| 19.10.2017
Le cobaye parfait pour tester les nouveaux traitements de la maladie d'Alzheimer ! C'est ce que viennent de décrire les chercheurs du CEA, de l'INSERM, des universités Paris-Sud et Paris-Descartes et du CNRS dans un article publié dans « Cerebral Cortex ».
Dirigés par Nathalie Cartier et Jérôme Braudeau, du laboratoire MIRCen (Molecular imaging research center, une installation de recherche préclinique développée par le CEA et l'INSERM et installée à Fontenay-aux-Roses), les auteurs sont parvenus à forcer, chez le rat, la production de précurseurs de protéines bêta amyloïdes humaines (APP) et leur clivage successifs en βCTF, puis en Aβ40 et Aβ42.
Ils ont ainsi reproduit pour la première fois la totalité de la physiopathologie de la maladie d'Alzheimer dans un modèle animal. Un « saut technologique », selon Jérôme Braudeau, contacté par « le Quotidien ». Les chercheurs souhaitent se servir de cet outil pour étudier la phase silencieuse de la maladie qui dure jusqu'à 20 ans avant l'apparition des symptômes. Ce modèle de rat constitue aussi un outil de choix pour tester de nouvelles molécules et surtout développer, dans un avenir proche, des tests diagnostiques et pronostiques de la maladie.
L'hypothèse des 4 étapes confortée
Dans leur nouveau modèle de rat, les chercheurs de Fontenay-aux-Roses ont constaté qu'en ne modifiant que l'expression de ces protéines à l’origine des plaques bêta amyloïdes, ils observaient une hyperphosphorylation de la protéine Tau, plusieurs mois avant la formation de plaque bêta amyloïdes et d'enchevêtrements neurofibrillaires.
« Ces données nous confirment la relation causale entre la production de protéine bêta amyloïdes et la pathologie liée à la protéine Tau, affirme les Jérôme Braudeau. Cette relation causale était fortement suggérée chez les patients, mais nous en apportons la preuve car en ne modifiant que sur la production de protéines amyloïdes, nous avons aussi affecté celle de la protéine Tau phosphorisée. Dans notre système, on commence à voir apparaître un déclin cognitif à partir du moment où les deux composantes, Tau et bêta amyloïdes, sont engagées. »
Leurs observations soutiennent aussi l'hypothèse des 4 étapes de la maladie : dérégulation de la voie amyloïdogénique, puis augmentation de la protéine Aβ42 soluble dans le liquide céphalorachidien, suivie d'une suractivation transitoire des récepteurs extra-synaptiques glutamatergiques. Les dernières étapes sont la tauopathie, les troubles de mémoires et du comportement et enfin l'apparition de plaques séniles, et d'angiopathie amyloïde.
En janvier 2016, les mêmes chercheurs avaient publié dans « Molecular Neurodegeneration », un article dans lequel ils décrivent un modèle murin dans l'hippocampe duquel ils ont introduit des versions mutées des gènes produisant les précurseurs des protéines bêta amyloïdes et la protéine Presenilin 1, via un virus adéno-associé.
Le modèle de rat décrit dans leur nouvelle étude est une évolution de ces travaux plus anciens. « Nos souris ne permettaient d'étudier que les stades très précoces de la maladie, alors que notre modèle de rat reproduit aussi les formes agrégées tardives de la maladie, explique Jérôme Braudeau. De plus, le rat a des capacités mémorielles et un comportement social plus proche de ceux de l'Homme, ce qui en fait un bon modèle d'étude ».
Une start-up pour début 2018
Le modèle de rat est breveté depuis novembre 2013. Jérôme Braudeau, en association avec Baptiste Billoir, un diplômé de HEC est en train de fonder une start-up, avec l'aide financière du CEA, dont l'activité devrait commencer en janvier 2018. Le but est de s'appuyer sur ce nouveau modèle animal afin de développer un test en mesure de déterminer à quelle phase de la maladie se trouve un patient et donc le traitement approprié. « Nous allons fournir des solutions clés en main aux industriels qui souhaitent développer un traitement », prévoit-il.
Jusqu'à présent, la quasi-totalité des molécules testées ont trébuché sur la marche des essais cliniques, car les essais recrutaient des patients à des stades trop avancés pour être traités. Dans certains cas, des analyses post-mortelles ont montré que les patients recrutés souffraient de démences non liées à la maladie d'alzheimer. « La mise au point d'un test diagnostic et notre modèle animal permettront de tester à nouveau des molécules lors des phases précoces », espère Jérôme Braudeau.
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