Le Conseil constitutionnel censure en partie la loi sur la réforme de la psychiatrie
Le Monde.fr avec AFP |
Le Conseil constitutionnel a censuré vendredi 20 avril deux dispositions issues de la loi de 2011 sur les soins psychiatriques sans consentement, concernant les "irresponsables pénaux" et les personnes placées en unité des malades difficiles (UMD), mais donne un délai au législateur "pour remédier à cette inconstitutionnalité".
Pour les personnes jugées irresponsables par un juge, la censure vise ceux dont l'hospitalisation sans consentement a été décidée par un préfet et non directement par le juge. Jugeant que "l'abrogation immédiate de ces dispositions aurait eu des conséquences manifestement excessives", le Conseil constitutionnel a reporté au 1er octobre 2013 la date de l'abrogation des dispositions en cause. Le Conseil répond ainsi à une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) posée par une association de défense des droits des patients en psychiatrie, le CRPA, sur la conformité à la Constitution de quatre articles ou alinéas du code de la santé publique.
Le Conseil constitutionnel admet qu'"en raison de la spécificité de la situation des personnes ayant commis des infractions pénales en état de trouble mental ou qui présentent, au cours de leur hospitalisation, une particulière dangerosité, le législateur pouvait assortir de conditions particulières la levée de la mesure de soins sans consentement dont ces personnes font l'objet". "Toutefois, il appartient alors au législateur d'adopter les garanties contre le risque d'arbitraire encadrant la mise en œuvre de ce régime particulier", expliquent les Sages dans un communiqué.
DEUX GRIEFS REJETÉS
Il a par ailleurs rejeté deux autres griefs de l'association du "Cercle de réflexion et de proposition d'actions sur la psychiatrie" (CRPA). Contrairement aux inquiétudes de l'association, la loi ne peut imposer des soins psychiatriques "en ambulatoire" (hors de l'hôpital), explique-t-il en substance.
L'autre point portait sur le délai excessif, selon l'association, pour l'intervention du juge des libertés et de la détention (JLD) lors d'une hospitalisation ordonnée par la justice. Le Conseil relève que la loi a prévu un réexamen périodique tous les six mois de cette mesure d'hospitalisation sans consentement. Par ailleurs, note-t-il, "la loi ne fait pas obstacle à ce que le JLD puisse être saisi à tout moment aux fins d'ordonner la mainlevée immédiate de la mesure".
La loi du 5 juillet 2011 avait été initiée fin 2008 par Nicolas Sarkozy après le meurtre d'un étudiant à Grenoble par un malade mental qui s'était enfui de l'hôpital. Quelque 70 000 personnes sont hospitalisées sous contrainte chaque année. Les points censurés par les Sages concernent à peu près 300 personnes au total.
Le Conseil constitutionnel impose de meilleures garanties pour les malades jugés dangereux
Le Monde.fr |
Nouveau joli coup pour les patients en psychiatrie. Déjà, fin 2010, ils avaient réussi à rendre obligatoire le contrôle des hospitalisations sous contrainte par un juge des libertés par l'intermédiaire d'une question prioritaire de constitutionnalité (QPC). Vendredi 20 avril, par le même biais, ils ont obtenu une modification de la loi concernant les patients considérés dangereux.
Il s'agit de ceux placés en unité pour malades difficiles (UMD) et des personnes ayant commis une infraction pénale mais ayant été jugées irresponsables du fait d'un état de trouble mental. Les sages ont jugé inconstitutionnels deux points de la loi du 5 juillet 2011 sur la psychiatrie, concernant la sortie des programmes de soins de ces malades.
"GARANTIES CONTRE LE RISQUE D'ARBITRAIRE"
Contrairement à la demande du Cercle de réflexion et de proposition d'actions sur la psychiatrie (CRCA), l'association de patients à l'origine de la QPC, ils ont estimé qu'en raison du profil de ces patients "le législateur pouvait assortir de conditions particulières la levée de la mesure de soins sans consentement" - deux expertises de psychiatres supplémentaires sont notamment prévues. Mais le Conseil constitutionnel a cependant jugé nécessaire que soient adoptées "des garanties contre le risque d'arbitraire encadrant la mise en œuvre de ce régime particulier". Il a ainsi estimé indispensable de définir dans quelles conditions il peut être décidé d'une admission en UMD, la loi ne précisant pas de critères de placement.
Les individus jugés "irresponsables pénaux" devront être par ailleurs informés de la transmission de la décision de justice au préfet, qui peut décider de l'admission en hôpital psychiatrique. Le président du CRCA, André Bitton, a jugé que cette double censure était "une très bonne chose pour ces patients réputés les plus dangereux, qui étaient les plus en péril au niveau des libertés individuelles et des droits".
Le Conseil constitutionnel a donné un délai de dix-huit mois au législateur pour modifier la loi du 5 juillet 2011. Ce texte avait principalement introduit des soins sans consentement hors des murs de l'hôpital auxquels ils étaient jusque-là cantonnés, avec l'hospitalisation d'office et celle à la demande d'un tiers. Sa décision constitue une brèche pour les associations de patients, les syndicats de psychiatres ou encore le Syndicat de la magistrature, très critiques envers ce texte. Le CRCA souhaitait également, avec sa QPC, que l'intervention d'un juge pour les soins sous contraintes hors les murs de l'hôpital soit rendue obligatoire, mais le Conseil constitutionnel ne lui a pas donné raison.
Les sages ont estimé qu'il n'y avait pas de mesure de contrainte possible dans ces programmes de soins sans consentement. Ce qui laissait, vendredi, tous les acteurs dubitatifs. Maintenant qu'une réforme de la loi est rendue obligatoire, il est certain que la question va revenir dans le débat.
Laetitia Clavreul
Revendications du CRPA sur le champ de la contrainte psychiatrique
21 Avril 2012 Par André Bitton
I°) Au plan général :
I-1°) Nous réclamons une dé psychiatrisation de la société. Il faut tout de même réaliser que, selon les chiffres dont nous avons connaissance, nous sommes passés en une quarantaine d'années d'une file active dans la psychiatrie publique de 300 000 personnes au début des années 70, à une file active actuelle, toujours dans la psychiatrie publique, de 1,5 millions de personnes. Les perspectives actuelles indiquent de plus une extension incessante du champ d'application de la psychiatrie en général et de la contrainte psychiatrique en particulier.
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