Les relations complexes entre l'Etat et l'industrie du médicament
| 25.01.12
Quinze patrons des plus grands groupes industriels de la santé et quatre ministres devaient se rencontrer au ministère de l'économie, à Bercy, mercredi 25 janvier. Les groupes pharmaceutiques Sanofi, Ipsen, Pfizer, Roche, GlaxoSmithKline, Novartis, MSD, et Lilly, les sociétés de biotechnologie LFB et PX'Therapeutics, l'entreprise de diagnostics BioMérieux, et les fabricants de matériels médicaux Becton Dickinson et Sorin, ainsi que Urgo et General Electric France, ont délégué leurs PDG mondiaux, européens ou français. Tandis que les ministres du travail, de l'emploi et de la santé, Xavier Bertrand, de l'économie et des finances, François Baroin, de l'industrie, Eric Besson, et de la recherche, Laurent Wauquiez, participeront aux travaux.
La rencontre est la cinquième du genre, organisée par le Conseil stratégique des industries de santé (CSIS). Ce type de manifestation a lieu tous les deux ans, et a pour objectif de définir les axes de négociations entre les industriels et la puissance publique. Car les relations entre industriels du médicament, d'une part, et gouvernement, d'autre part, sont non seulement stratégiques, mais aussi complexes et sensibles.
Industriels et politiques sont en effet condamnés à s'entendre tant leurs intérêts sont imbriqués. Or, les sujets de friction ont été nombreux en 2011. "Notre dialogue a subi les contrecoups de la suspicion propagée par le monde parlementaire et les médias sur la façon dont les industriels de la santé agissent sur le territoire", accuse Christian Lajoux, président du LEEM, organisation professionnelle représentant les entreprises du médicament en France.
Le scandale du Mediator a terni l'image des industriels comme des politiques, faisant en outre planer le doute sur une éventuelle collusion entre les uns et les autres.
En outre, la conjoncture économique a durci les négociations sur les prix des médicaments. Ceux-ci résultent d'accords entre le Comité économique des produits de santé (CEPS) dépendant du ministère de la santé, et chacun des industriels. Ces derniers se plaignent de la difficulté grandissante à obtenir des conditions satisfaisantes de prix et de remboursement de nouveaux médicaments.
Parallèlement, l'Etat se doit de manier la carotte et le bâton. Le bâton, pourlimiter les dépenses de santé ; la carotte pour inciter les industriels à continuerd'investir sur le territoire, à y ouvrir des centres de recherche, à participer aux travaux de laboratoires publics par des partenariats public-privé (PPP). En 2010, le solde de la balance commerciale de médicaments en France atteignait 7 milliards d'euros, alors que la balance commerciale nationale était déficitaire de 51 milliards d'euros, relève le LEEM.
Les seize industriels du médicament, filiales françaises de laboratoires internationaux ayant une activité de recherche en France, membres de l'association des Laboratoires internationaux de recherche (LIR), ont investi collectivement 709 millions d'euros en France en 2010, pour de la recherche fondamentale et clinique, disent-ils. "Sans les industriels, la recherche publique française ne serait pas au niveau où elle est aujourd'hui", affirme Vincent Genet, directeur de la division santé de la société de conseil Alcimed.
L'Etat dispose d'une palette de leviers pour les inciter à rester. Outre les aides communes à tous, comme le crédit d'impôt recherche, il peut se montrer plus compréhensif vis-à-vis des industriels de la santé investissant en France, lors des négociations sur les prix de médicaments. Même si ce critère n'est pas officiel.
En outre, le CEPS distribue des crédits dits "crédits CSIS", aux industriels méritants. L'enveloppe globale de ces aides s'élève à 70 millions d'euros par an, selon Gilles Johanet, président du CEPS.
A ces incitations financières, s'ajoutent les apports scientifiques mutuels. Si "laFrance accueillait favorablement l'innovation, ce paradigme change. La situation n'est pas satisfaisante", estime Hervé Gisserot, PDG de GlaxoSmithKline France.
Les discussions du CSIS devraient ainsi porter sur l'amélioration de la recherche partenariale. "Aux Etats-Unis, il faut huit jours pour signer un partenariat public-privé. En France, cela prend un an", dit-on au LIR. Les industriels du LIR souhaitent aussi développer la pharmaco-épidémiologie, c'est-à-dire "l'impact d'un traitement dans la vraie vie", explique Guy Eiferman, PDG de MSD France. Mais pour y parvenir, il faut un meilleur accès aux bases de données de la Caisse nationale d'assurance-maladie.
"Il faut que les évaluations de médicaments (nécessaires à la fixation des prix)intègrent les progrès scientifiques et technologiques", estime M. Lajoux.
Donnant donnant, pour éviter que les industriels, leurs investissements et les emplois qui vont avec, ne filent vers d'autres cieux plus généreux.
Annie Kahn
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