blogspot counter

Articles, témoignages, infos sur la psychiatrie, la psychanalyse, la clinique, etc.

dimanche 6 juin 2010




Critique
Que reste-t-il de Mai 68 ? Au moins un spectacle réussi !
03.06.10

Allez au Théâtre de la Bastille, à 19 h 30. Vous en sortirez avant 21 heures, la tête dans les nuages, après avoir vu Tout ce qui nous reste de la révolution, c'est Simon, un spectacle drôle, touchant et sincère, signé par un collectif qui porte bien son nom, L'Avantage du doute. Ce collectif est né de la rencontre entre les comédiens flamands de la compagnie tg STAN, et cinq comédiens français, qui ont travaillé ensemble, en 2005, et proposé un spectacle qui s'appelait justement L'Avantage du doute.

Après, les Français ont décidé de poursuivre l'expérience, en suivant les règles des Flamands : pas de metteur en scène, primauté du collectif, chacun assumant la responsabilité à toutes les étapes de la création et du jeu. Une nouvelle donne de la démocratie au théâtre, en somme.

Cette démarche s'accorde particulièrement bien à Tout ce qui nous reste de la révolution, c'est Simon, le premier spectacle de L'Avantage du doute, né des questions que se sont posées les comédiens en 2008, quand fut commémoré le quarantième anniversaire de Mai 68.

C'était quoi, 68 ? Et ça a donné quoi ? La plupart des membres du collectif sont bien trop jeunes pour avoir un lien direct avec l'événement. Ils l'ont appris dans les livres d'histoire, ou en ont entendu parler par leurs parents. Le monde dans lequel ils vivent n'a plus grand-chose à voir avec ce temps, qui leur paraît à la fois homérique, au sens ancien, enfoui et totalement polémique, parce qu'ils en sont les héritiers, malgré eux.

Impossible legs

Alors, ils attaquent, parce qu'ils se sentent mal. Largués sur une planète pourrie, livrés à la brutalité de la globalisation, piégés par la stature de leurs aînés, "héros" d'une révolution qui semble interdite à leur génération. C'était facile, pour vous, leur disent-ils. Mais nous ? Que nous reste-t-il ? Comment trouver une place ? Que faire de votre impossible legs et du pouvoir que vous vous accordez ? Toutes ces questions n'ont rien de nouveau, loin de là. Elles traversent la société depuis des années, nourrissent les travaux de sociologues, et prennent souvent dans les débats la forme de bons vieux clichés.

L'intérêt de L'Avantage du doute tient au fait qu'il repart de zéro. Les comédiens ont beaucoup travaillé, lu et parlé avec des gens. Et puis, ils avaient une chance : dans leur collectif, il y a Simon Bakhouche, qui pourrait être leur père. Il a 60 ans, l'âge d'avoir vécu Mai 68.

C'est lui qui donne le titre du spectacle. Lui qui se tient, avec sa calvitie et ses rides, au milieu de trois filles en pleine forme : Mélanie Bestel, Judith Davis et Claire Dumas. Simon sourit beaucoup, avec le recul tendre de celui qui ne veut pas s'imposer. Les filles y vont, comme on dit. En tout cas au début du spectacle, joué sans prétention et sans décor, sinon un canapé rouge.

L'air de rien, de multiples histoires se croisent et se répondent, dans la pièce, qui se nourrit du va-et-vient entre aujourd'hui et hier, naïveté et profondeur, ironie et colère. Sous son allure improvisée, la soirée est très construite, et honnête. Elle n'épargne personne. Les filles règlent leurs comptes entre elles, sur le mode : "Et toi, qu'est-ce que tu fais de ta vie ?", comme elles règlent celui des pères et mères, sur le mode : "Et vous, qu'est-ce que vous nous embêtez avec votre histoire ?"

Le plus beau, c'est l'émotion qui se dégage peu à peu et vous emmène, à travers le récit de Simon, dans un voyage en Italie, à la recherche de Fellini. Un voyage sans fin, à l'image du désir d'être et de comprendre qui fait le sel de Tout ce qui nous reste de la révolution...

Tout ce qui nous reste de la révolution, c'est Simon. Par le collectif L'Avantage du doute. Théâtre de la Bastille. 76, rue de la Roquette. Paris 11e. Mo Bastille. Tél. : 01-43-57-42-14. De 13 € à 22 €. Du mardi au samedi, à 19 h 30 ; dimanche 6, à 15 heures. Jusqu'au 12 juin. Durée : 1 heure 20. Sur le Web : Theatre-bastille.com.

Brigitte Salino



Le sujet postmoderne entre symptôme et jouissance

Si la psychanalyse n'a rien à regretter de l'effondrement du patriarcat dans nos sociétés occidentales, il lui incombe par contre d'en mesurer les effets sur le sujet contemporain. À l'ère postmoderne, le signifiant (du) père a-t-il encore un usage, s'il n'a plus d'avenir ? Telle est la question que pose ce livre et l'inventaire qu'il tente de faire à partir de la clinique la plus banale, voire celle de la banalité. S'interrogeant sur les changements survenus dans le registre de l'angoisse, la façon dont on appréhende l'enfant, les perversions ordinaires, les états-limites etc., Régnier Pirard aborde avec précision et rigueur les modifications que notre temps impose à la clinique et bien sûr, de ce fait, à la direction de la cure.

Plus d'informations : cliquez ici




Avignon
Ces artistes ont un talent fou
04 juin 2010

Au CHS de Montfavet, l'atelier de peinture Marie-Laurencin est ouvert à tous, malades ou pas.

Hôpital spécialisé de Montfavet. Un après-midi sur la terre, à l'atelier de peinture et de sculpture Marie-Laurencin. Virginie, tout sourire, face à son chevalet, spatule à la main, jette du rose, puis du bleu, sur un support immaculé. "Je commence, on verra bien ce que ça donnera", glisse-t-elle avec malice. Le docteur René Pandelon n'aurait pas mieux dit…... Pour le psychiatre, médecin coordonnateur des sept ateliers artistiques que compte l'hôpital, "on ne cherche pas à comprendre ce qu'ils ont voulu dire, on n'est pas dans l'interprétation". Le mot "beau" n'est pratiquement jamais prononcé, seul compte l'acte de créer.

Communiquer autrement que par la parole

"Ces ateliers font partie des soins et ils sont probablement les plus importants", confie le médecin sans sourciller. Avant de poursuivre sur l'intérêt des ateliers qui fonctionnent tous les après-midis: "ma longue pratique de la psychiatrie montre qu'il y a des effets sur les patients. Ils reprennent confiance. Car ce qui caractérise la psychose, c'est la difficulté d'établir les liens avec les autres, explique René Pandelon. Ils se retrouvent isolés, exclus, certains en arrivent au suicide. La création, c'est communiquer autrement qu'avec la parole. Ce qu'ils ne peuvent pas dire, ils le peignent". Pour le praticien, les médicaments qu'ils prennent n'agissent que sur l'expression du trouble, sur le délire, la tristesse mais pas sur le fond du problème. "Si l'on ne met pas quelque chose à la place, les gens vont mal et ces ateliers sont une voie privilégiée pour ça", assure-t-il. Ici, chacun acquiert le statut d'artiste. Certains ont même une vraie cote auprès du public, vendent des œuvres, exposent… et obtiennent ainsi quelques revenus qui viennent compenser la maigre allocation destinée aux adultes handicapés. "Ils existent ainsi en tant que personnes qui créent, les ateliers donnent une identité de créateur, note René Pandelon. Pour quelques-uns, c'est passer de l'idiot du village à l'artiste peintre. Ils accèdent à un statut qu'ils n'ont jamais eu". Plusieurs d'entre eux sont parvenus à en vivre, à créer leur propre atelier au fil d'années de pratique.

Un brassage qui fonctionne

Autre singularité de l'atelier Marie-Laurencin (et c'est un principe auquel tiennent les responsables): il est ouvert à tous, aux malades hospitalisés, à ceux suivis en externe, comme aux personnes qui n'ont aucune relation avec la psychiatrie. "Ce brassage et cette différence fonctionnent très bien, estime Mireille Aouillé, l'une des infirmières qui encadrent l'atelier. D'un point de vue artistique, les choses s'inversent". Quand certains "normaux" ont plus de difficultés que certains malades, ces derniers vont se faire conseillers et accompagnateurs. "Il peut même arriver qu'ils se voient en dehors de l'atelier pour se montrer leurs œuvres", poursuit Mireille Aouillé. Et ce bouillon de culture est en ébullition depuis 21 ans maintenant, avec des dizaines d'expos à son actif et beaucoup de drames évités, assurément. Car de l'avis de René Pandelon, "sans cet atelier, certains ne seraient plus en vie".

Florence ANTUNES


Saint-Girons. Quand le CHAC fait son théâtre spectacle
06/06/2010

Seize acteurs, patients et soignants de psychiatrie au CHAC, ont présenté sur la scène de Max-Linder, la pièce « Les pas perdus ». Le nombreux public présent a apprécié ce spectacle à sa juste valeur. Un spectacle sur lequel les acteurs travaillent depuis 2008, sous la direction de la comédienne et metteur en scène Malika Gessin. Il a obtenu la reconnaissance de l'Agence régionale d'hospitalisation et de la direction régionale de la culture Midi-Pyrénées dans le cadre des projets « Culture à l'hôpital ». De l'avis des acteurs interrogés, « ce sont des moments de rencontres et de plaisir, de détente, qui permettent d'oublier la maladie et de prendre confiance en soi ».





Exposition Art et psychanalyse,
Monaco,
6-16 septembre 2010


UN TRIPLE ÉVÉNEMENT ARTISTIQUE, SCIENTIFIQUE ET LITTÉRAIRE !

La parution, le 6 septembre, du livre :
« LES FORTERESSES PSYCHOPATHOLOGIQUES DU SUJET CRIMINEL », du psychanalyste et psychocriminologue parisien Steve Abadie-Rosier, fournit l’occasion d’organiser une exposition internationale de tableaux réalisés par la jeune artiste Virginie Soubeiroux. La couverture de cet ouvrage scientifique reproduit en effet « Le Sang de Nyx », toile spécialement réalisée à cette occasion par Virginie Soubeiroux.

Organisant la confrontation de l’Art et de la Psychanalyse, la galerie L’ENTREPÔT présente du 6 au 16 septembre 2010 une exposition de 20 toiles de Virginie Soubeiroux, artiste plasticienne de la génération montante, dont l’œuvre marque la quête d’un véritable art de vivre. Le travail de Virginie Soubeiroux transforme le monde matériel en idéalité et accède directement à l’âme, interrogeant la mémoire individuelle et collective par le dialogue des matériaux, des perceptions, des champs scientifiques et des techniques. Dans cette « herméneutique », un psychanalyste aussi atypique que Steve Abadie-Rosier ne pouvait que trouver quelques convergences avec sa propre discipline ― surtout quand, dans une partie de son œuvre, Virginie Soubeiroux explore les structures de la pensée.

Enfin, cette exposition donnera lieu à la publication dès le 6 septembre d’un ouvrage :

« ART ET PSYCHANALYSE – PSYCHÊ ET THANATOS DANS L’ŒUVRE DE VIRGINIE SOUBEIROUX – », cahier de 64 pages dans lequel Steve Abadie-Rosier livre sa lecture psychanalytique de 27 toiles de Virginie Soubeiroux, toutes reproduites en quadrichromie (éditions Les Neurones moteurs, Paris).

http://www.viadeo.com/fr/event/006zxvgnkt0x2e3/exposition-art-psychanalyse-vi...







Maux d'artistes

Sebastien Dieguez

Ce livre est un recueil des articles que Sebastian Dieguez a publiés dans la rubrique Art et pathologies du magazine Cerveau & Psycho. L’auteur s’interroge sur les liens cachés entre une œuvre d’art – une peinture, une sculpture, une composition musicale ou une œuvre littéraire – et une possible maladie de l’esprit de son auteur.
Examinant divers chefs-d’œuvre avec son regard de neuropsychologue, il détecte dans les romans de Dostoïevski les éléments qui trahissent son épilepsie. Il explique pourquoi les tons ocres et orangés des œuvres tardives de Monet indiquent une forte cataracte. Il voit dans les tableaux de De Chirico des analogies avec les perturbations du système visuel associées à certaines migraines. Il observe comment le soi se décompose chez un peintre atteint de la maladie d’Alzheimer, ou encore les troubles de la mémoire chez Proust dus à l’absorption de psychotropes.
Pourquoi tenter d’observer des œuvres d’art à l’aune des neurosciences ? Il ne s’agit en aucun cas d’expliquer une œuvre particulière par la maladie de son auteur, et encore moins de réduire l’art à une anomalie neurologique ou psychiatrique, mais de mieux comprendre comment l’art et le cerveau se nourrissent l’un l’autre.
Sebastian Dieguez, chroniqueur pour la revue Cerveau & Psycho, est neuropsychologue au Laboratoire de neurosciences cognitives du Brain Mind Institute de l’École polytechnique fédérale de Lausanne, en Suisse.

mercredi 2 juin 2010





Article paru
le 1er juin 2010


TRIBUNES &IDÉES

Éloge d’une éthique hospitalière de la folie
FRANCK CHAUMON PSYCHANALYSTE


Chef de service psychiatrique et psychanalyste, Guy Dana combat au quotidien contre l’isolement sécuritaire et plaide pour une approche solidaire de la souffrance psychique.










Quelle politique pour la folie ?
de Guy Dana.
Éditions Stock,
290 pages,
20 euros.

Le discours dominant sur la folie est une caricature de la raison néolibérale. Urgence, risque zéro et rentabilité sont les maîtres mots pour faire taire la folie ou la laisser errer sur les trottoirs de nos villes. Nul doute qu’il faille résister, et l’auteur lui-même s’y emploie, qui est signataire de l’Appel des 39. Mais cela ne suffit pas, il faut rendre compte de la complexité vivante des pratiques qui continuent, malgré tout, d’affronter la question.

L’immense mérite du livre de Guy Dana tient précisément au fait qu’il ne cède en rien sur l’exigence de la pensée pour soutenir l’enjeu d’une hospitalité pour la folie. L’idée que la folie a nécessairement affaire à la politique est ici soutenue au nom d’une pratique psychiatrique référée à la psychanalyse. Il convient d’en saluer l’événement, car il est rarissime que la réponse psychiatrique comme telle soit articulée et pensée du point de vue de la psychanalyse. C’est même à ma connaissance le premier livre qui prétend donner à la pratique de secteur sa dignité de dispositif structural de réponse à la psychose.

Dans une première partie, l’auteur, dans un style très personnel, donne à entendre quelque chose de l’expérience de la psychanalyse et rend sensible à une esthétique de la parole, du silence, de l’espace entre les mots qui constitue l’expérience même de l’analysant. Il l’oppose au discours contemporain de la langue normée, des paroles imposées et du calcul.

La seconde partie de l’ouvrage aborde frontalement la question d’une politique de la folie, c’est-à-dire d’une organisation de l’espace et du temps dans la cité qui puisse faire trame d’une véritable thérapeutique des psychoses. Il s’agit de savoir en quoi les dispositifs du «  secteur  » peuvent opérer comme une architecture trouée, liant des espaces hétérogènes, mettant au travail une pluralité des offres de subjectivation. De l’hôpital au Cattp, du CMP à l’accueil hôtelier les lieux, traversés selon une certaine temporalité, structurent la grammaire d’un parcours, toujours singulier. Une méthode et une éthique s’en déduisent : c’est la singularité d’un parcours qui est recherchée. Le temps n’est pas celui des protocoles et de la rentabilité immédiate, mais de trajectoires de vie, de créations subjectives.

Il faut donc du temps, de la pluralité (soit de la politique), une ouverture à l’événement, donc au risque. Il est heureux qu’un tel livre paraisse aujourd’hui, dans cette période noire où l’on voit la France se couvrir de cellules d’isolement et de camisoles de force ! Guy Dana montre que l’éthique de la psychanalyse objecte au discours libéral, et permet de soutenir l’hypothèse d’une hospitalité pour la folie qui affine à l’utopie démocratique, contre toutes les langues de bois.




Montbert
31 mai 2010

Les agents du CHS de Montbert expriment leur mal-être

Une petite cinquantaine d’agents du Centre hospitalier spécialisé (CHS) de Montbert ont répondu à l’appel de l’intersyndicale CGT-CFDT-SUD et ont fait grève ce midi devant les locaux. Un pique-nique « pour une bientraitance » a été organisé. A l’origine de leur mouvement : une ambiance de travail dégradée et un « certain management » dans des services, avec de la « maltraitance, voire du harcèlement individuel envers des membres du personnel et envers certaines équipes », souligne l’intersyndicale. Et elle reprend : « Ce mouvement n’est pas dirigé contre le directeur, que nous tenons informé de tout cela, et ne vise pas non plus tous les médecins et tous les cadres. Il s’agit pour nous d’enrayer un processus, de dire stop à un certain climat d’irrespect. Puisque nous sommes en psychiatrie, il s’agit aussi de rappeler que pour soigner des patients, il faut aussi prendre soin d’une ambiance de travail. » À cette heure, la direction n’a pu être jointe.




Article paru
le 31 mai 2010


TRIBUNES & IDÉES

Les Uhsa ne sont pas des alibis humanitaires
PAR LE DOCTEUR PIERRE LAMOTHE, PSYCHIATRE RESPONSABLE DE LA PREMIÈRE UHSA INAUGURÉE À LYON.


Faire entrer la prison à l’hôpital, est-ce un progrès  ?

Dans un climat de restriction budgétaire, on peut se demander s’il n’est pas scandaleux de créer une structure « de luxe » pour des détenus alors que la psychiatrie publique est en difficulté avec des mois d’attente pour obtenir une prise en charge en CMP (centre médico-psychologique), la désertification du territoire ou le vieillissement de beaucoup d’hôpitaux malgré les rénovations programmées. Ne faudrait-il pas plutôt ne plus envoyer de malades mentaux derrière les barreaux, éviter que la prison n’abîme et ne désespère les détenus et les rende malades ou les pousse au suicide, alors que l’Uhsa (unité hospitalière spécialement aménagée) va peut-être contribuer à justifier cet état de fait, voire susciter des incarcérations « pour soins », du fait de la précarité des possibilités de prise en charge de patients avec des troubles du comportement dans la cité. L’hôpital redeviendrait insensiblement « le dépôt de mendicité » accueillant les trublions, les vagabonds, les subversifs inadaptés et les fous divagants pour la protection de l’ordre public autant que des personnes « saines »… Non, l’Uhsa n’est pas un alibi humanitaire pour ceux qui rêvent d’enfermer  : elle ne prétend en aucun cas, ni dans son principe ni encore moins dans ses moyens, à l’éradication de la psychose en prison ni au contrôle social de la dangerosité. Sauf à se livrer à un véritable « racisme » actif de stigmatisation qui serait une régression désastreuse, il y aura toujours des malades mentaux responsables de leurs actes et la psychose n’est pas moins « à sa place » en prison que dans la société civile  : ce n’est pas elle qu’il faut éliminer par principe, mais la souffrance. Oui, l’Uhsa est une priorité comme institution nouvelle puisque, enfin, elle pourra accueillir sur la base de cette souffrance et non plus seulement sur la base de la dangerosité des malades consentants aux soins autant que sous contrainte parce qu’incapables de consentir. Oui, une Uhsa coûte cher, avec un prix de journée comparable à un service de réanimation, mais il s’agit bien de réanimation sociale au service des plus démunis dont le maintien dans l’abandon ou l’échec répétitif coûterait encore plus à la société. Les soins en Uhsa seront en pointe sur le plan technique espérons-nous, mais tout simplement décents pour les normes que nous voulons offrir à tous dans un hôpital de 2010. Ce n’est pas un luxe mais l’équipement normal que nous souhaitons dans chaque création ou rénovation et si la densité de personnel tient compte de la particularité des patients (de leurs besoins d’ailleurs plus que de leur statut), cette nécessité a aussi ses avantages en termes de carrières, de formations et de conditions de travail des agents de la fonction publique hospitalière confortés dans leur rôle de modèle technique et social.

L’Uhsa ne soigne pas des martiens mais des hommes, et avant tout des pauvres  : 80 % des détenus sont des cabossés de la vie issus de milieux défavorisés affectivement, culturellement ou économiquement, et leur souffrance est bien réelle. Beaucoup d’entre eux sont tellement dans l’incapacité d’entretenir des relations normales qu’ils sont déjà handicapés pour le monde du travail avant tout autre considération. Le détenu est en fait condamné… à sortir un jour  ! Le vécu d’une expérience de considération à travers le soin, de réhabilitation sociale avec l’équipement général qui s’étoffe en prison, et le respect des droits des personnes qui s’améliore avec les règles pénitentiaires européennes font partie du dispositif d’insertion sociale, de retour à la vie civile et de prévention de la récidive bien mieux que les couches successives de lois répressives sur lesquelles quelques événements spectaculaires ont davantage mis l’accent.

L’Uhsa n’a rien d’une réponse universelle ou ultime aux problèmes psychiatriques de la population pénale mais elle est un élément capital d’une palette de plus en plus riche des capacités de la psychiatrie publique, avec une valeur symbolique beaucoup plus importante que le nombre de places offertes.
On reconnaît la qualité d’une société au sort qu’elle réserve à ses fous et à ses prisonniers  : soyons fiers d’ouvrir des Uhsa  !

« Un meurtre tous les jours en pensée et bonne santé vous garderez ! »

31 mai 2010

Théodore Reik a écrit plusieurs ouvrages, « Écoutez avec la troisième oreille ; L’expérience intérieure du psychanalyste » est le plus connu. C’est en effet là qu’il décrit très finement le processus psychique qui permet à l’analyste de participer au travail de l’analysant, à ce que Lacan a appelé la tache psychanalysante, et ce sous la forme de l’interprétation. Cette interprétation est aussi bien pour l’analysant que pour l’analyste une vraie surprise. Elle doit les prendre tous les deux littéralement au dépourvu.

Mais surtout Théodore Reik  a un grand humour et il nous en donne maints exemples dans cet ouvrage. Il démontre, s’il en était encore besoin à quel point l’humour est fait pour détourner la censure vis-à-vis de nos mauvais penchants. Sous la forme de l’humour, notre méchanceté native peut s’exprimer en toute impunité puisqu’elle rencontre justement l’assentiment de l’Autre, de l’Autre comme interlocuteur.

Pour vous donner envie de le lire, voici un rêve et ses associations qui donnent la dimension de ce qui est mis en jeu dans l’humour, peut-être tout spécialement dans l’humour juif, en tant qu’il se porte sur le sujet lui-même, plus que sur l’autre, l’objet rival ou l’objet aimé.

Reik raconte donc ce rêve et l’analyse longuement : «  Je me vois debout, devant des juges, et je fais un long plaidoyer. Je suis accusé de meurtre et j’ai commis ce crime… A mon réveil, je me souvenais que, dans mon rêve, je quittais ma chaise et qu’au moment où je commençais mon discours, j’étais envahi d’un grand sentiment de rédemption et de soulagement » (p.45).

Dans le fil des associations de ce rêve qui bien sûr permettent son interprétation, Reik nous donne tout d’abord une sorte de conseil d’hygiène, peut-être tout spécialement à l’usage du psychanalyste «  Chaque jour un meurtre en pensée nous garde en bonne santé » (p.49).
Je trouve cette formule vraiment amusante et si profondément juste ! Elle rime comme ces vieux dictons énoncés dans l’Almanach Vermot.

Reik nous explique que ce rêve était une réponse à des collègues qui n’avaient pas accepté ce qu’il avait démontré dans l’une de ses études, le fait que le sentiment de culpabilité du sujet peut précéder le crime, et que le plus souvent, une fois réalisé il allégeait ce sentiment de culpabilité et qu’il le précédait donc au lieu de le suivre.
Donc dans sa démonstration il avançait que c’est à cause du sentiment de culpabilité qu’on pouvait tuer et non pas l’inverse. C’est ce que son rêve démontre. Il est son plaidoyer.

Il nous explique donc qu’il a l’esprit d’escalier et qu’il n’est jamais aussi brillant avec ses interlocuteurs que lorsqu’ils ne sont plus là pour l’entendre. Et à ce propos il évoque bien sûr ce qu’il en est des désirs de vengeance qui s’expriment dans ce rêve. C’est ce passage que j’ai retenu :
« Tout comprendre c’est tout pardonner » a dit Madame de Staël. Cette affirmation me semble, avec son caractère féminin, sentimentale et fausse. L’explorateur allemand, Karl von der Steinen, étudiant la langue des indigènes du centre du Brésil en 1883, découvrit qu’ils n’avaient aucun mot pour dire « pardon ». Il eut toute sorte de difficultés à leur expliquer ce que cela signifie chez nous. Après mûre réflexion, le plus vieux des hommes de la tribu déclara que la meilleure des traductions pour « je pardonne » était « je rends les coups ». (p.47)

En tout cas, souvenez-vous : « Une mort en pensée tous les jours, bonne santé, vous garderez »  Cet adage pourrait même faire faire beaucoup d’économies à la sécurité sociale, en évitant d’utiliser trop d’antidépresseurs. Comme le rappelait Freud, c’est toujours l’autre qu’on tue au travers de soi-même. Alors autant ne pas se tromper d’adresse.



L'esprit de Chimères

Cette revue accueillera les travaux des individus et des groupes se réclamant de près ou de loin de la “schizoanalyse”, science des chimères : les travaux de tous ceux qui entendent renouer avec l'inventivité première de la psychanalyse, en levant le carcan de pseudo-scientificité qui s'est abattu sur elle comme sur l'ensemble des pratiques et des recherches en philosophie et en sciences humaines. À la manière des arts et des sciences en train de se faire. Work in progress. Les textes émanent ici de psychanalystes, de philosophes, d'ethnologues, de scientifiques ou d'artistes. Pas pour une inter-disciplinarité de galerie. Retour au singulier. À chacun sa folie. Les grands phylums théoriques finiront bien par y retrouver les leurs. De toutes façons, par les temps qui courent, nous n'avions plus le choix, il fallait repartir de là.

Félix Guattari, Chimères n°1

Sommaire N°72 Clinique et Politique

04/22/2010

Edito : Nous ne sommes pas sortis des années d’hiver

Concept
Claire Nioche, L'institution des insoumis
Anne Bourgain, Depuis Foucault, les loges de la folie
Igor Krtolica, Deligny, la tentative
Anne Sauvagnargues, Les symptômes sont des oiseaux qui cognent du bec contre la fenêtre

Politique
Entretien avec Jean Oury
Entretien avec Roger Ferreri
Elie Pouillaude, Le concept d’aliénation en psychothérapie institutionnelle. L’apport de Bourdieu
Caterina Réa, Daniel Beaune, Un destin post-œdipien de la psychanalyse ? Possibilités et limites
Clara Duchet, Florian Houssier, Vincent Estellon, Psychanalyse et politique, regards croisés

Terrain
Anick Kouba,
Mireille Rosaz, De beaux draps
Pedro Serra, Une rencontre décisive

Agencement
Entretien avec de Cusset
Guy Trastour Trois focalisations
Mendelshon Ligne de conduite ou lignes d’erre ?

Fiction
Antonella Santacroce, Esquisse d'un voyage parmi les bûchers des âmes
Francis Bérezné Un élève indiscipliné reçoit du bâton
Covu, Dans la ligne de fracture de mes paysages-psychiques

Esthétique

Jacques Brunet-Georget, Du Trieb au trip : eXistenZ, ou comment « liquider » la pulsion

Clinique
Patricia Janody, Les cahiers pour la folie
Adrienne Simar, Ceci n'est pas une cure
Florent Gabarron-Garcia, « L’anti-oedipe», un enfant fait par Deleuze-Guattari dans le dos de Lacan, père du« Sinthome »
Patricia Attigui, Penser le thérapeutique et la formation clinique aujourd’hui

LVE
Livio Boni, Sur la production du désir de Guillaume S-Blanc
Tajan, Etre psy
Pirangelo di Vitorio, L'uniforme et l'âme
Pierre Marshall, Filmer la psychanalyse ?

* N°72 Clinique et politique





Lisa Mandel ausculte l’hôpital psychiatrique

Lisa Mandel a grandi en entendant des récits à la fois drôles, fascinants et effrayants. Ceux de sa mère, de son beau-père et de leurs amis, infirmiers en hôpital psychiatrique. Aujourd’hui, l’auteure de Nini Patalo couche ces histoires sur le papier, dans le premier tome de la trilogie HP. En plongeant dans cet « asile d’aliénés » (le sous-titre de cet épisode), le lecteur découvre les pratiques effrayantes des années 60. Et « un système rétrograde et carcéral, complètement agonisant » – comme le pointe l’un des personnages – brillamment dépeint via un trait piquant et élastique. À la veille de son départ pour l’Argentine, Lisa Mandel, 32 ans, raconte la genèse et la lente maturation de son nouveau livre.

Pourquoi vous êtes-vous plongée entre les murs des hôpitaux psychiatriques ?
Enfant, j’ai beaucoup entendu de récits hauts en couleur. Ma mère et mon beau-père étaient infirmiers en hôpital psychiatrique à Marseille, ils partaient chaque soir pour travailler la nuit. Quand j’allais me coucher, forcément, je pensais à ce qu’ils faisaient…  Ma mère étant bonne conteuse, j’ai entendu beaucoup d’anecdotes sur ce qui se passait dans les dortoirs et les couloirs de l’institution. Je porte donc ce projet en moi depuis toute petite. J’ai été très marquée par leur métier, porteur de nombreux fantasmes.

Y a-t-il eu un élément déclencheur qui vous a décidée à vous lancer ?

Oui. J’avais commencé à évoquer le projet dès 2002, car j’étais lassée de la BD jeunesse et avais envie d’un projet plus « adulte » et sérieux. Mais tout s’est emballé en 2004, quand ma mère et mon beau-père ont pris leur retraite. Le soir de leur pot de départ, deux infirmières de Pau, travaillant elles aussi en hôpital psychiatrique, ont été décapitées par un ancien patient. Ce fait divers glauque m’a poussée à donner la parole aux soignants, à travers la bande dessinée.

Comment avez-vous procédé pour recueillir leurs histoires ?
Je les ai filmés tous les cinq ensemble, plusieurs fois. Chacun pouvait ainsi rebondir sur les propos des autres. Puis j’ai retranscrit leurs témoignages, en essayant de vérifier que ce qui m’était dit concordait avec la réalité. J’ai mis du temps à me jeter à l’eau en dessinant mais, dès que je l’ai eu entamé, j’ai mis trois mois seulement à réaliser le premier album.

Dans HP, vous mettez votre humour habituel en sourdine et faites la part belle au témoignage.
J’ai tenté de m’effacer totalement derrière les récits des infirmiers. J’ai utilisé un procédé théâtral, l’aparté, pour qu’ils puissent raconter leurs impressions et sentiments, et apporter ainsi des précisions sur les scènes vécues.

Vous êtes-vous documentée sur la psychiatrie ?
Non, pas du tout. Je ne voulais pas prendre parti par rapport à ce que mes « témoins » me racontaient. Et puis, leurs récits sont déjà des pépites, ce n’était pas la peine d’en rajouter.

Leur avez-vous soumis votre ouvrage avant impression ?
Oui, et j’ai d’ailleurs dû supprimer ou corriger certaines choses. Il m’a fallu ainsi adoucir le discours qu’ils tiennent contre les syndicats. Ils se sont partiellement rétractés, par peur de représailles.


Comment avez-vous trouvé le ton juste pour traiter ce sujet ?
Au début, j’imaginais quelque chose de léger, enrobé d’humour noir, avec des anecdotes décalées. Mais, en creusant un peu, je me suis retrouvée aux prises avec un univers très sombre. Le processus de création de HP a été très perturbant: j’ai eu le sentiment de traiter d’une humanité qui touche le fond, et cela m’a affectée, imprégnée, déprimée. Je n’étais pas vraiment consciente de la réalité du lieu avant de m’y plonger: j’ai découvert les services vétustes, les douches à l’eau froide, le dénuement le plus total… Ce qui est tout aussi choquant, c’est que la parole ne sort pas des couloirs de l’hôpital psychiatrique. Les soignants s’expriment peu, et les malades ne sont pas écoutés.


Vous représentez cette humanité sans fioriture, en dessinant des personnages effrayants physiquement…
À l’époque, l’échographie et l’avortement thérapeutique n’existaient pas. Naissaient donc des « monstres », qui étaient placés en hôpital psychiatrique, comme les autistes ou les trisomiques. La distinction entre handicapés et fous n’était pas faite. Ce mélange de patients formait une véritable cour des miracles…

Pourquoi utiliser l’orange comme couleur unique dans votre album ?
Il paraît que c’est celle de la folie. Plus prosaïquement, user d’une seule couleur permettait d’attirer le regard du lecteur sur une scène en particulier. Et puis cela m’a permis d’identifier plus facilement les personnages principaux – ma mère par exemple, qui a les cheveux roux.

Pourquoi publier HP à L’Association ?
Il y a plusieurs années, j’avais parlé de ce projet à Lewis Trondheim, avant son départ de L’Association. Lui-même en avait discuté avec le patron, Jean-Christophe Menu, qui m’avait proposé de signer un contrat avant même que le livre soit commencé. J’étais très contente, car j’adore le documentaire dessiné, et je me suis particulièrement enthousiasmée pour Persepolis de Marjane Satrapi, La Guerre d’Alan d’Emmanuel Guibert ou L’Ascension du Haut-Mal de David B., tous publiés par L’Association.


À quand la suite ?
Le deuxième épisode devrait paraître en octobre 2010, je vais m’y atteler dès février prochain. Il sera plus riche que le premier, et s’attachera à décrire l’état d’esprit post-soixante-huitard, qui influence les méthodes de traitement. Le troisième parlera des hôpitaux psychiatriques actuels. Je ne sais pas encore ce que je ferai des années 80-90, qui ont vu le déclin de l’institution.

Avez-vous d’autres projets ?
Je pars en Argentine pour quatre mois: un mois de vacances, puis trois de travail. Je vais avancer sur différents scénarios. Ceux de la série animée qui devrait être tirée de Nini Patalo, d’une aventure classique dessinée par Marion Mousse, et d’une histoire pour Hélène Georges (chez KSTR) – le voyage initiatique et un peu métaphysique d’une jeune fille. Et puis je compte reprendre mon blog autour du 15 novembre. Je l’avais mis en sommeil faute de parvenir à me renouveler. Mais l’envie de faire des notes régulières, d’avoir ce lien avec les lecteurs est revenue. De plus, un blog aide à prendre du recul par rapport à la vie. Ça dédramatise tout !

Propos recueillis par Laurence Le Saux
 



La Psychanalyse aux enchères le 15 juin 2010 à PARIS

Nous attirons votre attention sur la superbe vente qui aura lieu le mardi 15 juin 2010 à 14 heures, à l’Hôtel Marcel Dassault à Paris :
Lien http://www.artcurial.com/

Entre les lots 124 et 280, on trouvera notamment de magnifiques documents de :
Alfred Adler, René Allendy, Marguerite Anzieu (le « cas Aimée »), Marie Bonaparte, Carl Einstein, Sándor Ferenczi, SigmundFreud, Ernest Jones, René Laforgue, Eugène Minkowski, Sophie Morgenstern, Sacha Nacht, Georges Parcheminey, EdouardPichon, Otto Rank, Theodor Reik, Raymond de Saussure, et bien d’autres…
Beaucoup proviennent d’archives constituées jadis par René Allendy.

Également réunis à cette occasion, de nombreux documents sur le surréalisme et la vie artistique et intellectuelle des années 1900 à 1950 :
Antonin Artaud, André Breton, Henry Moore, Gertrude O'Brady, Paul Bowles, Juan Gris, Francis Picabia, Max Jacob, Paul Eluard, Fernand Léger, Le Corbusier, Georges Mathieu, Anaïs Nin, Camille Bryen, Romain Weingarten, Giorgio De Chirico, Hans Bellmer, Max Ernst...
----------------
P. J. : Article « Enchères sur la Psychanalyse », paru dans Le Magazine du Bibliophile, mai 2010












Psychanalyse et philosophie, des liaisons dangereuses ?

La psychanalyse s'est développée à la faveur de ses interactions avec la philosophie pas seulement comme un instrument critique, mais aussi comme une pratique qui bouleverse les critères du normal et du pathologique, et la pensée elle-même. Néanmoins, la psychanalyse doit reconnaître que ses concepts exigent d'être mis à l'épreuve philosophiquement, qu'elle peut être interrogée sur sa spécificité et sur ce qu'elle invite à concevoir autrement : la sexualité, l'exercice de la pensée, les relations nouées entre les hommes dans le registre de la vie commune et des pouvoirs.

Ce double mouvement est analysé ici selon deux axes principaux : Qu'est-ce qui fait l'originalité de la conception freudienne de la sexualité ? Quel regard neuf la psychanalyse apporte-t-elle sur les rapports entre le réel et la pensée ?

Marcus Coelen, Monique David-Ménard, Tomas Geyskens, Kazuyuki Hara , Philippe van Haute, Juan Manuel Rodriguez Penagos, Vladimir Safatle, Charles Shepherdson.

samedi 29 mai 2010

Pierre DESPROGES
Chroniques de la haine ordinaire

Mon moi et mon surmoi sont dans un bateau.







Cliquer sur le lien suivant pour écouter la chronique : 




ART BRUT JAPONAIS
24 mars 2010 – 2 janvier 2011

A l’heure où l’Art Brut trouve la place qui lui est due sur la scène de l’Art Contemporain et où l’artiste majeur de la Collection de l’Art Brut de Lausanne, Aloïse, vient de faire l’objet d’une importante rétrospective au Japon, un panorama de l’Art Brut Japonais est présenté au musée de la Halle Saint Pierre jusqu’au 2 janvier 2011.

Cette exposition réunit 63 créateurs contemporains et plus de 1000 œuvres : dessins, peintures et notamment un grand nombre de sculptures.

C’est, d’une part, l’occasion de comprendre le caractère universel de l’Art Brut dans le champ de l’Art Contemporain grâce à certaines œuvres archétypales et d’autre part, de mettre en lumière une expression singulière propre à la culture nipponne.

C’est la première fois qu’un projet d’une telle envergure est présenté en dehors du Japon : regard croisé de commissaires français et japonais.

De l’art brut comme hiatus

 (…) L’art brut doit pouvoir continuer à s’affirmer comme un territoire ouvert dont les contours sont en perpétuelle évolution.

L’exposition Art Brut Japonais vient aujourd’hui nous en offrir une étonnante démonstration. La soixantaine de créateurs réunis le temps de cette exposition, sont pour la plupart pensionnaires ou fréquentent des institutions pour handicapés mentaux. Atteints de diverses maladies telles l’autisme ou la trisomie, ils souffrent d’incapacités ou de dysfonctionnements intellectuels et de difficultés marquées d'adaptation aux exigences culturelles de la société. Leurs auteurs ont éprouvé l’expérience originelle et extrême de la création, tirant leurs thèmes et leurs moyens d’expression de leur propre fond, sans souci de style à affirmer, de personnalité à imposer ou de gloire à conquérir. L’ensemble de leurs œuvres forme une mosaïque d’univers riches et singularisés, dotés de significations propres qui gardent souvent leur mystère. Les figurations schématiques ou stylisées, les figures géométriques, les signes élémentaires ou les taches de couleur, les motifs récurrents, les idéographies inventées, les matériaux quotidiens détournés rejoignent le vocabulaire spécifique aux œuvres d’art brut ; vocabulaire individuel et original employé à donner un ordre expressif précis à un réservoir complexe de pensées et d’émotions. De fait l’influence de la culture japonaise a très peu d’impact sur ces créateurs et les emprunts faits à la culture, loin de se vouloir explicites, fonctionnent comme des réminiscences exploitées et métamorphosées à la façon des restes diurnes dans un rêve.

Ces œuvres nous interrogent sur la frontière mouvante et incertaine où elles se tiennent, entre le jaillissement de nos désirs et leur domestication par la culture. Elles entretiennent des résonances avec ce qui en nous est à la fois inquiétant et familier, ce qui aurait dû rester dans l’ombre et qui en est sorti, cet entremonde où se célèbrent les noces de l’art et de la folie, de la vie et de la mort, où se jouent les multiples passages de l’originaire à la culture, de l’intime à l’universel.

Dans la société japonaise extrêmement normée et codifiée où la pire menace est l’imprévu, où la force de caractère se montre dans l’obéissance aux règles et la maîtrise de l’émotion, la rencontre avec l’art brut pouvait sembler improbable. Elle a pourtant eu lieu récemment mais en étant subordonnée à la volonté politique de donner une plus grande reconnaissance sociale aux handicapés. Les initiatives pour valoriser ce corpus en tant que patrimoine artistique sont toutes récentes et correspondent à la rencontre avec l’art brut occidental. Cette ouverture de la culture nipponne sur l’art brut renouvelle le questionnement sur les rapports de l’art à ses sources, à ses frontières et à ses créateurs. Elle devrait nourrir une pensée capable de soutenir et de donner du sens à toute expression subversive au sein d’une culture lorsqu’elle est signifiée par des personnes œuvrant dans ses marges.

Martine Lusardy, Directrice de la Halle Saint Pierre, extrait du catalogue

Art brut : la nouvelle vague japonaise
Une vague japonaise sur Montmartre ? (…)

Ce qui frappe en effet de prime abord lorsqu’on se trouve confronté à ce foisonnant corpus constitué par les œuvres des 63 créateurs réunis dans l’exposition du Musée de la Halle Saint-Pierre c’est la diversité des solutions plastiques adoptées pour répondre en dernière instance à une question unique, celle de la collaboration de chacun avec son propre fond inconscient.

Takahiro Shimoda décore des pyjamas de motifs coloriés à la grosse parce qu’il veut dormir dans ce qu’il aime le plus : les œufs de saumon, les gâteaux ou son pénis.

Mineo Ito ne fait que décliner son nom en processions chenillées.

Moriya Kishaba aligne avec une infinie patience des milliers d’idéogrammes qui ont pour particularité de ne pas faire sens (…)

Takashi Shuji donne sa préférence à des masses noires et bleues se découpant franchement sur des surfaces ambrées comme des laques pour représenter les formes essentielles des choses.

Yoshimitsu Tomizuka noie ses compositions dans une multitude de représentations diffractées et dans une soupe d’écrits où il garde trace des menus événements de sa vie (…)

Satoshi Nishikawa empile sans repentirs des formes serpentines, en argile vigoureusement roulée à la main (…)

Shinichi Sawada, de ses doigts fuselés, ajoute paisiblement l’une à l’autre des épines à des totems-cactées ou à des boules piquantes à la façon des poissons-hérissons qui se gonflent pour faire peur.

On multiplierait facilement les exemples plus ou moins contradictoires. L’hétérogénéité n’est pas moindre sur le plan des techniques.

Keisuke Ishino fait un usage immodéré du ruban adhésif pour faire tenir debout ses robots de cartoons.

Tsukasa Iwasaki inscrit ses peintures dans des cadres élaborés et insolites, réalisés à partir de publicités prélevées dans les journaux.

Yoshio Hatano représente avec une précision minutieuse des intérieurs chargés de meubles et d’accessoires en se servant de boîtes de carton plutôt que d’une règle millimétrée.

Masao Obata reste fidèle, pour représenter ses couples rouges, aux emballages jaunâtres et discrètement ondulés qu’il trouve dans la cuisine de l’établissement où il vit. Non sans en arrondir les angles toutefois.

On chercherait vainement dans cette harmonie dissonante de variétés irréductibles une école nipponne. Même si l’on goûte avec Takashi Shuji à une sorte de cérémonie lorsqu’il impose dans la forme l’idée pure d’un bol de thé. Même si l’on reconnaît dans le travail en estompe de Hirotaka Hatana ce fameux « lustre de la main » que Junichirô Tanizaki célèbre dans Éloge de l’ombre.

Nous pouvons bien suivre Yuji Tsuji dans le touffu dédale d’une ville japonaise qu’il reconstitue de mémoire à partir d’un détail précis ou reconnaître dans le travesti d’Eijiro Miyama le souvenir lointain d’une de ces fêtes villageoises d’autrefois dont on peut se faire une idée grâce au Village des moulins à eau, une séquence du film Rêves (1990) d’Akira Kurosawa.

En ce qui concerne le Pays du soleil levant, il convient en effet, comme le dit Chris Marker (3), de « contourner l’idée reçue de prendre le contre-pied des idées reçues ».

Il n’en demeure pas moins que les emprunts de nos créateurs japonais au petit matériel de leur « japonitude » ambiante ne constituent finalement que des données circonstancielles. Chacun agit pour lui-même et avec ce qu’il a sous la main, en fonction de sa démarche mentale prévalente. En aucun cas leur culture (ou ce qu’ils ont pu en intégrer) ne constitue l’agent fédérateur de leurs travaux. La preuve en est qu’ils entrent sans peine en cousinage avec des créateurs de même type mais occidentaux. Parmi ces symétriques dont ils ignorent évidemment tout, on peut citer Boris Bojnev pour ses « auras » où il inscrit des ready made retouchés, Jean-Pierre et ses cartographies (4), Willem Van Genk et ses villes fourmillantes ou, pour leurs costumes exubérants, Vahan Paladian, Giovanni Podesta (…).

La règle fondamentale de l’art brut n’est donc pas contrariée. Japonais ou français - à supposer qu’il puisse avoir une nationalité - l’art brut ne fait pas système. Il ne se résume pas à un style ou à un nombre limité de procédés, même si chaque création qui en relève fonctionne selon le principe d’un auto-ressourcement permanent. Sa cohérence doit être cherchée ailleurs. Du côté du décalage productif qui toujours le caractérise.

Cela oblige notre raisonnement à fonctionner à rebours ? Oui.

A tourner momentanément le dos à ces critères d’ordre et de logique auxquels nous devons nous en remettre dans notre vie courante éprise d’adaptation sociale ? Oui.

A cette façon de nous jeter sans bouée de sauvetage à l’autre pôle de l’intelligence, nous reconnaissons dans ces œuvres venues du Japon le grand vent de l’art brut. Une dé-raison fondatrice domine ici et cette exposition est pour nous la chance d’en expérimenter quelques unes des infinies ressources.

Qu’il se présente sous un jour obsessionnel (par exemple dans les foules de Shido Ueda, les alignements ferroviaires de Hidenori Motooka) ou dans une note apparemment plus indisciplinée (dans les peintures de Toshihiko Shiga), ce vagabondage itératif de la main et de la pensée est, plus qu’un ordre, propice à nous faciliter l’accès à cet inexprimable qui fait le cœur obscur de nos vies.

Non que ces œuvres soient détentrices de solutions existentielles voire de réponses métaphysiques. (…) Loin d’exprimer une doctrine cosmique commune, chacune révèle plutôt, à sa façon, une poétique cosmique particulière.

Si Dieu il y a dans leur univers, chacun le leur. Encore porte-t-il toujours un masque comme un acteur du théâtre Nô. Il ne se trouve que dans la redoutable proximité avec ce que Jacques Lacan désigne comme l’Autre. On ne saurait bâtir sur lui une quelconque théorie du sacré, fût-il rénové.

A l’instar de Luigi Pirandello, les créateurs japonais présentés ici sont « fils du chaos » (5).  Non d’une manière allégorique mais parce que le chaos d’où ils émettent, ce n’est pas leur pays lui-même mais ce qu’ils portent en eux de différences suffisamment contradictoires pour engendrer cette « étoile qui danse » dont parle Zarathoustra (6).

Même filant, même vacillant, un fanal au sein de cette galaxie absurde et réelle que constitue l’esprit humain est toujours bon à suivre.
Jean-Louis Lanoux
Extrait du texte du catalogue, 2010


Partenaire de la Halle Saint Pierre APPUI IMAGE
 


















fluctuat.net
http://cinema.fluctuat.net/blog/43987-rencontre-avec-julie-gayet-productrice-de-fix-me.html
(Photos de Marc Buchy)

 Rencontre avec Julie Gayet, productrice de Fix Me

 Programmé cette année à Cannes par l'ACID, Fix Me est un savoureux documentaire à la première personne, signé par le cinéaste palestinien Raed Andoni. Le réalisateur y filme sa psychanalyse à Ramallah, explorant ses névroses et son sentiment de solitude. Avec douceur et causticité, Raed Andoni offre un point de vue inédit sur la vie en Palestine.
Productrice de Fix Me avec sa société Rouge International (qui a récemment produit Huit fois debout), la comédienne Julie Gayet nous parle de son amour pour ce film, de son nouveau rôle de productrice et de sa vision du Festival de Cannes.

- Désir de produire
J'ai déjà tourné dans plusieurs films difficiles, comme Select Hotel, pour lesquels j'avais mis mon salaire en participation, aidé le réalisateur à faire les ventes et mis beaucoup de gens en contact. Pour poursuivre dans cette voie, on a monté Rouge International il y a 3 ans. Et, en 2007, on avait vu Raed Andoni pitcher son projet Fix Me au Festival de Locarno. On a été séduit par ce ton assez cynique et en même temps drôle, avec de l'humour. Raed est une sorte de Woody Allen palestinien, on n'avait jamais vu ça. Une fois le film terminé, on est d'abord allé à Sundance en sélection officielle, puis nous voici à l'ACID à Cannes, qui est une sélection très importante pour nous, car vue par tous les exploitants de France, c'est à dire toutes les salles de cinéma. On va tout donner pour faire parler du film, pour le soutenir et le porter jusqu'au bout du bout.

- Quelle est la part de scénarisation dans Fix Me ?
Avant le tournage, Raed Andoni a travaillé avec Olivier Lorelle, scénariste reconnu en France. Plusieurs thématiques se dégagaient, comme le fait de se sentir différent des autres dans un pays où l'on est obligé d'intégrer un groupe et de prendre position pour ou contre Israël. Il y avait aussi cette réflexion sur la position de l'artiste et sur le sentiment de faiblesse, dans une région où l'homme se doit d'être fort.
Ensuite, une équipe européenne (Fix Me est une production France/Palestine/Suisse, ndlr) est allée filmer la thérapie de Raed en Palestine; l'équipe ne parlait pas arabe et il était important qu'ils ne comprennent pas, car il s'agit d'une réelle thérapie. Malgré l'écriture, Raed ne savait pas ce qui allait se passer, c'était son premier contact avec la thérapie, car ce n'est vraiment pas quelque chose qui se fait à Ramallah. La psychanalyse n'est pas ancrée en Palestine, comme elle peut l'être à New York ou en Argentine. Au final, le film est plus émouvant que ce à quoi on s'attendait : il y a une vraie sincérité qui s'en dégage, Raed ne joue pas, il ne triche pas.

- Le film parle à un moment de la créativité, qui serait "liée à l'ennui". Quelle est votre définition de la créativité ?
Dans Huit fois debout, qu'on a produit, il y a une grande tirade de Denis Podalydès qui parle du doute et de la nécessité d'avoir des gens qui doutent dans la société. Alors je dirais que la créativité c'est le doute, c'est se remettre en question et douter sans cesse, car il est parfois nécessaire de regarder le plafond sans bouger. Mais c'est une position très fragile à défendre; c'est pourquoi je suis très fière qu'on ait aidé Fix Me. J'aime beaucoup le doute, et particulièrement le doute de Raed Andoni. Après Cannes, je pense qu'on va monter le syndicat du doute avec Rouge International.

- Le Festival de Cannes et ses paradoxes
Il y a tellement d'aspects. Il y a d'abord le côté boîte de nuit/soirées avec des gens qui ne sont même pas dans le cinéma. Il y a ensuite le côté paillettes/glamour/protocolaire, que je continue à adorer, car j'aime les stars et j'aime les voir. Et puis il y a, sous l'iceberg, tout le marché, qui est la véritable âme du Festival. C'est là que sont les gros bosseurs, les vendeurs du monde entier, qui permettent au cinéma d'exister partout. Comme comédienne, j'ai toujours fait des gros films qui ont payé les petits films. Et donc tant mieux s'il y a de l'argent dans le cinéma et si les gens vont voir de grandes stars, qui permettent aussi de faire des films comme Fix Me. Et puis c'est vraiment essentiel que l'ACID existe, ils offrent une superbe visibilité aux films fragiles.

- Distribution de Fix Me en France
Le film a déjà un distributeur en France, Sophie Dulac. Il devrait sortir à la fin de l'année. J'espère qu'on arrivera à en parler, que tout le monde en parlera; on va faire un boulot de fond et essayer de toucher les gens partout.






Réforme LMD : les Ifsi bien engagés dans un processus de rapprochement avec les universités.

"Dans le cadre de la réforme LMD (licence-master-doctorat), les Instituts de formation en soins infirmiers (Ifsi) sont actuellement bien engagés dans un processus de rapprochement avec les universités qui se concrétise par la signature de nombreux groupements de coopération sanitaire (GCS)", a déclaré jeudi la sous-directrice des ressources humaines du système de santé à la direction générale de l'offre de soins (DGOS), Emmanuelle Quillet, lors du salon Hôpital expo-Intermedica.

L'universitarisation des études infirmières avec la reconnaissance pour la profession d'un niveau licence impose aux quelques 360 Ifsi de se regrouper au sein de GCS en vue de signer des conventions avec les universités et les conseils régionaux d'ici le mercredi 30 juin.

Les GCS sont largement constitués, car "entre 15 et 20 d'entre eux ont déjà été signés", a indiqué Emmanuelle Quillet, la représentante de la DGOS au cours d'un colloque consacré aux Ifsi et au processus LMD.

Celle-ci avait déclaré la veille à l'APM être "résolument optimiste" quant au respect des délais dans la mesure où de nombreuses conventions, à défaut d'être concrètement signées, ont déjà été rédigées.

"C'est un montage complexe, qui a demandé un travail très important dans les régions depuis plusieurs mois", avait précisé mercredi à l'APM la représentante de la DGOS, soulignant que "beaucoup de petits Ifsi n'avaient pas de contacts jusqu'à présent avec les universités".

La représentante du ministère a reconnu que du point de vue de l'organisation, les acteurs ont eu un peu moins d'un an pour mettre en place la réforme, après plusieurs années consacrées à la réingénierie des diplômes.

Même si le modèle n'est pas unique, les régions ont, en règle générale, fait le choix de signer un seul GCS, a précisé jeudi Emmanuelle Quillet au cours du colloque.

Les conventions signées peuvent prendre diverses formes: des régions font le choix de conventions tripartites (tous les Ifsi publics et privés, avec l'université et la région) d'autres de conventions quadripartites (avec par exemple un groupement Croix-Rouge) et d'autres régions encore choisissent de signer deux conventions séparées (l'une entre l'université et le GCS, et l'autre entre l'université et un groupement Croix-Rouge).

Alors que de nombreux intervenants du colloque se sont inquiétés du surcoût généré par ce rapprochement avec les universités, en particulier de la rémunération des enseignants universitaires qui interviendront dans les Ifsi, Emmanuelle Quillet a indiqué que les ministères de la santé et de l'enseignement supérieur ainsi que la conférence des présidents d'université allaient engager une réflexion pour "proposer une fourchette" et mettre en place des indicateurs "de cohérence" pour éviter que les "aspects de la facturation" s'écartent fortement d'une région à l'autre.

Si une évaluation définitive de la réforme ne pourra être menée que dans trois ans, un groupe de travail spécifique travaille toutefois sur la question des coûts, a indiqué la représentante du ministère.

"Le développement des moyens technologiques et notamment des visioconférences doivent faire l'objet, selon l'avis des différents acteurs, de financements prioritaires", a précisé Emmanuelle Quillet.

Le surcoût généré par la réforme, pour la première année de fonctionnement, pourrait s'élever aux alentours de 7 millions d'euros, a-t-on appris par ailleurs de source proche du ministère.

Malgré les "difficultés qui sont réelles", la sous-directrice des ressources humaines s'est déclarée "frappée par le langage commun qui est en train de se construire entre deux mondes qui auparavant se méconnaissaient largement".

La première évaluation des formations dispensées par les Ifsi devrait avoir lieu en 2011 et concerner la région Ile-de-France et l'Est de la France, a par ailleurs indiqué le Pr François Couraud, conseiller auprès du directeur général de l'enseignement supérieur.

Les régions, qui seront divisées en quatre "vagues" devraient être évaluées tous les quatre ans, sous l'égide de l'Agence d'évaluation de la recherche et de l'enseignement supérieur (Aeres).

Perspectives d'études ouvertes pour les personnels paramédicaux

"La reconnaissance de leur diplôme au niveau de la licence ouvre des perspectives plus grandes aux infirmiers et aux personnels paramédicaux dans leur ensemble pour poursuivre leurs études vers un master, voire un doctorat", a constaté le Pr François Couraud au cours du colloque.

"La France est un des pays où la recherche paramédicale est la moins développée", a regretté le représentant du ministère.

Les quelques masters actuellement proposés ne sont pas directement liés aux sciences paramédicales et dans ce secteur, "l'offre est très faible, voire quasi inexistante", a-t-il précisé.

De la même manière, les programmes de recherche et les unités de recherche sont "très peu nombreux", a constaté le Pr François Couraud.

"A ce titre, le programme hospitalier de recherche en soins infirmiers (PHRSI), lancé en septembre 2009 par le ministère de la santé, va être étendu à l'ensemble des personnels paramédicaux", a indiqué Emmanuelle Quillet.

"Le principe d'une poursuite possible des études vers le doctorat sera également inscrit dans les conventions signées avec les universités", a-t-elle ajouté.

Pratiques avancées : des champs à explorer

Dans le cadre de la réflexion menée actuellement par le ministère de la santé avec les professionnels de santé autour de la question des nouveaux métiers, Emmanuelle Quillet a confirmé le lancement d'une mission annoncé par Roselyne Bachelot ce jeudi, qui sera menée par Laurent Hénart, député UMP de Meurthe-et-Moselle, et par le président de l'université de Méditerranée, Yvon Berland sur les nouveaux champs de pratiques avancées à explorer pour les professionnels paramédicaux.

Ces nouveaux champs pourraient concerner en premier lieu la cancérologie, la gérontologie et la psychiatrie.

De façon générale, l'entrée des personnels de santé paramédicaux dans le processus LMD est "une réforme de grande ampleur", a constaté Emmanuelle Quillet, rappelant que près d'une vingtaine de professions paramédicales sont concernées.

Après les infirmières, les ergothérapeutes entreront dans une formation remaniée à partir de la rentrée 2010, qui leur permettra de voir leur diplôme reconnu au niveau licence en 2013.

Les manipulateurs en radiologie, les orthophonistes, les psychomotriciens devraient notamment suivre, puis une série de professions ou les spécialités infirmières, jusqu'aux métiers de l'appareillage en 2012.

Concernant les masseurs-kinésithérapeutes, une mission est actuellement diligentée par l'Inspection générale des affaires sociales (Igas) pour conduire une évaluation de l'expérimentation menée aujourd'hui dans près de la moitié des instituts de formation, qui permet un recrutement à l'issue d'une première année d'étude en médecine, a confirmé Emmanuelle Quillet. Cette mission devrait rendre son rapport "avant l'été", a-t-elle précisé.

Les masseurs-kinésithérapeutes, qui réclament la reconnaissance de leur diplôme au niveau master, travaillent actuellement à l'élaboration de leurs référentiels de formation.


Actualité Arras

Première projection publique pour un film de l'atelier vidéo du centre Tony-Lainé
jeudi 27.05.2010






Soignants et soignés ont collaboré
avec la même passion à ce film
sur Robespierre.

Des films, l'atelier vidéo de l'hôpital de jour Tony-Lainé en a produit plus d'une cinquantaine, en vingt ans d'existence... Mais ce sera la première fois que l'un d'entre eux sera présenté au grand public. Et c'est aujourd'hui, à la Maison des sociétés.

PAR FRANÇOISE TOURBE

« On voulait parler d'Arras, explique Gérard Godart, infirmier et cheville ouvrière de l'atelier vidéo de l'hôpital de jour Tony-Lainé, antenne extérieure du service psychiatrique du CHA. On s'est dit que Robespierre était le personnage le plus charismatique pour le faire. D'autant qu'il a un petit côté "maudit" qui nous a bien plu. C'est quelqu'un qui était épris de liberté, un personnage porteur de symboles... En plus, il a vécu à Arras et Paris. Ce qui tombait bien... » Car l'atelier vidéo s'est lancé, pour ce film, dans une coproduction avec une autre structure thérapeutique qui utilise la vidéo : le CATTP des Cariatides, à Paris. « On s'est rencontré lors des festivals spécialisés auxquels nous participons très régulièrement, à Lorquin, en Moselle, et surtout à la Cité des sciences, à Paris. On leur a proposé de travailler ensemble. Ils ont dit oui... » Et c'était parti pour l'aventure. Les Arrageois ont proposé le scénario : un groupe de touristes est mené par un guide un peu particulier sur les pas de Robespierre. Bientôt, une ombre - qui se révélera être celle de l'Incorruptible lui-même - se joint au groupe pour rectifier les erreurs du guide... On visite ainsi tous les endroits où Robespierre a traîné ses souliers, à Arras. Et lorsqu'on en arrive au parcours parisien de l'homme, Robespierre devient même un vrai personnage : « Ils ont des moyens, à Paris, s'amuse Edmond. Ils ont pu louer un costume !
 »

L'équipe arrageoise a apporté au film sa manière de tourner, très Nouvelle Vague, sans texte écrit, tout en improvisation. Les Parisiens, plus portés sur la technique, se sont chargés du montage... Et c'est ainsi que Sur les pas de Robespierre a vu le jour et sera - une première pour un film de l'atelier vidéo du centre Tony-Lainé - projeté lors d'une séance tout public, aujourd'hui à la Maison des sociétés.

« Pour nous, c'est aussi une manière de dédramatiser la psychiatrie dont on parle beaucoup, ces temps-ci, d'une manière très sécuritaire », souligne Alain Billet, le cadre de santé responsable de toutes les structures extra hospitalières du CHA. En tout cas, pour les comédiens et techniciens de l'atelier vidéo, l'expérience a été enrichissante. « L'atelier vidéo est une petite équipe essentiellement composée d'anciens qui se connaissent, explique Henri. C'était intéressant de travailler avec d'autres personnes. C'était difficile aussi, mais vivifiant. » •

« Sur les pas de Robespierre », aujourd'hui, à 13 h 30, à la Maison des sociétés, 16, rue Aristide-Briand. Un débat et un goûter suivront la projection. Entrée gratuite.