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dimanche 10 octobre 2010






La loi enfermera-t-elle encore davantage ?

La violence est ailleurs que chez les fous, les étrangers, les Roms…

Par Pierre Paresys, Vice-président de l’union syndicale de la psychiatrie


L’esprit de la loi de prévention de la délinquance (5 mars 2007), rédigée à quatre mains par madame Dati et monsieur Sarkozy, sa volonté évidente de constituer par association une « image type du supposé nuisible », de « l’ennemi intérieur » où chacun trouvera le sien sans pour autant s’y reconnaître, trouve à nouveau sa parfaite illustration dans l’actualité. Le chapitre 3 de ce texte (les dispositions tendant à limiter les atteintes aux biens et à prévenir les troubles de voisinage) associait dans sa dernière mouture les gens du voyage, les chiens méchants et les malades mentaux.

Il s’agissait d’instrumentaliser les travailleurs sociaux et les éducateurs, les enseignants, la psychiatrie et l’ensemble du secteur sanitaire afin de contrôler la population sous couvert de délinquance habilement associée à la précarité, à la fragilité, à l’absentéisme scolaire, à la santé mentale voire à l’immigration.

La partie concernant les malades mentaux a été retirée du projet définitif et les Roms ont temporairement relayé les fous, les autres étrangers et les gens du voyage comme instruments de la propagande sécuritaire.

Certes, un pousseur dans le RER, cela choque, fait peur, d’autant plus que cela paraît incompréhensible et semble pouvoir toucher n’importe quel innocent, mais faut-il pour autant instrumentaliser cette peur, la commercialiser ? Il s’agit là d’actes dramatiques mais exceptionnels, qui paraissent nous envahir par leur surmédiatisation et leur instrumentalisation, là ou la violence d’État se développe à bas bruit.

La plume qui, par les lois et décrets qu’elle signe, pousse la population à ne pas se soigner, les hôpitaux et les médecins à faire du chiffre, à se résigner pour certains à « adapter leur éthique », à sélectionner les actes et les patients, à réduire ces patients à des clients et à des sommes d’actes, le professionnel de la santé à un producteur d’actes, n’est-elle pas beaucoup plus dangereuse que les images qu’on exhibe pour nous faire peur ? La voix qui prétend classer les hôpitaux en fonction du taux de mortalité ne peut ignorer la sanction qui peut en résulter pour les patients âgés, fragiles, trop lourds, etc., priés de mourir avant l’admission, après leur sortie ou leur transfert. L’évaluation tous azimuts, le culte des chiffres tue en éloignant les équipes soignantes de leur objet : l’humain. La plume qui transforme le travailleur social en délateur, le policier en chasseur de sans-papiers, de gens du voyage ou de pauvres en situation d’expulsion n’est-elle pas responsable de la dégradation de l’image de ces agents de l’État et de la mise en danger de ceux-ci au même titre que tous les représentants de l’État ?

La réponse à la précarité des conditions de vie doit être une politique de simple gestion des débordements et c’est dans ce contexte que le projet de loi relatif aux droits et à la protection des personnes faisant l’objet de soins psychiatriques favorise la généralisation des soins sous contrainte en ambulatoire.

Cette loi n’aurait pas d’autre résultat que d’éloigner les patients des soins, de favoriser leur marginalisation et leur abandon. Il s’agit, par une généralisation de la contrainte, de faire des équipes de psychiatrie une menace pour la population et, par là même, de retarder l’accès aux soins par la méfiance et la peur qu’elles susciteront.

Là où l’accueil, le temps de l’écoute étaient possible, l’effet d’ambiance, la crainte, la méfiance rendront toute véritable alliance thérapeutique impossible. Plusieurs dizaines d’années de travail vont être annihilées là où l’accueil et l’écoute étaient encore une exigence.

L’échec inévitable de cette politique conduira à l’extension de l’enfermement pour le plus grand profit des bétonneurs sans pour autant, bien au contraire, parvenir à l’impossible risque zéro, confortant là encore, pour le plus grand bonheur de nos stratèges, le sentiment d’insécurité.

Pierre Paresys

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