Les médecins se convertissent au paiement à la performance
02.01.12
Fini le seul paiement à l'acte. A partir de 2012, les médecins seront aussi payés à la performance, sur la base du respect d'objectifs de santé publique ou de maîtrise des dépenses de santé. Combattu d'abord, le principe a finalement été accepté par les syndicats. Les médecins, individuellement, avaient jusqu'au 26 décembre 2011 pour notifier leur refus d'un tel complément de salaire auprès de l'assurance-maladie. Selon les premières remontées des caisses primaires, moins de 1 % auraient entrepris cette démarche.
La "rallonge" pourra aller jusqu'à 9 000 euros par an et par médecin traitant. La CNAM a constitué une liste d'indicateurs de "bonnes pratiques" à respecter. Les médecins toucheront par exemple 50 points (350 euros) s'ils sont équipés d'un logiciel d'aide à la prescription, mais aussi des points s'ils prescrivent un taux élevé de génériques ou si leurs patients diabétiques font bien les tests réguliers préconisés.
Le pragmatisme l'a emporté. En 2009, une expérimentation avait déjà rencontré un succès inattendu, ce qui a valu qu'elle soit généralisée. Beaucoup de praticiens, sans perspective d'une hausse du tarif de consultation, y voient le moyen de gagner plus facilement. Si les critères sont remplis, le médecin touche un supplément. S'ils ne le sont pas, il ne perd rien. Certains, en outre, trouvent intéressantes les données sur le suivi de leurs patients fournies par la CNAM.
Interrogations éthiques
"Il nous paraît évident que les refus seront très minoritaires", jugeait en fin de semaine dernière Claude Bronner, du syndicat Union généraliste. Mais ce médecin y voit des limites : "Les critères sont plus économiques que scientifiques, et d'un point de vue médical, il y avait des choses plus intelligentes à faire. Au lieu de se focaliser sur le taux de vaccination de la grippe, il aurait mieux valu valoriser le fait que les carnets de santé soient à jour."
Une enquête qu'il a réalisée auprès de ses adhérents montre que certains s'interrogent sur la complexité du dispositif, la mainmise de la CNAM sur les prescriptions, ou encore se demandent si les patients ne jugeront pas que les décisions de leur médecin sont guidées par un intérêt financier.
Certains médecins ont même publié leur lettre de refus sur Internet, faisant part d'interrogations éthiques. "C'est abominable, le médecin aura intérêt à avoir des patients qui observent bien ses prescriptions, ce qui n'est pas évident dans toutes les populations", décrypte Didier Ménard, du Syndicat de la médecine générale. Le syndicat a appelé au boycott du paiement à la performance, dénonçant un risque de conflit d'intérêts. Surtout, les choix de la CNAM le gênent, parce qu'"on ne peut pas réduire les objectifs de santé publique à tel ou tel taux de dépistage réalisé". Comme d'autres, il préférerait que les démarches, comme le temps consacré à la prévention grâce à la mise en place de réseaux de travail, soient rémunérées.
Dans le projet PS pour la présidentielle, il était question que le paiement à l'acte devienne "résiduel ", au profit du forfait. Celui-ci consiste à offrir une somme par patient, quel que soit le nombre d'actes, et permet aussi de rémunérer d'autres tâches. Pour l'instant, François Hollande s'est contenté de plaider pour une diversification de la rémunération. L'UMP est sur la même ligne, qui propose un mixte entre acte, forfait et performance.
Laetitia Clavreul
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