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vendredi 20 octobre 2017

Du karaté pour mater le cancer

Des associations s’engagent auprès des patients pour les accompagner dans une pratique sportive – qui diminue jusqu’à 50 % le risque de rechute dans les cancers. A quand ce sport, désormais « sur ordonnance », financé par les pouvoirs publics ?

LE MONDE |  | Par 
Dix mille pas et plus. « Au début, on nous a pris pour des fous », se souvient Thierry Bouillet, oncologue au CHU Avicenne de Bobigny (AP-HP, Seine-Saint-Denis). On est en 1998. Il ne sait pas quoi faire pour soulager ses patientes touchées par le cancer, qui se plaignent de fatigue. Avec Jean-Marc Descotes, professeur de karaté et ancien sportif de haut niveau, qu’il a croisé lorsqu’il était médecin de l’équipe de France, ils proposent à ses patientes des cours de karaté. Elles sont trois. Rapidement, elles retrouvent le sourire, sont moins fatiguées, se maquillent à nouveau…




« C’était intuitif, nous voulions essayer de leur redonner du bonheur », dit Thierry Bouillet. Deux ans plus tard, tous deux créent l’association CAMI sport & cancer. Objectif : aider les patients à se reconnecter avec leur corps, souvent meurtri. L’injonction peut sembler paradoxale. Et pourtant, les données scientifiques sont claires. Les premières sont apparues autour de 2004. Une activité physique régulière et soutenue ­diminue le risque de rechute de 50 % sur des cancers du sein, de la prostate, du colon. « C’est ce que montrent des cohortes de dizaines de milliers de personnes dans le monde », explique Thierry Bouillet. Des bénéfices observés aussi dans d’autres tumeurs. Cela permet de diminuer les effets secondaires des traitements, de 36 % en moyenne pour la fatigue. Le sport contribue en outre à maintenir les capacités physiques des patients. Sans compter l’effet positif sur l’état psychologique, notamment par le renforcement des liens sociaux.


Devenir acteur


Que se passe-t-il dans le corps ? Au niveau cellulaire, l’activité physique modifie les cytokines (responsables entre autres de la fatigue) et augmente l’adiponectine (qui a un effet anti-inflammatoire). Elle diminue aussi la sécrétion d’insuline, stimulant important des cellules cancéreuses. De plus, le renforcement de la masse musculaire réduit la toxicité des traitements. Sur le tapis, les participants sont unanimes : « ça me défatigue »« ça me permet d’expulser de la colère », « on devient acteurs »

Thierry Bouillet n’hésite pas à parler d’activité physique comme d’un médicament. Il faut une ­intensité et une durée minimales et, surtout, une pratique spécifique à chaque personne. Les séances proposées par la CAMI sont « protocolisées », avec une évaluation au départ, un suivi, « c’est un projet thérapeutique », résume Jean-Marc Descotes. D’où la nécessité d’être formés. Un diplôme universitaire Sport et cancer a d’ailleurs été créé en 2009 à l’université Paris-XIII-Nord (Bobigny).






Depuis 2000, la CAMI a essaimé, avec une cinquantaine de centres aujourd’hui – dans des services de soins ou en ville – et plus de 2 500 patients qui s’entraînent chaque semaine. Au karaté s’ajoutent la danse, la marche nordique, le yoga… Un bémol toutefois, l’activité physique n’est pas intégrée dans le parcours de soins. Les soignants n’en parlent pas forcément, par méconnaissance ou par surcharge de travail.

Autre frein, la loi de janvier 2016 a certes prévu la prescription du « sport sur ordonnance ». C’est un pas. Mais ce ne sont pour l’heure que des intentions de principe. La CAMI est soutenue par des mutuelles comme Malakoff Médéric, la MAIF… mais ne dispose pas de financement pérenne. Ce qui pourrait peser sur sa survie en 2018, s’inquiète Jean-Marc Descotes. Pourtant, comme l’a rappelé Thierry Bouillet le 26 septembre, devant la commission des affaires ­sociales et culturelles de l’Assemblée nationale : un traitement pour une rechute de certains cancers du sein coûtant entre 8 000 et 10 000 euros par mois, l’économie peut être substantielle…

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