2011 : qui veut gagner la guerre (électorale)... prépare la paix (avec les médecins)
Paris, le vendredi 30 décembre 2011 – Sans fausse pudeur, le gouvernement a consacré cette année 2011 à reconquérir l’électorat médical.
La tâche n’était pas mince : la loi hôpital patient santé territoire (HPST) a été ressentie comme un affront, sinon une erreur par la majorité des représentants des professionnels de santé, médecins libéraux en tête. Dès le début de l’année a donc été annoncée clairement la volonté de détricoter les mesures adoptées sous l’ère Bachelot, qui avaient suscité tant de vexation chez les praticiens de ville. Pour cette entreprise de reconstruction et de séduction conjuguées, le gouvernement se repose sur le sénateur UMP Jean-Pierre Fourcade qui présente au printemps une loi destinée à corriger certains éléments de la loi HPST.
Adieu à la taxe Bachelot...
Première cible très attendue de ce texte : il supprime définitivement la taxe Bachelot qui devait imposer aux médecins des zones les plus riches en offre de soins de prêter main forte (ponctuellement) aux praticiens des régions désertées. Il abroge également l’obligation de déclarer ses congés. Le texte ménage d’autres bonnes surprises pour les syndicats de médecins libéraux, telle la création d’un nouveau statut juridique permettant de faciliter les exercices en groupe et notamment l’instauration de maisons médicales. La société interprofessionnelle de soins ambulatoires offre plus de liberté aux associés (« des personnes physiques exerçant une profession de santé ») en leur permettant notamment de poursuivre en dehors d’elle « toute activité professionnelle dont l’exercice en commun n’a pas été expressément prévu par les statuts ». Par ailleurs, elle simplifie de nombreuses démarches administratives.
Négociations conventionnelles : les jeunes gênent
Mais l’adoption cet été de la loi Fourcade ne fut que le premier acte de cette année de réconciliation avec les médecins libéraux. Le second, également capital, fut l’adoption d’une nouvelle convention régissant les rapports entre l’Assurance maladie et les praticiens de ville.
Les négociations s’ouvrent au printemps sous des auspices favorables, avec l’annulation par le Conseil d’Etat d’une décision de l’Assurance maladie visant à taxer les praticiens téléchargeant moins de 75 % de leurs feuilles de soins (une trêve néanmoins de courte durée puisque le spectre de la taxation des ordonnances de papier est de retour en cette fin d’année). Les discussions doivent porter sur trois sujets centraux : l’introduction d’une plus large part de paiement à la performance, la mise en place de nouveaux dispositifs pour limiter les déserts médicaux et l’instauration du secteur optionnel attendue depuis près de dix ans. Néanmoins, les négociations tournent rapidement court en raison du blocage pendant plusieurs semaines de la Confédération des syndicats médicaux français (CSMF) et du Syndicat des médecins libéraux (SML) qui refusent la présence des représentants des étudiants et des internes en médecine à la table des discussions.
...bonjour à la taxe Bachelot inversée
Avec habileté, grâce à des rencontres en tête à tête avec chaque organisation, l’Assurance maladie parvient à renouer le fil du dialogue. Ce succès annonçait d’autres victoires : le 21 juillet, le directeur de l’Assurance maladie Frédéric Roekehem accomplit l’exploit d’obtenir la signature des trois plus importants syndicats : la CSMF, le SML et MG France. La convention entérine une véritable révolution : les bases d’un système de paiement à la performance, bien plus complet que les CAPI, sont jetées. Une liste d’une trentaine d’objectifs a été dressée. Tous sont assortis de points. Certains concernent l’informatisation des cabinets ou encore la tenue du dossier médical. D’autres ont directement trait à la prise en charge des malades. Cette nouveauté (dont il n’est pas certain qu’elle enthousiasme la majorité des médecins…) s’accompagne de la revalorisation de certains tarifs de consultation et de la création de nouvelles cotations pour certains actes spécifiques (qui concernent les dermatologues, les gynécologues, les pédiatres ou encore les psychiatres).
En matière de limitation des déserts médicaux, les syndicats et l’Assurance maladie se sont entendues sur la création d’une taxe Bachelot inversée : outre une aide à l’investissement de 5 000 euros accordée aux médecins ne réalisant pas de dépassement d’honoraires et exerçant dans un cabinet de groupe dans une zone où l’offre de soins est faible, au terme de la nouvelle convention, les praticiens exerçant dans des zones richement dotées qui accepteraient de prêter ponctuellement main forte à leurs confrères de localités moins pourvues pourraient recevoir une rémunération valorisée de 10 % pour cette activité (avec un plafond établi à 20 000 euros). Ajoutons à cela que l’UNCAM a fait des promesses satisfaisantes contribuant à pérenniser l’Allocation supplémentaire vieillesse (ASV) ou encore que le gouvernement a adopté une réforme de la responsabilité civile médicale et l’on comprendra avec quel souci du détail le gouvernement et ses partenaires ont œuvré pour répondre aux attentes des médecins.
Les médecins reconquis, les mutuelles en conflit
Demeurait néanmoins au terme de la discussion conventionnelle, un point sur lequel les parties n’avaient pu s’entendre : la mise en place du secteur optionnel. Les réticences du Bloc, le syndicat représentant les spécialités concernées n'ont pas été les seules en cause. Bien plus certainement, le refus de l’Union nationale des organisations d’assurance complémentaires (UNOCAM) de s’asseoir à la table des négociations renvoya une nouvelle fois à plus tard l’ouverture de ce secteur au sein duquel en théorie les médecins le choisissant s’engageront à ne réaliser des dépassements d’honoraires (dans la limite de 50 % du tarif Sécurité sociale) que pour 70 % de leurs actes. A l’origine du blocage des mutuelles : le refus de la loi Fourcade d’entériner la possibilité pour elles de développer des réseaux de soins et la hausse de la taxe sur les contrats santé et solidaire adoptée cet automne dans le cadre des nouvelles mesures d’austérité budgétaire. Sans doute, l’introduction dans la loi de financement de la Sécurité sociale d’un article prévoyant la création du secteur optionnel par voie de décret en cas d’échec définitif des négociations a-t-elle fini d’attiser la colère de la Mutualité Française, tandis que cette façon de résoudre le conflit est loin d’avoir satisfait les médecins.
A l’hôpital : RTT, suppressions de postes et inquiétudes
Les praticiens, en dépit de cette année plutôt favorable, ont cependant encore certaines réserves vis-à-vis de l’action du gouvernement, en matière par exemple de réduction des tâches administratives ou de la lutte contre les violences faites aux médecins, qui continuent à défrayer la chronique en dépit des nombreuses promesses et des « pactes » adoptés. Cette violence, on le sait, touche sans distinction praticiens de ville et hospitaliers.
Ces derniers n’ont pas d'ailleurs été l’objet d’une attention aussi soutenue des pouvoirs publics que les médecins de ville cette année. Pour eux, les années se suivent et se ressemblent, avec une fois encore des inquiétudes quant à la refonte du statut de PH ou les interminables négociations sur la « liquidation » des millions de jours de RTT accumulés dans les comptes épargnes temps. De même, dans les couloirs des hôpitaux ce furent les mêmes appels pour dénoncer les suppressions de postes, les mêmes alarmes pour évoquer les difficultés face à l’afflux de patients et les mêmes craintes concernant la fermeture de tel ou tel service.
Passage des infirmières en catégorie A : petit désaveu pour le gouvernement
Ces tourments, les praticiens hospitaliers les partagent sans conteste avec les infirmières hospitalières, qui durant cette année avait à répondre à un choix que leur soumettait le gouvernement : partir plus tôt à la retraite sans augmentation de salaire ou voir leur statut revalorisé en contrepartie d’un temps d’activité allongé. La réponse a été obtenue le 31 mars : au total, plus de la moitié des infirmières a choisi de conserver le droit à une retraite avant soixante ans plutôt que de s’inscrire en catégorie A. Le responsable du pole ressources humaines à la FHF, Patrick Lambert avait confirmé au printemps dernier que l’âge a souvent été déterminant pour emporter la décision, les infirmières les plus proches de la retraite étant le plus enclines à conserver la possibilité de quitter le plus rapidement possible les couloirs blancs. Ces résultats mitigés furent considérés comme un échec pour le gouvernement par les syndicats.
L’Ordre infirmier va-t-il prendre une retraite anticipée ?
Chez les infirmières libérales, c’est l’Ordre des infirmiers qui fut menacée en 2011 de prendre sa retraite anticipée. L’année a en effet été riche en turbulences pour cette institution qui a finalement vu démissionner son intransigeante première présidente qui refusait si vigoureusement que soit diminué le montant d'une cotisation si décriée. Ce changement de pouvoir n’empêcha pas l’Ordre infirmier de frôler cet été le dépôt de bilan, sauvé in extremis très probablement par un coup de pouce présidentiel. Aujourd’hui, l’Ordre infirmier va un peu mieux ayant augmenté le nombre de ses cotisants. Néanmoins, le semblant de confiance retrouvé reste très précaire en particulier en raison d’une hostilité toujours prégnante d’un grand nombre d’infirmières hospitalières et d’une position plutôt ambiguë du gouvernement.
PACES : une paix mitigée
L’approche d’une nouvelle année incite enfin à s’interroger sur l’avenir, sur ces nouvelles infirmières et ces nouveaux médecins qui demain nous soigneront. L’année 2011 voyait à cet égard mise en place la nouvelle mouture de la première année des études médicales (la PACES), avec des inquiétudes que l’annonce d’une augmentation du numerus clausus pour 2012 ne semblent pas avoir totalement atténuées.
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