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mardi 11 août 2015

Hikikomori, à intégrer dans le DSM ?




Hikikomori. Ce terme japonais désigne un sujet affecté par un trouble du comportement (ou ce trouble lui-même) marqué par un « retrait social » : souvent jeunes, voire en âge d’obligation scolaire, les intéressés tendent à se confiner dans leur chambre, décrocher de tout cursus scolaire, universitaire ou professionnel, en réduisant de manière drastique leurs contacts sociaux. Concernant surtout des adolescents ou des jeunes adultes vivant dans des pays développés et à hauts niveaux de revenus (Australie, États-Unis, Europe, Japon...), cette problématique a reçu diverses appellations, venues généralement du Japon ou des États-Unis: « freeter », « otaku », « hikikomori », « slacker », « twixter », « adultolescent » (désignant, conformément à son étymologie transparente, des sujets s’attardant chez leurs parents sans rechercher une autonomie financière), « Tanguy » (en France, par allusion au célèbre film d’Étienne Chatiliez) ou encore « ney », non-engaged youth, évoquant à Hong-Kong (Chine) des jeunes refusant de s’engager dans une quête d’indépendance financière et sociale et se contentant de demeurer sans emploi et sans aucune formation.

Ce comportement de retrait social a suscité une lecture sociologique, mais également psychiatrique, en particulier dans ses formes graves posant la question d’un diagnostic différentiel où cette symptomatologie de retrait du monde révèlerait en fait une pathologie plus classique : trouble psychotique (y compris schizophrénie), autistique (vu le déficit de socialisation et de communication), dépressif (du fait de l’aboulie, l’apragmatisme et la procrastination), trouble de stress post-traumatique, trouble de la personnalité schizoïde...
Mais certains auteurs proposent d’y voir une « nouvelle pathologie à intégrer dans une future édition du DSM. » The Australian & New Zeland Journal of Psychiatry publie une méta-analyse sur le phénomène hikikomori (portant sur 42 études provenant de 344 sources initiales), réalisée à Hong-Kong à partir de la littérature médicale sur ce thème, via les bases de données PubMed, Web of Science, ScienceDirect... L’approfondissement de ce phénomène hikikomori suscite des perspectives différentes : certains chercheurs insistent sur le concept d’attachement excessif aux parents et voient dans le trouble hikikomori un « phénomène négatif », mais les adeptes de la théorie du développement d’Erikson le considèrent « plus positivement, comme un processus de recherche de la connaissance de soi. » Si différentes interventions pour les jeunes socialement retirés ont été développées, principalement au Japon, la pratique factuelle à ce sujet (au sens pragmatique de la médecine fondée sur les faits) reste « presque inexistante », estiment les auteurs.
Dr Alain Cohen
RÉFÉRENCE
Li TMH et Wong PWC : Youth social withdrawal behavior (hikikomori): A systematic review of qualitative and quantitative studies. Aust N Z J Psychiatry, 2015 ; 49 (7) : 595–609.

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