Le jardinage, un outil thérapeutique contre les psychoses
LE MONDE |
Par Christine Angiolini (Grenoble, envoyée spéciale)
Tomates, courgettes, aubergines, mais aussi plantes aromatiques, hortensias... Un jardin semblable à tant d'autres à quelques encablures du centre de Grenoble. Ici, ceux qui grattent la terre, sèment et bêchent souffrent de psychoses et de névroses graves et handicapantes. Ils fréquentent quotidiennement le Centre de santé mentale de la MGEN de Grenoble, un hôpital de jour. Plusieurs fois par semaine, ils se rendent au jardin, à pied, en tramway ou à bicyclette, soit seuls, soit accompagnés par un soignant. Nombreux sont ceux qui prennent des psychotropes et suivent une psychothérapie. Ici, pas de surmédication, juste les doses nécessaires au soulagement des symptômes, assure-t-on.
Tomates, courgettes, aubergines, mais aussi plantes aromatiques, hortensias... Un jardin semblable à tant d'autres à quelques encablures du centre de Grenoble. Ici, ceux qui grattent la terre, sèment et bêchent souffrent de psychoses et de névroses graves et handicapantes. Ils fréquentent quotidiennement le Centre de santé mentale de la MGEN de Grenoble, un hôpital de jour. Plusieurs fois par semaine, ils se rendent au jardin, à pied, en tramway ou à bicyclette, soit seuls, soit accompagnés par un soignant. Nombreux sont ceux qui prennent des psychotropes et suivent une psychothérapie. Ici, pas de surmédication, juste les doses nécessaires au soulagement des symptômes, assure-t-on.
Ce jardin de 300 m2 a vu le jour en 2008, grâce à la persévérance de certains soignants, convaincus des bienfaits de l'hortithérapie : "Cet endroit hors les murs s'inscrit dans une dynamique de psychothérapie institutionnelle, où la mise en circulation de la parole, le lien et la relation à l'autre sont privilégiés, explique Corine Lebaud, ergothérapeute. Le jardinage est une activité très physique, et met le corps à l'épreuve. Porteur de créativité, il suppose aussi une répartition des rôles de chacun. Il recrée du lien social."
UNE DIMENSION SENSORIELLE
Le jardinage est intéressant pour les patients psychiatriques car il a une dimension sensorielle. Il leur donne le sens des responsabilités et les valorise. Ainsi ce patient qui venait à l'hôpital de jour à reculons, et qui, depuis la création du jardin, y passe la plupart de son temps. Cela l'apaise ; ses relations aux autres sont devenues moins conflictuelles. Lui qui souhaitait un jardin tiré au cordeau accepte progressivement l'idée que cela ne corresponde pas à la réalité. Il suffit qu'une personne piétine les plates-bandes pour que tout soit à refaire !
Tel autre patient a été à l'origine de la plantation d'hortensias, des fleurs qui tenaient une place importante dans son histoire familiale. En 2009, le jardin a pris ses aises : l'hôpital de jour a en effet bénéficié d'une bourse de près de 2 000 euros de la part de Jardins et santé, une association qui soutient la recherche clinique et aide à la création de jardins thérapeutiques. "Le cabanon qui jouxte le jardin a été conçu de façon créative par un patient qui s'exprime difficilement par la parole", dit le docteur Marie-Philippe Deloche, chef de service du Centre de santé mentale. La dimension institutionnelle permet la transversalité des ateliers : ainsi les activités conte ou poésie peuvent se tenir au jardin.
Certains patients traversent aussi des périodes de crise durant lesquelles ils perçoivent le monde extérieur comme dangereux. Le jardin est alors relégué aux oubliettes. Puis une fois la tempête passée, ils y reviennent lorsqu'ils le souhaitent. Quant aux familles, elles sont invitées à participer à son entretien en offrant graines et plants. En septembre, elles sont même conviées à une fête dans ce jardin... extraordinaire.
Christine Angiolini (Grenoble, envoyée spéciale)
Savoir répondre à l'appel vivifiant de la nature
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Les Japonais s'adonnent avec passion au shinryoku, "la balade en forêt". Ils ne sont pas les seuls. Diverses études scientifiques montrent qu'une virée parmi les arbres a un pouvoir déstressant. En forêt, les bienfaits de la marche (ralentissement du rythme cardiaque, abaissement de la tension artérielle et du cortisol, hormone du stress) sont plus puissants encore.
La psychologie, qui s'intéresse à l'humain dans sa singularité, mais aussi à ses interactions familiales et sociales, s'est dotée d'une nouvelle orientation au début des années 1990 : l'écopsychologie. Née en Californie, cette discipline trouve son origine dans de multiples courants : contre-culture, antiracisme, écologie, psychologie humaniste... Elle postule que notre bien-être psychique ne peut être séparé de l'environnement naturel dans lequel nous baignons.
"Des travaux ont ainsi montré que des salariés dont la fenêtre donne sur des arbres et des fleurs estiment leur travail moins stressant que ceux qui ont une vue sur des constructions urbaines", précise Nicolas Guéguen, professeur en sciences du comportement à l'université Bretagne-Sud et auteur avec Sébastien Meineri de Pourquoi la nature nous fait du bien (Dunod, 280 p., 16,90 €).
Qu'est-ce qui nous fait plonger instinctivement dans ces bains de verdure ? Des envies de silence et de bouffées d'oxygène pour échapper aux univers urbains où l'hypertechnologie règne en maître et où tout va trop vite ? "Nous sommes soumis à des stimulations sensorielles et neurologiques de plus en plus fortes et récurrentes, ce qui entraîne un stress accru", explique le docteur Denis Richard, chef de service à la pharmacie de l'hôpital Henri-Laborit, à Poitiers, et auteur de Quand jardiner soigne (éd. Delachaux et Niestlé, 2011).
RENOUER AVEC DES IMAGES DE NOTRE UNIVERS PRIMITIF
Selon certains théoriciens américains, le besoin de se ressourcer dans la nature serait inscrit au plus profond de nous et nous permettrait de renouer inconsciemment avec des images de notre univers primitif. La psychanalyste Marie Romanens, auteure avec le psychologue Patrick Guérin de Pour une écologie intérieure (éd. Payot, 2010), insiste sur ce désir de nature qui nous reconnecte avec la part de "sauvage" qui est en nous. "Il nous renvoie aux parties les plus pulsionnelles et indomptées de notre personnalité, explique-t-elle. C'est l'élan vital qui échappe à notre contrôle... Une sorte d'énergie à l'état pur, sur laquelle il nous faut nous appuyer sans nous laisser déborder."
Le neuropsychiatre Boris Cyrulnik estime, lui, que "les citadins ont besoin de débrayer en marchant dans la nature et de retrouver les traces de leur cerveau archaïque. Mais s'ils vivaient en permanence en pleine nature, ils viendraient sûrement se déstresser en ville". Le simple fait d'avoir une vue sur la nature aurait le pouvoir de dynamiser notre mental, notamment quand on est concentré sur une tâche fatigante.
L'écrivain Didier Decoin contemple son divin jardin quand il prend la plume : "Quand l'inspiration me manque, je m'approche de la fenêtre de mon bureau, sous les toits, et je contemple le jardin en contrebas, en ne pensant à rien, en n'étant que regard, regard aimant dans le sens amoureux comme dans le sens magnétique, et j'attends", écrit-il dansJe vois des jardins partout (éd. JC Lattès, 229 p., 16,90 €).
CULTIVER SON JARDIN... SECRET
Certains avouent que gratter la terre, bêcher, semer des graines, regarder fleurs et légumes pousser, arroser, désherber, pour enfin récolter le fruit de leur labeur, les aide à affronter les tempêtes de la vie. Khania, 51 ans, raconte ainsi que le jardinage lui a permis "de prendre de la distance" et de "gérer au mieux" ses émotions. "Je me sens libérée de toute pensée négative, témoigne-t-elle. Cette activité me regonfle d'énergie, donne du sens à la vie."
Même engouement chez Marie, 50 ans : "Je me suis sortie d'une dépression grâce à la terre, aux plantes... Un matin, ce fut l'appel de la nature : j'ai eu une envie spontanée de planter, de faire pousser et surtout de toucher la terre. J'ai donc remué des mètres cubes entiers et j'ai créé un potager", raconte-t-elle. "Le jardin est une nature domptée et asservie, une nature intermédiaire qui nous relie au vivant", ajoute Denis Richard.
Si certains cultivent leur jardin avec délice, d'autres caressent des rêves plus singuliers : celui de vivre en symbiose avec une nature sauvage, voire aride. Ghislaine, 55 ans, après plusieurs traumatismes affectifs, a débarqué en plein désert. "Le choc est immédiat. Doit-on parler de transfiguration ? Cela fait un peu mystique, mais c'est le mot qui me vient. Renaissance totale. Je choisis de vivre dans une grotte, au plus près de la nature. Une année magique où je deviens totalement moi."
"Pour avoir accompagné des gens dans le désert, je sais qu'on peut être troublé, voire craquer psychiquement, face à cette immensité, témoigne Marie Romanens. Mais lorsqu'on a suffisamment de ressources intérieures, cette expérience peut prendre la forme d'une traversée initiatique." Pour Ghislaine, l'aventure continue. Son projet ? Rénover un village troglodyte dans une montagne surplombant le désert.
Christine Angiolini
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