionnels est tourné vers le suivi de patients atteints de maladies chroniques ciblées, et toujours au sein d’une équipe de soins coordonnée par un médecin. « Le médecin confie le patient à l’IPA » : c’est là la formule consacrée, dans le sillage des premiers protocoles dits de coopération apparus dans les années 2000 – déjà dans l’optique de réduire la charge de travail des médecins. Et, quelques décennies plus tôt, dans les pays anglo-saxons, pionniers en la matière.

C’est ce verrou de l’orientation par le médecin que la proposition de loi Rist entend faire sauter. « Aujourd’hui, je ne peux pas recevoir des patients qui ne me sont pas adressés par des médecins de mon service, et je dois les déranger pour prescrire du paracétamol, justifie Julie Devictor. C’est une perte de temps, à l’heure où l’on en manque, tous, tellement… »

En plus de l’« accès direct », le texte pourrait donner aux IPA l’autorisation de faire certaines prescriptions de soins et de médicaments. De quoi susciter des vocations, alors que le gouvernement s’est fixé pour objectif de grossir leurs rangs, en les portant à 5 000 en 2024 ? Les freins sont aussi économiques : avec dix-sept ans d’expérience, Julie Devictor, issue de la « première promo » d’’infirmier « en pratique avancée », en 2019, touche 2 350 euros net par mois, à l’hôpital. Ce serait « beaucoup moins en libéral », un mode d’exercice qui n’attire, aujourd’hui, qu’une centaine d’IPA.

C’est pourtant dans le cadre des soins primaires (libéral ou salarié) que les besoins se font aussi sentir, pointe Dalila Hemaidi, qui exerce dans une maison de santé du nord-ouest de Paris. Comme d’autres, cette infirmière se dit choquée des « contre-vérités » qu’elle voit sur les réseaux sociaux concernant sa profession. « On parle de médecine low cost, on dit de nous que l’on fera s’envoler les franchises d’assurance… Quel dommage d’abaisser ainsi le débat ! »

Dans le village proche de Perpignan où il exerce aux côtés de huit médecins généralistes, Grégory Gonzalvez n’entend pas y prêter attention : « En milieu rural, notre file active ne cesse de s’étendre. Face à autant de patients en demande, c’est le bon moyen de faire face. Du gagnant-gagnant… gagnant : pour l’IPA, le médecin, et le patient. »


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