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jeudi 4 juin 2020

« Croire qu’une société développée doit protéger ses aînés au détriment de ses jeunes est une erreur »

La pandémie constitue une crise sociale et générationnelle majeure qui hypothèque l’avenir des jeunes, estime la sociologue Anne Lambert, responsable scientifique de l’enquête Coconel (« Coronavirus et confinement »), dans une tribune au « Monde ».
Publié le 3 juin 2020

Tribune. N’ayons pas peur des mots. La pandémie a creusé les inégalités entre les générations, mais elle a aussi réveillé la guerre – politique, celle-là – entre les âges. Car en matière d’avenir et d’investissements collectifs, c’est bien de choix politiques dont il s’agit. La solidarité a un coût.
L’enquête Coconel « Logement, travail, voisinage et conditions de vie : ce que le confinement a changé pour les Français », réalisée par l’Ined, est, de ce point de vue, sans appel.
Rappelons brièvement ses principaux enseignements. Conduite du 30 avril au 4 mai par Internet, auprès de la population adulte française, l’enquête montre que, quel que soit l’indicateur retenu (logement, conditions de vie, revenus, emploi), la situation des jeunes s’est massivement dégradée et ce, plus fortement que pour les autres tranches d’âge.
Certes, aucune catégorie n’a été épargnée par le confinement et la récession qui a suivi. Mais les jeunes apparaissent les plus touchés par la crise sociale et économique engendrée par la pandémie de Covid-19 et le confinement, en raison de leur précarité aujourd’hui devenue structurelle.

La difficile relocalisation de l’industrie pharmaceutique






Nous sommes le 11 mars, en fin de matinée, quelques heures avant que l’Organisation mondiale de la santé ne qualifie de « pandémie » le Covid-19. Au siège de l’Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP), on se prépare à affronter la vague, mais son ampleur est encore largement sous-estimée. Les nouvelles qui arrivent d’Italie sont pourtant bien sombres : dans le nord du pays, le système de santé est submergé par l’afflux de patients en état de détresse respiratoire, qui nécessitent des soins lourds en réanimation.
Installé dans une salle de réunion, Rémi Salomon, le président de la commission médicale d’établissement de l’AP-HP, écoute avec inquiétude le récit des médecins du San Raffaele Institute, à Milan, où le confinement a été décidé la veille. « Ce qu’ils nous racontaient était terrible », se rappelle-t-il. Le manque de lits, de personnels, mais aussi, bientôt, de médicaments. Ce jour-là, on parle d’azithromycine, un antibiotique courant, mais, très vite, les pénuries vont menacer plusieurs molécules indispensables à la réanimation des malades : les curares, utilisés pour relâcher les muscles avant l’intubation, le propofol, un anesthésique et le midazolam, un hypnotique.
Après l’Italie, la France. Dès le 27 mars, l’AP-HP diffuse un document encourageant les médecins à changer leurs pratiques pour économiser ces molécules. Cinq jours plus tard, l’AP-HP ainsi que huit autres grands centres hospitaliers universitaires (CHU) européens lancent un appel à l’aide aux gouvernements : « Les hôpitaux seront bientôt à court de médicaments essentiels pour traiter les patients atteints du Covid-19 hospitalisés en réanimation (…). Ils risquent de ne plus pouvoir fournir des soins intensifs adéquats d’ici une à deux semaines », avertissent-ils.

Tracer les médicaments à chaque étape de leur fabrication

Problème : les autorités de santé ne savent pas où aller chercher ces médicaments. Chaque année, les industriels déclarent leurs sources d’approvisionnement à l’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé, mais, faute de moyens suffisants, ces données ne sont pas exploitées, ce qui rend impossible l’identification des maillons faibles : « Sur le papier, avec dix fabricants différents pour un même médicament, on a une impression de sécurité. Mais si tous achètent leur principe actif au même endroit, il y a un risque », souligne un consultant qui préfère rester anonyme.
Commandé en septembre 2019 par le premier ministre, Edouard Philippe, un rapport sur les causes industrielles des pénuries de médicaments préconise de doter l’agence d’un système d’information permettant de tracer les médicaments à chaque étape de leur fabrication. Dans ce document encore confidentiel – que Le Monde a pu consulter –, les auteurs insistent sur la nécessité de « lancer une étude portant sur les façonniers impliqués dans ces maillons, afin, notamment, d’identifier les sites ou les lignes de production pour lesquels le maintien en France ou en Europe est stratégique et doit être encouragé ».
Ce pourrait être le cas des usines de midazolam, une molécule utilisée aussi bien en réanimation que pour l’accompagnement des malades en fin de vie. Brevetée, en 1979, par le laboratoire Roche et commercialisée, entre autres, sous la marque Hypnovel, elle est, depuis longtemps, tombée dans le domaine public. Son principe actif, qui se présente sous la forme d’une poudre blanche à diluer pour en faire une solution injectable, est désormais fabriqué à bas coût par une multitude d’industriels, dont les plus importants se trouvent en Inde.

« Les groupes préfèrent délocaliser dans des pays à bas salaire »

C’est aujourd’hui la norme : 80 % des « ingrédients » indispensables à la confection des médicaments consommés en Europe sont achetés ailleurs, principalement en Asie, où les contraintes environnementales sont plus souples et la main-d’œuvre moins chère. « En dépit des possibilités d’automatisation, les groupes préfèrent délocaliser dans des pays à bas salaire, de façon à dégager des marges importantes, grâce auxquelles ils pourront verser des dividendes élevés à leurs actionnaires et, ou, compenser les investissements réalisés pour le marketing et la recherche et développement », précise El Mouhoub Mouhoud, professeur d’économie à l’université Paris-Dauphine.
« Je soupçonne certains laboratoires d’utiliser des principes actifs fabriqués dans des usines qui n’ont pas reçu l’approbation des autorités de santé, mais elles n’ont pas les moyens de vérifier »
Sur les sept fabricants contactés par Le Monde, seuls trois ont accepté de préciser – en partie – leur chaîne d’approvisionnement. « Les entreprises n’aiment pas beaucoup dire qu’elles se fournissent auprès de sous-traitants », constate le chimiste Joseph Fortunak, qui a travaillé plus de vingt ans dans l’industrie pharmaceutique. Professeur à la Howard University à Washington, il a passé vingt-cinq heures à naviguer dans différentes bases de données pour identifier les fabricants du principe actif du midazolam. « Je soupçonne certains laboratoires d’utiliser des principes actifs fabriqués dans des usines qui n’ont pas reçu l’approbation des autorités de santé, mais elles n’ont pas les moyens de vérifier », estime-t-il.
Jusqu’en 2004, M. Fortunak supervisait la production de midazolam pour le compte du laboratoire américain Abbott. « A l’époque, le principe actif était fabriqué aux Etats-Unis. Par la suite, le laboratoire a préféré s’approvisionner en Inde car c’était moins cher. Vendre des principes actifs est bien moins rentable que vendre des produits finis », analyse-t-il, en précisant que, peu après son départ, Abbott s’est désengagé des génériques en créant une société spécifique, Hospira, acquise, en 2015, par son concurrent Pfizer.
Trouver, mettre aux normes et ouvrir une usine en Europe prend entre trois et cinq ans
Avant de céder son Hypnovel, fin 2019, à l’allemand Cheplapharm, le laboratoire Roche sous-traitait la fabrication du principe actif à un italien, le groupe Fabbrica Italiana Sintetici. Le laboratoire français Aguettant Pharma s’approvisionne pour sa part auprès de l’américain Cambrex, dont l’unité de production de midazolam est aussi située en Italie. Cependant, rien ne filtre sur l’organisation de la chaîne, plus en amont : d’où viennent les matières premières chimiques utilisées dans ces usines ? Sous-traitent-elles une partie de leur production ?
Une fois le principe actif acheté, il faut fabriquer le médicament, le conditionner dans des ampoules. « Nous en formulons l’essentiel sur des sites de notre maison mère, en Inde », confie Xavier Mesrobian, directeur général d’Accord Healthcare France, filiale française du laboratoire indien Intas. Une minorité de lots, destinés au marché britannique, sont produits dans une usine rachetée par le groupe en 2016, au Royaume-Uni. « Nous souhaitons nous rapprocher des marchés dans lesquels nous sommes actifs, mais c’est très compliqué », regrette-t-il.
Trouver, mettre aux normes et ouvrir une usine en Europe prend entre trois et cinq ans. Pour les produits injectables comme le midazolam, le site doit être stérile, ce qui induit des coûts supplémentaires. Dans un rapport sur l’indisponibilité des médicaments publié en 2018, l’Académie nationale de pharmacie rappelait que « les capacités de production pour ces médicaments injectables sont limitées car la production se fait en locaux dévolus, avec des mesures de confinement strictes et des procédures de travail lourdes pendant et après la fabrication ». A ces contraintes s’ajoute la question du volume, une ampoule occupant plus de place sur un tapis roulant qu’un comprimé.

« Mieux orienter les aides publiques »

Finalement, conclut Xavier Mesrobian, « investir dans une nouvelle usine qui ne produirait que du midazolam ne serait pas rentable. C’est un médicament qui prend beaucoup de temps de machine, mais ne rapporte quasiment rien  en France, une ampoule est vendue environ 20 centimes d’euros ». Depuis le début de la pandémie, l’ensemble des lignes d’Accord Healthcare autorisées à en produire tourne jour et nuit. Les lots destinés à la France sont envoyés chez un dépositaire, à Amiens, où des tests qualité et le packaging sont réalisés, avant la livraison aux hôpitaux.
Sur le principe, les industriels ne se disent pas hostiles à la relocalisation. « Encore faudra-t-il que les gens acceptent la présence de sites Seveso au fond de leur jardin. Car qui dit production de matière première dit usines de chimie fine », rappelle Philippe Lamoureux, le directeur général des Entreprises du médicament, le lobby de l’industrie pharmaceutique. A l’entendre, tout rapatriement serait illusoire sans un « pacte industriel » prévoyant un allègement de la fiscalité sur les investissements productifs. Et une garantie sur les prix pratiqués en France, qu’il juge trop bas. La question de la provenance des principes actifs se pose cependant dans toute l’Europe, y compris dans les pays où les médicaments sont vendus plus chers que dans l’Hexagone.
Pour pousser les laboratoires à réinvestir, la Commission européenne a annoncé, le 28 mai, qu’elle était prête à encourager le rapatriement de capacités de production. Si le détail des mesures ne sera pas connu avant la fin de l’année, c’est bien à l’échelle européenne que les décisions déterminantes pourraient être prises. « Dans les mécanismes réguliers, les normes européennes n’autorisent pas les Etats à mener des politiques ciblées sur tel ou tel secteur, indique El Mouhoub Mouhoud. Il faudrait changer les règles, de façon à mieux orienter les aides publiques, notamment le crédit d’impôt recherche, en le concentrant sur les chaînons manquants des filières de production. Ainsi que sur les secteurs stratégiques, comme la santé : aujourd’hui, le crédit d’impôt recherche est aussi bien alloué à l’industrie pharmaceutique qu’à la grande distribution ». En définitive, le cadre législatif est le même pour le médicament et les biens de consommation courants. L’enjeu humain, pourtant, est bien différent.

Troubles psy : plus d’imagerie pour moins de médicaments ?

Alternative Sante : l'expérience de la médecine naturelle
Jean-Pierre Giess   3 juin 2020


  • Vision 3D du cerveau grace au SPECTVision 3D du cerveau grace au SPECT

Alors que le recours à l’imagerie est devenu un quasi réflexe dans tous les domaines de la médecine, celui de la santé mentale est l’un des rares ‒ le seul ? ‒ à encore s’en priver pour établir ses diagnostics. Comme questionne un célèbre psychiatre américain précurseur en la matière : « Comment voulez-vous savoir sans y voir ? »


Les troubles mentaux restent un tabou. Il n’est que de constater la réaction d’une personne qui se voit suggérer « d’aller voir quelqu’un » : « Quoi, comment, mais tu n’y penses pas ?! Je ne suis pas fou (folle) tout de même ! ». Près d’un quart des Français consomment pourtant des psychotropes et 25 personnes se donnent la mort chaque jour. Entre perte des repères, souffrance au travail et confusion sociale ambiante, les conditions de l'instabilité mentale n’ont jamais été aussi favorables.

La psychiatrie diagnostique-t-elle dans l’obscurité ?

Si vous allez voir votre médecin pour une douleur dans le genou, la poitrine, le dos ou n’importe où ailleurs, il voudra d’abord voir ce qui se passe ; vous repartez donc avec une ordonnance pour une radiographie, un scanner, une IRM, une coloscopie, une coronarographie ou au minimum une analyse de sang. Bref des images ou des données factuelles qui permettent de poser un diagnostic et faire le choix d’une thérapie en rapport. Mais il y a un organe qui échappe quasi systématiquement à une telle démarche : le cerveau. Là, le spécialiste, en l’occurrence le psychiatre, va se référer aux symptômes décrits par son patient et au DSM (Diagnostic and Statistical Manual), manuel de référence (controversé) pour le diagnostic des troubles psys.
Pour presque toujours le même résultat : la prescription d’un psychotrope, dont le choix repose d’ailleurs en partie sur la communication et le marketing déployés par les fabricants. Un certain nombre de ces substances sont en effet régulièrement décriées non seulement pour leur apport totalement illusoire , au mieux un effet placebo, mais aussi pour leurs effets secondaires potentiellement désastreux. Une partie des malades est carrément internée, souvent sous la contrainte, en hôpital psychiatrique. Tout ça pour des résultats discutables sur le long terme, ces patients étant trop souvent condamnés à errer avec leur mal durant toute leur vie. Mais que voulez-vous, c’est dans la tête…

Certains psychiatres aussi veulent de l’imagerie

Ces dernières décennies ont apporté des avancées considérables dans le domaine des neurosciences, notamment grâce aux techniques d’imagerie de plus en plus fines et précises. En offrant un visuel des zones cérébrales impliquées dans telle tâche, ou dysfonctionnantes dans telle maladie, l’imagerie a permis des progrès décisifs dans la compréhension de l’organisation du cerveau, de l’activité des neurones, des phénomènes électriques, des neurotransmetteurs… Cependant, ces progrès peinent à se traduire sur le terrain.
La demande existe pourtant, et doublement : d’un côté, les troubles mentaux touchent aujourd’hui près d’une personne sur quatre dans le monde, d’après l’OMS. Un sur quatre, c’est aussi le ratio des Français sous psychotropes. De l’autre côté, les psychiatres eux-mêmes commencent à réclamer davantage d’imageries cérébrales pour affiner leurs diagnostics, comme en atteste notamment une tribune publiée dans Le Monde en février 2018, à l’initiative de deux psychiatres et d’un radiologue.

Visualiser le fonctionnement du cerveau plutôt que le conjecturer

Les études portant sur l’imagerie médicale appliquée au cerveau montrent des différences fondamentales entre cerveaux sains et cerveaux « malades ». Cependant, l’imagerie ne fait clairement pas partie des routines de la psychiatrie, contrairement à d’autres spécialités comme la cardiologie, la cancérologie ou la rhumatologie. Il n’existe pas non plus de tests ou d’analyse de laboratoire pour diagnostiquer une migraine, une dépression ou un trouble bipolaire. En fait, ces affections ne sont qu’évaluées, pour ne pas dire conjecturées. Imaginez que votre cardiologue en fasse de même pour appréhender l’état de santé de votre cœur ; pas de prise de tension, pas de coroscanner, pas de test d’effort, rien que de la théorie. Bizarre, non ?
L’intérêt de l’imagerie du cerveau réside dans cette possibilité de visualiser un dysfonctionnement, de pouvoir identifier la zone concernée et de comprendre dans quel sens elle est affectée. Ainsi, les différentes techniques aujourd’hui à disposition permettent de voir si une zone est suractivée, sous activée, abîmée par un choc ou encore atteinte d’une dégénérescence ou d’une tumeur. Dès lors, il est possible de proposer au patient une thérapie en rapport avec l’état réel de son cerveau, et pas seulement en réponse à ses symptômes comportementaux.

Coronavirus: Barcelona beach trip for recovering patients

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3 June 2020

Doctors in Barcelona take coronavirus patients to the beachImage copyrightGETTY IMAGES
Image captionThe trips are part of a recovery programme for coronavirus patients
Spanish coronavirus patients are taking trips to the seaside as part of their recovery from the illness.
Medical teams at the Hospital del Mar in Barcelona have been photographed wheeling people to the beach as part of a programme designed to humanise intensive care units.
The government has slowly begun to ease what was one of Europe's most restrictive lockdowns.
At one point people could not go out to exercise and children were not allowed to leave their homes for any reason.
Doctors in Barcelona take coronavirus patients to the beachImage copyrightGETTY IMAGES
Image captionIsidre Correa was taken to the seaside on Wednesday

Doctors in Barcelona take coronavirus patients to the beachImage copyrightGETTY IMAGES
Image captionHe has been in hospital since 14 April



Réinterpréter l'histoire du suicide dans le « Passage du milieu » (golfe de Guinée, XVIIIe siècle)

 
Réinterpréter l'histoire du suicide dans le « Passage du milieu » (golfe de Guinée, XVIIIe siècle)
Massacre des esclaves du navire Zong, 1781

Africa4 propose une série sur l’histoire de l’esclavage sur la côte du golfe de Guinée… du point de vue des hommes et femmes réduits en esclavage.
# Épisode 3

Cette série est le résultat d’une campagne de recherche inédite dans les archives de la Compagnie des Indes par les étudiant.e.s du Master d’histoire transnationale de l’Ecole normale supérieure et de l’Ecole des chartes (PSL Université).
Questions à... Ursula Carmichael, étudiante en Master d’histoire transnationale (PSL Université).
Comment aborder la pratique du suicide dans le « Passage du milieu » ?
La pratique du suicide dans le contexte de la traite transatlantique semble avoir pris diverses formes : le refus de manger, se jeter par-dessus bord, ou se suicider au cours d’une révolte. Le suicide durant le Passage du milieu était un acte individuel ou collectif, entrepris par les femmes comme par les hommes. Les instances des actes autodestructeurs collectifs nous laissent supposer qu’un certain nombre de captifs ont préféré, dans le contexte d’une souffrance collective, mettre fin à leur vie avec une certaine solidarité pour faire face à la terreur et l’incertitude de l’acte. Mais dans les conditions de vie restrictives à bord des navires, on peut s’imaginer que les actes d’autodestructions individuelles devenaient plus simples et immédiats.
Comment aborder la question du suicide dans le « Passage du milieu » ?
Aujourd’hui on donne aux actes d’autodestruction entrepris par les captifs africains à bord des navires de traite le terme de suicide, projetant ainsi nos idées sur la réalité et le cadre des expériences des captifs africains. Les expériences horrifiantes vécues au quotidien (la torture, la séparation de la famille et des amis, le viol, la peur du cannibalisme et la maladie, entre autres), ont certainement provoqué des tentatives de suicide. Pourtant, l’histoire de la traite est complexe et l’étude des suicides dans le Passage du milieu fait preuve d’une multiplicité de dynamiques qui animaient les navires.

Dans les carnets de bord de la Compagnie des Indes, le terme « suicide » n’est pas utilisé. Les carnets de bord notent, par exemple, qu’un homme ou une femme « s’est jeté (e) » par-dessus bord » ou est « tombé(e) à la mer ». On note quelques mentions de suicide explicites, par exemple, dans le carnet de bord duDromadaire : « Il s’est jeté deux noirs par-dessus les lieux qui étaient enferrés ensemble, l’un de 22 et l’autre de 25. Ils se sont noyés de dessein prémédité… » (25 mars 1734).

mardi 2 juin 2020

Avec le confinement, sommes-nous devenus des hikikomori ?

cnrs-le-journal-logo - La Fondation Droit Animal, Ethique et Sciences
par Laure Cailloce    02.06.2020



Après deux mois de confinement, certains ont du mal à sortir de chez eux. Sont-ils devenus des « hikikomori », du nom de ces jeunes Japonais qui restent cloîtrés au domicile familial par refus du monde extérieur ? La réponse de Natacha Vellut, psycho-sociologue au laboratoire Cermes 3.
Vous êtes co-autrice d'un ouvrage sur les adolescents en retrait, les fameux hikikomori japonais. Qui sont-ils ? Ce phénomène existe-t-il en France également ?
Natacha Vellut1 : Les hikikomori sont ces jeunes Japonais âgés de moins de trente ans qui restent au moins six mois sans quitter le domicile familial. Ils arrêtent d’étudier ou de travailler, et cessent toute relation sociale… Certains peuvent vivre reclus pendant des années ! Le mot hikikomori veut dire littéralement « reculer », « se cloîtrer à son domicile ». Le phénomène a été décrit au Japon à la fin des années 1980, mais le terme « hikikomori » a rapidement eu beaucoup de succès auprès des psychiatres et médecins partout dans le monde, qui ont identifié des cas d’hikikomori parmi leurs jeunes patients.
En France, de plus en plus de familles et de jeunes se reconnaissent dans cette définition, même si, hors du Japon, les hikikomori ne sont pas considérés comme une catégorie médicale en tant que telle et qu’aucune statistique sur le phénomène n’est disponible. Certains hikikomori vont être camouflés derrière d’autres appellations, comme les décrocheurs scolaires par exemple. Mais attention, on peut avoir une phobie scolaire et continuer d’avoir des relations en dehors de l’école, donc tous les décrocheurs ne sont pas des hikikomori.

 Quelle est la cause de ce retrait du monde ?
N. V. : Le phénomène est psycho-social avant tout. Il est né au Japon lors de la grave crise économique qui a suivi l’éclatement de la bulle financière dans ce pays, à la fin des anénes 1980. On a parlé de « génération perdue » pour les jeunes en âge d’entrer sur le marché du travail. La société japonaise continuait de formuler des injonctions, mais n’offrait plus de place à ces jeunes ; quelque chose s’est rompu à ce moment-là.

Le mot hikikomori veut dire littéralement « reculer », « se cloîtrer à son domicile ». Le phénomène a été décrit au Japon à la fin des années 1980, mais le terme a rapidement eu beaucoup de succès auprès des psychiatres et médecins partout dans le monde, qui ont identifié des cas d’hikikomori parmi leurs jeunes patients.

Au-delà du cas japonais, la société actuelle fixe un niveau d’exigence extrêmement élevé, au niveau professionnel comme personnel, alors que dans le même temps, il devient de plus en plus difficile de trouver un travail et de se faire une place dans la vie, sans parler des normes que la pression des réseaux sociaux imposent aux jeunes d’aujourd’hui – « sois comme ceci, fais comme cela ». Le niveau d’insécurité ontologique s’est fortement accru, et est encore renforcé par les menaces environnementales, la crise climatique, et aujourd’hui cette pandémie mondiale. D'une certaine manière, et Bruno Latour le montre bien dans son ouvrage Où atterrir ? 2, le mouvement des ZAD, comme à Notre-Dame-des-Landes, est aussi une façon de répondre à cette insécurité, de se mettre en retrait de la société actuelle, mais en tentant de créer un autre monde.

Est hikikomori tout jeune qui reste cloîtré à son domicile durant au moins six mois.
Le confinement que nous avons vécu, et continuons de vivre partiellement, a-t-il des similitudes avec le phénomène hikikomori ? 
N. V. : Le confinement nous a été imposé, donc on ne peut pas parler d’un retrait choisi du monde. Mais, si certaines personnes en ont souffert, il faut bien constater que d’autres ont très bien vécu cette période de réclusion et se sont construits une sorte de bulle dont elles ont aujourd’hui du mal à sortir. Par peur de l’épidémie, évidemment, mais pas uniquement.

En se retirant du monde, les hikikomori s’extraient des relations sociales qu’ils ont tendance à juger trop compliquées. Le confinement a créé une situation similaire, avec un allègement du poids que représente le lien social, qu'il soit professionnel, mais aussi familial ou amical.

De la maltraitance infantile aux addictions de l’adulte

Université - The Conversation
Michael Longmire - Unsplash 2 juin 2020

Les personnes sujettes aux addictions cumulent généralement plusieurs événements de vie traumatiques, des biographies complexes et une souffrance psychologique antérieure à leurs premiers problèmes de drogue. Des traumatismes subis pendant l’enfance, surtout des abus sexuels et des viols, sont très fréquemment rapportés. La recherche en psychiatrie vise à comprendre l’impact de ces événements sur le risque de troubles psychiatriques à l’âge adulte.

Ces troubles sont complexes. Ils résultent en effet de différentes vulnérabilités, dont les origines peuvent être d’ordre génétique (des variations dans la séquence de certains gènes peuvent par exemple modifier le fonctionnement neurobiologique) ou neurodéveloppemental (altération du développement du cerveau et de sa maturation). Celles-ci interagissent avec un environnement à risque (toxique, infectieux, métabolique ou encore psychologique), déclenchant des perturbations neurobiologiques qui peuvent se manifester par des symptômes, voire des maladies. On pense actuellement que ces interactions surviennent pendant un laps de temps critique, durant lequel la fragilité du cerveau est accrue, et par conséquent l’exposition à un environnement à risque très délétère.