Principe actif de certains champignons hallucinogènes, la psilocybine[1] est un puissant psychodysleptique. Comme pour toute substance dangereuse, il paraît tentant d’essayer d’en « apprivoiser » les effets pour des utilisations et des doses contrôlées, afin d’en tirer un possible usage thérapeutique. C’est une démarche commune pour tout poison dont on essaie de tirer un nouveau médicament : atropine, colchicine, digitaline, ergot de seigle, etc.
Dès les années 1950, la psychiatrie a eu d’ailleurs recours à des substances de type « psychédélique », en particulier pour « réduire les défenses » et « faciliter la compréhension des émotions » lors de certaines psychothérapies. Une étude britannique reprend cette idée pour évaluer (relativement à un placebo) l’intérêt de la psilocybine dans « l’accès aux souvenirs et aux émotions. » Si cette recherche ne porte que sur un faible nombre de sujets (9 hommes et 1 femme « en bonne santé physique et mentale » âgés en moyenne de 31 ans), elle s’appuie sur l’imagerie cérébrale par résonance magnétique fonctionnelle pour comparer l’activation d’une image mentale (sensation de réminiscence d’un événement) après administration de psilocybine (2mg en intraveineuse) ou d’un placebo (sérum physiologique).
Fermant les yeux durant seize secondes, les participants ont pour consigne de « revivre » en imagination un événement (à connotation uniquement positive, pour « minimiser les effets négatifs » liés à un souvenir traumatisant). Les auteurs observent « des activations mnésiques robustes » des régions limbiques et striatales pendant les huit premières secondes, puis du cortex médian préfrontal dans les huit dernières secondes où se manifestent aussi, mais seulement chez les sujets sous psilocybine, des activations neuronales supplémentaires concernant les zones visuelles et d’autres aires du cortex sensoriel. La « vivacité de la mémoire et de l’imagerie visuelle » sont significativement plus élevées sous psilocybine (p<0,05) et il existe une corrélation positive significative (p<0,01) entre « vivacité mnésique et bien-être subjectif au suivi. »
Confortés par ces données, les auteurs estiment que cette drogue serait susceptible de devenir (pour des indications et des protocoles à préciser) un auxiliaire médicamenteux du psychothérapeute, car son puissant effet stimulant sur le rappel des souvenirs constitue un outil pouvant « faciliter le rappel des souvenirs marquants » ou « inverser des biais cognitifs négatifs » s’érigeant en « défenses » contre la thérapie.
Dr Alain Cohen
Carhart-Harris RL et coll.: Implications for psychedelic-assisted psychotherapy: functional magnetic resonance imaging study with psilocybin. Br J Psychiatry, 2012; 200: 238–244
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