Les médecins ne pratiquent plus l’IVG en Italie, la hausse des avortements clandestins inquiète
Face au nombre croissant de gynécologues objecteurs de conscience, les services pratiquant les interruptions volontaires de grossesse (IVG) ferment. Une situation inquiétante qui favorise le retour des pratiques clandestines.
Des affiches placardées à l’entrée des services indiquant qu’ici, « on ne fait plus d’IVG », des patrouilles de volontaires attendant les patientes pour leur parler d’assassinat avec la bénédiction des directeurs sanitaires des structures publiques, bienvenue dans les hôpitaux italiens où les femmes ne peuvent quasiment plus avorter malgré l’adoption en 1978 de la loi 194.
Trafiquants et marché noir
Face à l’augmentation constante du nombre de gynécologues et de personnel paramédical objecteur de conscience, les femmes qui vivent de l’autre côté des Alpes ont deux options : se rendre à l’étranger ou avorter clandestinement au risque de mourir. Selon l’Istat, l’institut national des statistiques, 80 % des gynécologues transalpins et 50 % des anesthésistes et des infirmiers refusent de pratiquer des IVG. Quelques exemples ? Dans le Latium, la région qui entoure la cité éternelle, 91 % des spécialistes se déclarent objecteurs de conscience. Dans le sud profond, à Bari, chef-lieu des Pouilles, les deux derniers gynécologues qui acceptaient encore de pratiquer des interruptions de grossesse ont jeté l’éponge. Mis à l’index par leurs collègues, harcelés par les volontaires des associations pro-vie, ils n’ont plus tenu le coup moralement. À Naples, enfin, un seul service hospitalier est encore ouvert et en Sicile, le taux d’abstention des spécialistes frôle la barre des 80,6 %.
Alors que faire ? « Les femmes qui en ont les moyens vont en Suisse, en Angleterre ou en France, les autres se débrouillent avec les moyens de bord, offerts par le marché noir », reconnaît un gynécologue romain objecteur de conscience sous couvert d’anonymat. Se débrouiller cela veut dire se retourner vers les cliniques clandestines, avaler une RU486 de contrebande ou des médicaments contre l’ulcère à base de misoprostol. Pris en grande quantité, ce produit provoque l’interruption de la grossesse promettent les trafiquants sud-américains qui font arriver leur cargaison par mer dans le port de Gênes. Au marché noir, dix cachets coûtent 100 euros, affirme l’Istat, et moitié prix sur Internet. Sans en revenir aux aiguilles à tricoter, certaines femmes acceptent toutefois de prendre des risques. Résultat : les plus chanceuses deviennent stériles, d’autres meurent de septicémie.
Interpellation du ministère de la Santé
Pour combattre cette situation intolérable, la Laiga, l’association libre des gynécologues favorables à l’application de la loi 194, ont saisi le Conseil d’Europe. « Le Conseil d’Europe nous a donné raison mais cela ne sert pratiquement à rien. De nombreux spécialistes ont peur de briser leur carrière », a récemment confié la Laiga à la presse italienne.
L’absence de chiffres officiels, le ministère de la Santé ayant « oublié »de publier ses données sur le nombre de femmes hospitalisées suite à une tentative d’avortement clandestin depuis quatre ans, complique le problème. Mais la mobilisation de la Laiga et les appels lancés par les associations de femmes, ont finalement brisé le mur du silence qui entoure le retour de l’avortement clandestin en Italie.
Cette semaine, le parti démocrate a demandé au ministère de la Santé de publier un rapport au moins sur les deux dernières années. Au sénat, les démocrates ont déposé une motion réclamant l’intervention du gouvernement et la pleine application de la loi 194 sur l’ensemble du territoire. Le texte propose le recrutement de personnel favorable aux IVG, l’ouverture de planning familiaux et l’application des interruptions pharmacologiques de grossesse. Les centristes, pour leur part, ont demandé au ministre de la Santé, Beatrice Lorenzin, d’intervenir au Parlement dans le cadre d’une discussion sur l’avortement clandestin. Reste à voir comment réagira cette dernière, très proche des associations pro-vie.
› ARIEL F. DUMONT, À ROME
31/05/2013
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