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samedi 15 mai 2010





Un beau paquet-cadeau : Onfray, Mijolla, Van Rillaer & Co.

12 Mai 2010

Par Anthony Ballenato

Alain de Mijolla admet volontiers fuir les polémiques. Malheureusement, il s’est retrouvé servi comme jamais avec la sortie quasi concomitante de son almanach Freud et la France (P.U.F.) et du brûlot de Michel Onfray – Le crépuscule d’une idole. L’affabulation freudienne (Grasset). Lancée telle une formidable machine de guerre par Grasset et Le Point, on redoutait que notre bon Alain ne finisse sous les roues de la bête du fast-food à penser…

A la soupe des débats de qualité

Mijolla offrait pourtant les garanties d’un débat de qualité: bienheureux et par-dessus tout mémorialiste affable du mouvement freudien ne maîtrisant ni les débats historiques, ni historiographiques, il n’en fallait pas plus pour noyer le poisson de la polémique. Une bien bonne solution de remplacement donc pour le valeureux bougon qui refusait de débattre avec la «stalinienne des beaux quartiers parisiens» (CQFD : Elisabeth Roudinesco) dont la confrontation risquait d’être autrement plus périlleuse.

Mazette ! Mais à quel débat n’avons-nous pas dû assister!

Se définissant lui-même dans son ouvrage Freud et la France, paru aux P.U.F., comme « un montreur de marionnettes » (p.1), notre psychanalyste-chroniqueur s’est retrouvé assigné à la place du guignol. Après une réplique tiède et passablement argumentée offerte à Onfray dans Lire, s’en est suivie la grandiose émission de François Busnel qui demeurera longtemps dans les mémoires comme un échange intellectuel à l’état de congélation.

Aux côtés d’Alain de Mijolla, une consœur discrète quoiqu’assez gentiment pugnace,  Anne Millet, dont les attaques les plus féroces visent Lacan (?!). Et les trois auteurs affabulateurs – comment ça ils ne sont pas trois ? – Mais oui, ils sont bien trois : les cerveaux de l’affaire, « Cervelet et Cervelas », duo le plus comique de l’histoire des Freud Wars alias Jacques Van Rillaer et Mikkel Borch-Jacobsen (suivi de pas très loin par Esteve Freixa i Baqué) – qui n’avaient déjà pas pu sauver, à l’époque, le soldat Bénesteau et ont assisté impuissants au naufrage du Livre Noir – et bien sûr, leur scribe et porte-voix, Michel Onfray. Ce trio magique aura réussi le tour de force de battre les critiques américains à plate couture et toutes catégories confondues (puritains, scientistes etc.) par leurs outrances et leurs insanités.

Vociférant tour à tour inepties après inepties devant un Mijolla quasi impassible, le téléspectateur a pu légitimement se demander s’il n’était devant un spectacle de cirque comique ou devant la représentation d’un drame absurde écrit par un auteur raté.

Un des angles d’attaques favoris de nos auteurs-acolytes est de systématiquement remettre en cause la scientificité de la psychanalyse pour mieux faire plébisciter, par l’opinion publique, les séances de dressage inspirées de l’éthologie et du réapprentissage cognitif et surtout, de reléguer de façon définitive la psychanalyse au rang d’épiphénomène de la modernité littéraire et son organisation rationnelle à un ésotérisme macabre.

L’accouplement de l’hédonisme solaire (Onfray) et des sciences du comportement (Van Rillaer et Borch-Jacobsen) en a surpris plus d’un. Pourtant, on aura maintenant bien compris, tous deux constituent le fondement le plus effroyable de ce paradigme culturel et mental de nos sociétés libérales-marchandes contemporaines : vivre, consommer et jouir dans le contrôle absolu et l’asservissement volontaire. Comment, devant cette orthopédie du corps et des âmes, ne pas songer au propos magistral de Georges Canguilhem – divo, s’il en est – et de leur formidable résonance aujourd’hui : "philosophie sans rigueur, éthique sans exigence, médecine sans contrôle". [1]

Bref, autant dire que si Mijolla sert la soupe, on va y aller gaiement…Mais comment? Vous ne saviez pas que la psychanalyse s’implantait exclusivement par la voie littéraire grâce « aux gens de fiction»? Et bien maintenant vous êtes un téléspectateur des plus avertis.

Dommage que notre « historien de service » - ce qu’il n’est pas - également médecin-psychiatre, n’ait pas songé qu’une implantation de la psychanalyse reposait tout autant sur sa propagation à l’intérieur de l’univers littéraire que médical et que ce n’est qu’à l’aune de cet équilibre que la psychanalyse peut exister, en tant que pratique thérapeutique et humanité, au risque de refluer. On ne saurait oublier que pour nombre de médecins, notamment aux Etats-Unis, la psychanalyse a servi à refonder une psychiatrie organiciste moribonde et que par la suite seuls les docteurs en  médecine étaient autorisés à pratiquer les cures.

De l’histoire faite le dimanche

Et qu’en est-il précisément de l’homme Freud? « Mystificateur, avare, menteur, pervers, cocaïnomane». Le nihiliste en guenilles de la pensée nous fait maintenant œuvre de morale. Amen. Et quel gai savoir! Après la confession, donnera-t-il l’absolution?  A bien des égards cette façon de faire rappelle l’horrible psychobiographie de Michel Foucault par James Miller, grand spécialiste des vies examinées – si chères aux évangélistes.

Qu’à cela ne tienne, et même si « chez Freud, il y a pleins d’incestes, symboliques, métaphoriques, allégoriques ou réels » comme dit Onfray, « y’a pas de grand homme pour ses valets de chambre » pour Mijolla! Le téléspectateur a pu croire, l’espace d’un instant, manquer d’oxygène.

Mais il y a mieux encore. Incapable de mettre bon ordre à cette rumeur incestueuse, Mijolla se félicite que Freud ait pu avoir des relations sexuelles, quand bien même eussent-elles été avec sa belle-sœur. L’ennui est qu’il oubli qu’il s’agit d’une rumeur propagée par Jung, reprise par l’école révisionniste américaine, et remise au goût du jour par Onfray, Van Rillaer et Borch-Jacobsen. On attend toujours patiemment les preuves crédibles du forfait…

Transi d’effroi, le téléspectateur qui a depuis longtemps acheté le Freud et la France et se décide, à l’issue de l’émission, à enlever la cellophane pour feuilleter l’ouvrage, aurait été bien plus inspiré de prendre un benzodiazépine et d’aller se coucher.

Si l’éphéméride a des qualités, son auteur perpétue la tradition des médecins-historiens : le plus souvent correct mais n’apportant aucune information nouvelle et ne reposant sur aucune archives de première main [2], il brille surtout par une absence totale d’analyses structurées sur le mouvement de l’histoire racontée et son appareillage critique est des plus dépouillés. Sous la plume de Mijolla, l’histoire devient donc une compilation d’anecdotes circonstanciées.

En outre, le postulat de Mijolla, qui est de laisser au lecteur le soin de « se faire une idée personnelle en dehors des jugements ou des impressions dont (il) l’entoure ou qu’(il) adjoint» (p.3), est une véritable aberration méthodologique et intellectuelle. A moins de faire jouer l’opinion contre le savoir, comment Mijolla peut-il sérieusement imaginer que le lecteur puisse se faire le moindre avis décent devant un tel empilement relativiste?

Evidemment, le bât blesse cruellement à mesure qu’on se rapproche des moments critiques de cette histoire et notamment de la période nazie et de la Seconde Guerre mondiale: rien sur les relations entre Jones, Freud et Eitingon et rien non plus sur le conflit qui les oppose à propos des rapports avec le nazisme dans les années 1930. Concernant la France, la période se résume à un moment de souffrance pour les Français, privés de charbon et de nourriture. On n’est pourtant pas arrivé au bout de nos peines…voilà qu’arrive le cas Georges Mauco (1899-1988).

Mauco ou le « mauvais coin » de l’histoire

Dans le superbe dictionnaire toponymique des communes des Landes et du Bas-Adour dirigée par la linguiste Bénédicte Boyre-Fénie, on apprend que le mau còrn désigne un "mauvais coin, un mauvais endroit ».  Autrement dit, le « mauco » est toujours un lieu à défricher… [3]

Docteur en géographie, démographe des flux migratoires et pédagogue, fervent raciste et antisémite, Georges Mauco aura été le seul psychanalyste français à avoir collaboré de façon active par des textes d’inspiration nazie et à témoigner du « péril juif ». Il est également collaborateur de la revue L’ethnie française dirigé par Georges Montandon – à propos de qui Mijolla ne nous dit pas un seul mot (p.845). Africaniste, rejeton intellectuel de Vacher de Lapouge, Montandon est l’un des grands animateurs du racisme scientifique à la française : « expert ethnoracial auprès de Xavier Vallat en 1941 au Commissariat aux affaires juives puis à partir de 1943 directeur de l'Institut d'études des questions juives et ethnoraciales (IEQJER) » [4] 

Echappant à l’épuration de l’Après-guerre, Mauco réussit encore à passer entre les mailles du filet lorsqu’il se fait nommer en 1945 à la tête du haut Comité de la population et de la famille par le Général de Gaulle. A partir de cette date, Mauco enterre son passé collaborationniste et, tout en continuant ses études démographiques « normalisées », embrasse comme jamais la cause des enfants handicapés et des carencés affectifs. Quand il publie son autobiographie apologétique en 1982, c’est à Françoise Dolto qu’il demande de rédiger la préface dans laquelle on peut lire, entre autres choses, que Mauco avait résisté aux nazis et qu’il était le chantre de la dignité humaine. En somme, on n’avait pas pu faire homme plus honnête [5]. Dolto, qui ne connaît aucune haine, était passée à coté…

En adoptant sa méthode de présentation des faits, Mijolla obtient des résultats des plus stupéfiants. Ainsi, en vient on à lire sous sa plume « De fait, et nous le remarquerons encore davantage durant les années d’occupation, c’est presque un acte de bonne volonté à l’égard des Juifs (sic), que cette organisation de  « camps » est promue, mais on ignore encore le sens que ce mot prendra. Leur bénéfice est double : éviter que les étrangers - car ce n’est que des « étrangers », qu’il s’agit -, viennent illégalement en France et se retrouvent dans des situations très précaires (ayant fui les campagnes et les villes en n’emportant que le minimum d’affaires), et dans le même souffle préserver les Juifs qui sont déjà installés en France de cet afflux abusif. Il ne faut pas oublier que cette période est caractérisée par une relative fermeture du milieu juif à l’arrivé des émigrés » (p.720). Voilà donc comment la question de la crise des réfugiés Juifs, fuyant les pogroms et les régimes d’extrême-droite d’Europe centrale, en France pendant les années trente se voit traitée et résumée.

En outre, Mijolla laisse penser qu’on pourrait prendre l’autobiographie de Mauco comme une source entièrement valable – ce qu’elle n’est évidemment pas puisque Mauco se reconstruit un passé de résistant alors qu’il n’a rejoint le groupe FFI Foch-Liautey qu’en janvier 1944 et participé plus tard à la libération du quartier d’Auteuil.[6] Le problème du traitement de cette source autobiographie est tel que Mijolla se laisse guider par les propos de Mauco  au point de remettre en cause les analyses de Roudinesco et de Weil sur la paternité du fameux texte de 1942 et de se demander « Est-ce de la plume de Georges Mauco ou de celle de Georges Montandon ? (p.845).[7] Patrick Weil est pourtant formel: « il (Mauco) ne fut corrigé par Montandon que sur un point : il substitua à Israélite le mot “Juif’’». [8]

Le postulat historiographique d’Alain de Mijolla est caractéristique des errements des psychanalystes face à leur histoire : une absence d’analyses critiques, raisonnées et cohérentes. Car aujourd’hui, avec la publication du brûlot d’Onfray, les psychanalystes en sont venus à considérer qu’il vaut mieux défendre la psychanalyse que Freud et ce au détriment de toute vérité historique, comme l’ont encore récemment démontré Pierre-Henri Castel et Philippe Grimbert. [9]

Reste à savoir, au demeurant, si ces psychanalystes, sous couvert de pseudo considérations épistémologiques et historiques, estiment que Freud est bien le « menteur, affabulateur, destructeur des traces de ses forfaits, cocaïnomane dépressif errant doctrinalement pendant plus d'une décennie, à l'origine de la mort de son ami Fleischl-Marxow, destructeur du visage d'Emma Eckstein avec l'aide de son ami Fliess, onaniste, obsédé par le sexe de sa mère, extrapolant sa pathologie œdipienne à la planète entière, incestueux, couchant avec sa belle-sœur (…) sacrifiant à l'occultisme et au spiritisme, pratiquant des rites de conjuration contre le mauvais sort, croyant à la télépathie, féru de numérologie » qu’affabulent Onfray, Borch-Jacobsen et Van Rillaer.[10] A ce jour, ils n’ont toujours pas répondu à la question et on se demande surtout ce que Mijolla peut bien en penser.

Quoi qu’il en soit, on ne pourrait leur tenir trop grief de ce manque de conscience historique puisque ce phénomène est relativement endémique dans les corporations, sociétés, écoles, etc.  Encore que contrairement à d’autres organisations, on pourra peut-être s’interroger sur cette attitude qui consiste à sacrifier sur l’autel du populisme intellectuel le plus désinvolte, la figure historique de leur mouvement au détriment de toute raison et de toute rationalité.

Michel Onfray a dit à quel point il trouvait l’ouvrage Freud et la France excellent. Comme on le comprend. Mijolla peut donc se rassurer. Selon son souhait, il aura effectivement évité l’écueil d’écrire un  « pamphlet polémique »…Tout autant qu’un « écrit historique ». Car il semble bien que pour Mijolla les aspérités de l’histoire soient comme les caravanes qui passent. Il faut laisser les chiens aboyer.

Anthony Ballenato

[1] Conférence prononcée le 18 décembre 1958 au Collège philosophique à Paris. Georges Canguilhem,   « Qu’est ce que la  psychologie ? », Revue de Métaphysique et de Morale, n°1, 1958. Disponible en ligne : http://www.psychanalyse.lu/articles/CanguilhemPsychologie.htmhttp://www.psychanalyse.lu/articles/CanguilhemPsychologie.htm

[2] A l’exception de quelques fragments dont les références ne sont pas même indiquées.

[3] Bénédicte Boyrie-Fénié, Dictionnaire toponymique des communes des Landes et du Bas-Adour, éd. CAIRN, Pau, 2005, p.50.

[4] «Mauco, expert en immigration : ethnoracisme pratique et antisémitisme fielleux », note 17, p.7, http://bit.ly/ajuKsqhttp://bit.ly/ajuKsq , site de Patrick Weil – historien, Paris 1 Panthéon-Sorbonne et Yale Law School, Yale University – ou in L’antisémitisme de plume 1940-1944, études et documents, dir. Pierre-André Taguieff, Paris, Berg International Editeurs, 1999, p. 267-276.

[5] Georges Mauco, Vécu, Paris, Emile-Paul, 1982.

[6] Patrick Weil, op.cit, p.7

[7] «L’immigration étrangère en France et le problème des réfugiés », L’ethnie française, Mars 1942 – Mauco accuse Montandon d’en avoir fait un article « raciste » dans son autobiographie.
[8] P.Weil, op.cit, p.7 et Elisabeth Roudinesco, « Georges Mauco (1899-1988) : un psychanalyste au service de Vichy. De l’antisémitisme  à la psychopédagogie», L’Infini, 51, automne 1995.

[9] Emission « Le téléphone sonne », France Inter du mardi 4 mai 2005.

[10] « Onfray répond à BHL » in Le Point, 6 mai 2010.




Chronique d'abonnés

Lettre ouverte à Michel Onfray

par Gerard Haddad

10.05.10

Cher Michel Onfray,

J'ignore si mon nom vous dit quelque chose, et sans doute ne m'avez-vous jamais lu.

J'ai par contre, il y a quelque temps, lu, avec sympathie, un de vos livres. Vous y racontiez ce vœu de votre père, agriculteur, de voir le pôle Nord, et ce vœu, avec un amour filial, vous l'avez exaucé quand vos finances vous l'ont permis. J'ai trouvé à ce souvenir, pardonnez-moi, un parfum freudien. Je crois en effet que, dans votre étude approfondie de l'œuvre de Freud, quelque chose d'essentiel vous a échappé. C'est que cette œuvre est tout entière construite autour de l'amour du père, amour premier. Je vous renvoie au chapitre 7 de son œuvre, Psychologie des groupes. Le même Freud avait depuis longtemps énoncé cette vérité vérifiable, que j'ai en tout cas vérifiée dans mon existence, la mort du père est sans doute la plus grande douleur qu'un homme peut éprouver.

J'ai longtemps hésité avant de me mêler à cette avalanche de réactions que votre dernier livre a suscitées. Et puis, je me décide, parce que trop c'est trop et qu'il n'est pas forcément vrai que tout ce qui est excessif ne compte pas.

La place manque pour traiter des différents points que vous soulevez. Je me contenterai d'une remarque et d'une objection.

J'ai été analysé par l'analyste alors le plus cher de Paris, Jacques Lacan, et les 200 F de ma séance de l'année 1981 ne peuvent en aucun cas se comparer à ces 450 € que vous agitez comme la preuve de je ne sais quel crime. Qui pourrait en effet payer sa cure au tarif de 10 000 euros par mois ? Votre calculette a dû connaître un sérieux bug.

Vous agitez aussi les 700 pages de votre lettre comme preuve du sérieux de votre travail. Je ne ferai pas l'injure à un épistémologue de votre qualité de souligner la nullité d'un argument qui pèserait la vérité au poids de pages, quand, face à ces 700 pages se dressent des milliers d'autres, tout aussi sérieuses et documentées.

Mais laissons tout cela pour en venir à ce que je considère comme l'essentiel, et dont il n'a pas assez fait état. L'essentiel tient en cette question concrète, pratique : la psychanalyse sert-elle à quelque chose ? A-t-elle, oui ou non, allégé le fardeau des hommes ?

Depuis Freud, des millions d'hommes et de femmes ont fait une analyse, et comme vous, ont étudié sérieusement la pensée de Freud. Je pense en particulier à des témoins qui n'appartiennent pas à la profession. Je pense à Thomas Mann, je pense à Schnitzler, aux 2 Zweig, Arnold et Stephan, voire à Einstein qui n'a pas jugé indigne de débattre avec Freud. Mais je pense surtout à tous ceux qui ont témoigné du profit qu'ils ont tiré de leur analyse.

Ainsi Georges Bataille, à qui l'on demanda un jour, dans une émission radiophonique, plus tard transcrite, son opinion sur la psychanalyse, et s'il ne pensait pas que sa créativité aurait été détruite s'il avait entrepris une cure. À quoi Georges Bataille répondit,  je cite de mémoire, qu'il n'aurait jamais écrit une ligne s'il n'avait pas fait une analyse ? Que pensez-vous de ces témoignages ? Des affabulations ? Des béquilles accrochées dans la grotte de Lourdes ?

Vous avez récemment fait à B.H.L. un curieux reproche, celui de ne pas avoir lu vos livres, alors qu'il publie dans la même maison d'édition que vous. Il se trouve que d'autres auteurs publient chez le même éditeur que vous et dont le témoignage aurait pu, aurait dû, vous intéresser. Je pense à ce livre de Marie Cardinal, les mots pour le dire, où cet auteur témoigne de ce fait, que la psychanalyse lui a sauvé la vie. Un effet placebo ?

Vous auriez pu lire, chez le même éditeur, un autre auteur. Excusez-moi de le citer puisqu'il s'agit de moi. Vous pourriez y lire le récit sans concession de ma propre cure, avec les honoraires payés, la durée des séances, etc. Je dois à cette cure tout ce que je suis aujourd'hui, c'est-à-dire quelqu'un qui considère, à l'automne de sa vie, que cette vie valait la peine d'être vécue. Encore une béquille accrochée dans la grotte de Lourdes ? À ce niveau d'analyse, qui délire ?

En vous écoutant l'autre jour - cet incroyable succès médiatique ne vous fait-il pas dresser un peu l'oreille ? — avec l'aplomb et le sourire narquois de la certitude que vous affichez, j'ai pensé qu'une telle attitude relève de trois possibilités : soit celle du chercheur qui, après de difficiles travaux, fait une découverte et qui déclare E = mc2 par exemple ;  ou bien celle de l'homme qui, tel Saint-Paul sur le chemin de Damas, découvre la foi ; ou bien enfin celle du paranoïaque pour qui soudain tout fait sens dans le complot qu'il découvre.  Je ne sais de laquelle des trois catégories vous relevez.

En tout cas, il faut que vous sachiez ce que votre discours signifie. À ces millions de gens qui doivent quelque chose à Freud et à ses disciples, vous leur avez craché au visage. Et de cela vous je ne peux vous acquitter.

Il est vrai que vous êtes coutumier du fait. Vous avez depuis longtemps craché au visage des millions d'hommes pour qui la foi en Dieu n'est pas qu'un opium. Bernanos aurait dit de vous que vous avez déshonoré l'athéisme.

Vous avez aussi craché au visage de ces vénérables personnes, comme Herman Cohen ou Leibowitz, qui considéraient Kant comme une des plus grandes merveilles que l'intelligence humaine a produites pour vous Kant est le précurseur d'Eichmann le nazi.

Soyons clairs. Vous m'impressionnez ! Profitant de la vertigineuse inculture de notre temps,  vous avez trouvé le truc qui marche, celui de démolir tous les piliers de notre civilisation. Vous devriez lire,  chez notre commun éditeur, mon essai Les Biblioclastes, les destructeurs de culture. Serez-vous l'un d'entre eux ? Vous verrez où ça mène.

En tout cas, dans cette affaire, ce n'est pas tant votre personne qui me paraît le plus symptomatique, mais l'audience que l'on vous accorde et qui est comme une marque d'infamie sur le front de cette culture que nous partageons.
Bien à vous
Psychiatrie : Marseille joue à domicile
[12 mai 2010]

Selon l’Assistance publique Hôpitaux de Marseille (AP-HM), « l’hospitalisation de patients en détresse dans une unité de psychiatrie n’est pas toujours adaptée ». Le Pôle universitaire de l’AP-HM vient ainsi de lancer une expérience de prise en charge à domicile.

Une équipe mobile composée d’un médecin et d’un infirmier se rend chez le patient. L’objectif est de trouver des solutions adaptées à chaque patient, en concertation avec les familles. Et si possible, de proposer une alternative à l’hospitalisation.

Désemparées face aux troubles d’un proche, les familles peuvent donc désormais contacter directement l’équipe spécialisée de l’Unité locale d’Intervention de Crise et d’Evaluation (ULICE). Après une évaluation téléphonique du degré d’urgence et de la pertinence de l’intervention, l’équipe se rendra si nécessaire au domicile du patient Formés aux thérapies familiales, ces professionnels proposent une prise en charge intensive et à domicile, sur une durée limitée de deux mois maximum. Cette activité se développe en réseau, en collaboration avec les associations d’usagers, les structures sanitaires existantes et les services municipaux.

Source : Réseau CHU, 20 avril 2010
Nogent – Le Perreux : du moyen-âge à 1830

 Sans remonter jusqu’à la préhistoire même si quelques vestiges du néolithique ont pu être découverts ici ou là lors de fouilles, l’existence d’un village en place des actuelles villes de Nogent sur Marne et Le Perreux sur Marne, qui ne formaient qu’une commune jusqu’en 1887,  remonte à fort longtemps. Quelques historiens affirment même que le site a accueilli le château de Chilpéric 1er (539-584).

Des résidences royales

A partir du IXème siècle, le site devient le fief de l’Abbaye des Bénédictins de Saint-Maur. Et à la fin du XIIème siècle, Louis VII ordonne la construction du Château de Vincennes, dont les domaines de chasse (le bois de Vincennes) s’étendent jusqu’à Nogent. Deux  châteaux de seigneurs sont construits au XIIIème et XIVème siècle : Plaisance (près de la rue qui porte son nom) et Beauté (en place de l’actuel Pavillon Baltard). A la fin du XIVème siècle, Charles V, qui  cherche un site un peu à l’écart de sa résidence du Château de Vincennes, rachète les deux. Il y recevra l’empereur d’Allemagne avant d’y mourir en 1380. En 1448, c’est son petit-fils, Charles VII, qui offre le manoir de Beauté à sa favorite,  Agnès Sorel (qui en tirera son nom de dame de Beauté et y donnera naissance à sa troisième fille, Jeanne de Valois, en 1448). Le manoir de Beauté tombe ensuite en ruine pour être finalement rasé au début du XVIIème siècle. Le manoir de Plaisance, et celui, érigé à la même époque, du Perreux traversent la révolution sans coup férir mais seront finalement détruits au XXème siècle pour accueillir des habitations.

Les premières villas du coteau
Avant la révolution, la commune compte un petit millier d’habitants et quelques 200 habitations. L’activité repose sur l’agriculture, notamment des vignes en raison du sol pierreux, ainsi que l’artisanat et la domesticité.  Les bords de Marne et la proximité de Paris attirent également quelques riches familles qui s’y font construire une résidence secondaire. On compte ainsi environ une vingtaine de belles demeures, essentiellement positionnées sur l’actuel côté pair de la Grande Rue, avec des jardins descendant vers la Marne, le long du coteau. Deux sites témoignent encore aujourd’hui de cette époque : le Carré des Coignard (qui héberge le conservatoire de Nogent sur Marne) et les anciennes maisons des Smith-Champion rue Charles VII (réunies en un domaine unique qui abrite la maison de retraite des artistes et la maison d’art Bernard Anthonioz).

(Suite et bibliographie détaillée dans un prochain billet)
Voir aussi le site très complet de Yves Vergez
Et visiter les Archives de Nogent





Peggy Sastre, No sex. Avoir envie de ne pas faire l’amour









La Musardine,
13 euros.
ISBN-10 : 2842713923


Il y a encore peu de temps, la disette sexuelle n’était pas jugée négativement. Au contraire : haro sur les fornicateurs, les masturbateurs, sur tous ceux qui séparaient sexe et procréation. Si la révolution sexuelle peut avoir quelques ratés, son influence ne fait aucun doute sur un point précis : désormais, c’est une libido faible, voire inexistante, que l’on montre du doigt. Manifester un goût peu prononcé pour la chose prend des allures de tare à soigner. Au centre du soupçon, une poignée d’individus se revendiquant asexuels et qui, autour du site Internet asexuality.org, conquiert peu à peu une visibilité sociale et médiatique. Pour quelles raisons peut-on être dépourvu de libido ? L’asexualité est-elle une autre de ces modes made in USA ou l’expression d’une profonde mutation de notre société ? Faut-il obligatoirement avoir envie de faire l’amour ? C’est ici que commence la passionnante enquête historique, sociologique et scientifique que Peggy Sastre a choisi de mener. Avec un unique préjugé : l’asexualité n’a rien d’une maladie.

http://www.lamusardine.com/

mercredi 12 mai 2010







SOCIÉTÉ


11/05/2010


Mi-peine pour les «demi-fous» ?


Pour améliorer le sort des détenus malades mentaux, nombreux en prison alors qu'elle ne leur est souvent pas adaptée, des sénateurs proposent un allègement systématique de leur peine.










PAR SONYA FAURE


Des sénateurs ont aujourd’hui rendu public un rapport sur les malades mentaux en prison. Parmi leurs propositions pour limiter leur nombre en détention et améliorer leur prise en charge pendant et après leur passage en prison, ils proposent un allègement systématique de la peine pour les malades mentaux jugés responsables de leurs actes. Explications.

10% DES DÉTENUS ONT DE GRAVES TROUBLES MENTAUX

Un détenu sur dix – soit 6000 personnes – souffrirait de schizophrénie ou d’autres formes de psychoses, selon le rapport du Sénat, présenté ce mardi. Le chiffre est inférieur à celui qui revient régulièrement dans les discours (le plus souvent 25% de troubles mentaux graves, 60% si on y ajoute les dépressions et troubles psychosomatiques). Mais il est, selon les sénateurs, encore bien trop élevé: «Il existe une proportion importante de personnes aux troubles mentaux tels que leur détention en prison ne devrait même pas se poser», estime Jean-René Lecerf, sénateur UMP spécialisé dans les questions de justice.

L’article 122-1 du code pénal pose une distinction entre les personnes dont le discernement a été «aboli» au moment des faits et qui sont déclarés irresponsables (et ne peuvent donc pas être jugés) et ceux dont le discernement n’a été qu’«altéré» qui, eux, sont pénalement responsables et donc jugés. Or, ces dernières années, l’altération est devenue la règle et l’abolition l’exception: de plus en plus de malades mentaux sont renvoyés devant les tribunaux par les juges d’instruction, voire jugés en urgence (comparutions immédiates etc…) et sans examen psychiatrique.

L’altération, qui devait à l’origine jouer en faveur d’un allégement de la peine, est devenu au contraire un principe d’aggravation: selon les sénateurs, pour un même crime, les malades mentaux écopent souvent d’une sanction supérieure aux autres… «Les présidents des assises le disent eux mêmes: ils expliquent aux jurés que quand le malade mental sortira de prison, la société ne sera pas protégée… Que croyez vous que les jurés font? Ils sont plus sévères pour protéger plus longtemps la société», explique Jean-René Lecerf, qui résume: «A demi-fous, double peine…» D’où l’augmentation du nombre de malades mentaux en détention.

A QUOI BON LA PRISON, SI ÇA N’A AUCUN SENS ?

«Pour un certain nombre de personne, les troubles mentaux sont tels, que la peine n’est pas comprise», poursuit Jean-René Lecerf. Dans la loi pénitentiaire votée à l’automne, pour la première fois, le «sens de la peine»d’emprisonnement a été défini (1). Que faire avec ceux pour qui l’incarcération n’a aucun sens? Sans compter que la prison peut aggraver encore leur état, parfois mettre en danger les surveillants ou les codétenus.«L’une des raisons fondamentales des suicides en prison, c’est aussi la présence massive de malades mentaux», ajoute Lecerf. La situation ne peut répondre ni aux exigences de la sécurité (si le détenu ne comprend même pas la raison de son incarcération, pourquoi ne récidiverait-il pas?) ni aux exigences médicales, ni aux valeurs de la démocratie.»

DES EXPERTS CONTROVERSÉS

Dans les affaires criminelles, les experts psychiatres ne voient souvent le mis en cause que pendant trois quart d’heure, rapportent les sénateurs. C’est peu, pour décider de la responsabilité de celui-ci. «Il n’existe pas de consensus sur les pathologies qui pourraient entraîner une abolition du discernement», explique Jean-René Lecerf. «Certains experts tranchent la question avec des arguments très personnels, certains pensant par exemple que la reconnaissance de responsabilité est un élément de thérapie. D’autres encore refusent de déclarer l’abolition afin de ne pas occuper un lit de plus en psychiatrie.»

LA PROPOSITION DES SÉNATEURS: ALLÉGER LES PEINES POUR LES MALADES MENTAUX

En cas d’«altération» de la responsabilité, les sénateurs proposent que la peine encourue soit systématiquement allégée. L’article 122-1 du Code pénal serait réécrit pour prévoir que l’altération du discernement entraîne une réduction, comprise entre le tiers et la moitié de la peine encourue. Et au moins un tiers de la peine finalement prononcée devrait de surcroît être effectuée sous le régime de sursis avec mise à l’épreuve assorti d’une obligation de soins. La prise en charge médicale serait également renforcée avant et après la peine. En contrepartie, un malade qui refuserait les soins qui lui sont proposés, verrait s’envoler ses possibilités de réduction de peine. Ces préconisations pourraient se transformer en proposition de loi.

(1) Elle «concilie la protection de la société, la sanction du condamné et les intérêts de la victime avec la nécessité de préparer l’insertion ou la réinsertion dela personne détenue afin de lui permettre de mener une vie responsable et de prévenir la commission de nouvelles infractions»









Un rapport s'inquiète de l'afflux de malades mentaux en prison

Il y aurait 25% de malades mentaux en détention, selon un rapport du Sénat. Un chiffre en constante augmentation.


Dans un rapport présenté ce mardi 11 mai, des sénateurs ont tiré la sonnette d'alarme sur l'afflux de personnes atteintes de troubles mentaux dans les prisons françaises.

Selon des estimations, il y aurait 25% de malades mentaux en détention pour des troubles allant de la dépression à la psychose. La proportion des personnes atteintes de troubles mentaux les plus graves (schizophrénie ou autres formes de psychoses) pourrait d'ailleurs être estimée à 10% de la population carcérale. Pire encore, les sénateurs s'inquiètent de l'augmentation de ces proportions au fil des années. Ce, alors que les prisons françaises sont surpeuplées avec plus de 61.700 détenus pour 55.000 places.


Les raisons de ce phénomène sont multiples. La mission d'information pointe la réduction de l'offre de soins psychiatriques. Entre 1985 et 2005, "la capacité d'hospitalisation en psychiatrie générale est passée de 129.500 à 89.800 lits et places".


Mais surtout, le rapport s'interroge sur le cadre juridique entourant la question de l'emprisonnement des malades mentaux. La réforme du code pénal de 1993 a distingué "l'abolition du discernement au moment des faits en raison d'un trouble psychique entraînant l'irresponsabilité (article 122-1) et "l'altération du discernement qui n'exonère pas l'auteur des faits de sa responsabilité". Ainsi, en raison de l'absence fréquente d'expertise psychiatrique, les tribunaux doivent juger des personnes qui relèvent de la médecine. Et la plupart du temps, cette situation conduit à l'incarcération de malades mentaux.


Une présence dangereuse

Et, les conséquences sont loin d'être anodines. Malgré la présence de psychiatres, ces malades ne peuvent recevoir un traitement adapté à leurs pathologies. Plus encore, l'emprisonnement pourrait aggraver leurs troubles mentaux. Gibert Barbier, sénateur (RDSE), vice-président de la commission des affaires sociales qui a participé au rapport, explique à Nouvelobs.com que la présence des malades mentaux dans les prisons peut troubler l'établissement et même être dangereuse. "Certains malades sont très difficiles à gérer. Lorsqu'ils sont trop agités, ils sont placés au mitard. Mais ils ne se rendent pas compte de ce qui se passe. Ainsi leur maladie peut ainsi être aggravée par leur passage en prison". D'autant plus, que le personnel pénitentiaire n'est pas formé à s'occuper de ces personnes. A titre d'exemple, le rapport cite Laurent Ridel, sous-directeur de l'administration pénitentiaire, qui a affirmé lors de son audition au Sénat avoir "relevé un nombre plus élevé d'agressions ou de tentatives de suicide difficilement explicables alors que les incidents plus "classiques" comme les mouvements collectifs ou les évasions auraient tendance à diminuer".


La mission d'information souligne également la question des risques pour la société à leur libération.


Réorganisation de la psychiatrie

Le rapport fait part de ses recommandations qui s'appuient sur la réorganisation de la psychiatrie. Il suggère ainsi "d'engager la révision de l'organisation territoriale de la psychiatrie", de "renforcer la formation des psychiatres à la pratique médico-légale", de "développer les outils de prise en charge des malades mentaux ayant commis des infractions"... Surtout, la mission d'information estime nécessaire une amélioration de l'article du code pénal en instituant une atténuation de la peine en cas d'altération de la responsabilité. En contrepartie, les malades auraient obligation de se soigner pendant et après la détention.


Opposition à Nicolas Sarkozy ?

La question de la justice pour les malades mentaux n'est pas nouvelle. Les politiques ont pris position à de nombreuses reprises sur le sujet. La plupart du temps, après la médiatisation d'un faits divers.


En 2004, après le double meurtre à Pau d'une infirmière et d'une aide-soignante dans un hôpital psychiatrique, Nicolas Sarkozy avait affirmé que "les victimes avaient droit à un procès", demandant ainsi à la ministre de la Justice Rachida Dati d'envisager l'organisation de procès pour les malades mentaux.


Faut-il donc voir dans le rapport une opposition marquée au chef de l'État ?


Pour Gilbert Barbier, la réponse est non. Selon lui, Nicolas Sarkozy mélange dangerosité et maladie mentale. Or, "la dangerosité n'est pas liée aux troubles mentaux". "Ce qui est certain, c'est que les malades mentaux n'ont pas leur place en prison", persiste le sénateur du Jura.


(Émilie Jardin – Nouvelobs.com)








Trop de malades mentaux en prison, accuse un rapport du Sénat


FRANCE INFO

Comment faire face à la maladie mentale en prison ? Un groupe de sénateurs s’est posé la question. Leur rapport, que France Info a pu consulter, souligne la proportion inquiétante de détenus atteints de troubles graves, comme la schizophrénie.

Environ 10 % des détenus souffrent de graves problèmes mentaux. Des troubles si importants qu’une peine de prison n’a guère de sens pour eux. Sans parler des dangers qu’ils font courir à leurs co-détenus.
Face à l’ampleur de ce phénomène, l’offre de soins reste insuffisante, en détention mais aussi à l’extérieur de la prison : le nombre de lits d’hôpitaux en psychiatrie a fortement baissé depuis 25 ans.

Les rapporteurs s’inquiètent également des conséquences de la distinction qui est faite depuis 1993 entre abolition du discernement et altération du discernement. Le deuxième cas de figure n’empêche pas de déclarer une personne pénalement responsable. Du coup, les prisons se remplissent d’individus malades, déplore le rapporteur UMP Jean-René Lecerf.

Des malades mentaux condamnés, malgré la reconnaissance de "l’altération" de leur discernement  Les explications de Jean-René Lecerf  (0'27")

Les sénateurs proposent de diviser par deux les peines pour les condamnés dont l’altération du discernement est établie. Ils prônent également le renforcement de l’offre de soins en prison.

Laurent Doulsan








Le Sénat se penche sur le sort des malades mentaux en prison


Deux commissions du Sénat ont constitué un groupe de travail autour de la question des 10 % de détenus (environ 6 000 personnes), atteints de troubles mentaux les plus graves (schizophrénie), qui ne devraient pas se trouver en prison. « La prison n’est pas un lieu de soin, elle peut même aggraver le cas de certains malades », souligne le sénateur Jean-René Lecerf (UMP). Lui-même et Jean-Pierre Michel (PS) pour la commission des lois, Christiane Demontès (PS) et le Dr Gilbert Barbier (RDSE, Rassemblement démocratique et social européen), pour la commission des affaires sociales, ont remis mardi un rapport d’information, énonçant un certain nombre de recommandations.

Certes, il faut conserver la distinction entre les notions d’abolition et d’altération du discernement (distinction prévue par l’article 122-1 du code pénal et qui détermine ainsi la responsabilité pénale ou non du détenu) mais si altération il y a, alors elle doit explicitement mener à l’atténuation de la peine encourue. En effet, le contraire a été constaté dans les faits : depuis cette distinction juridique datant de 1993, l’altération a constitué un facteur d’aggravation de la peine allongeant la durée d’emprisonnement de personnes atteintes de troubles mentaux, explique leur document. Les rapporteurs estiment par ailleurs que les personnes dont le discernement est altéré doivent systématiquement être affectées dans un établissement pénitentiaire comprenant un SMPR (service médico-psychiatrique régional). Ils demandent également qu’à la libération de ces personnes, on puisse appliquer les mesures de sûreté qui sont aujourd’hui réservées aux personnes déclarées irresponsables. C’est, par exemple, l’interdiction d’entrer en contact avec la victime ou de se rendre dans tel ou tel lieu.

Former les psychiatres.

Les sénateurs suggèrent par ailleurs de renforcer la formation des psychiatres à la pratique médico-légale et à l’exercice de la médecine pénitentiaire, notamment en créant un diplôme d’études spécialisées. Ils veulent également développer les formations communes aux professionnels de la justice et de la santé appelés à intervenir auprès des auteurs d’infractions atteints de troubles mentaux. « Cela s’impose d’autant plus que la création des UHSA (les unités hospitalières spécialement aménagées, qui doivent permettre l’hospitalisation en psychiatrie de personnes détenues atteintes de troubles mentaux qu’il n’est pas possible de maintenir dans une structure pénitentiaire classique) impliquera une telle collaboration », souligne Christiane Demontès. Il faut aussi améliorer les conditions de l’expertise (en rétablissant, entre autres, l’expertise conjointe par deux experts dans certains cas). Plus largement, le groupe parlementaire estime qu’il faudrait pouvoir disposer d’une large palette d’outils pour prendre en charge les malades mentaux ayant commis une infraction. En commençant par multiplier les SMPR sur le territoire.

Par ailleurs, les rapporteurs réclament, comme bien d’autres, la nécessaire tenue d’états généraux de la santé mentale et souhaitent voir inscrit rapidement à l’ordre du jour du Parlement un projet de loi modifiant la loi du 27 juin 1990 sur l’hospitalisation d’office.
Tel est précisément le texte qu’a présenté la semaine dernière Roselyne Bachelot en conseil des ministres. Les sénateurs, eux, souhaiteraient que le projet émane conjointement de la Santé et de la Justice. Le rapport qu’ils viennent de rendre public constitue, disent-ils, un élément de chantier pour une proposition de loi.

AU. B.


Quotimed.com,
le 11/05/2010


Témoignage chrétien

Santé

Psychiatrie sécuritaire

par Agnès Noël

Le projet de loi sur la psychiatrie de Roselyne Bachelot est contesté par de nombreux praticiens, notamment parce qu'il néglige le soin et transforme le médecin en policier.


Roselyne Bachelot a présenté le 5 mai en conseil des ministre son projet de loi sur la psychiatrie, qui devrait être examiné au Parlement cet automne.

Le texte avait été souhaité par Nicolas Sarkozy en novembre 2008, au lendemain de la mort à Grenoble d'un étudiant tué par un patient échappé de l'hôpital psychiatrique. Sa grande nouveauté est de substituer à la notion d'hospitalisation celle de soins, ce qui inclue la possibilité de soins en ambulatoire, à savoir à l'extérieur de l'hôpital. La mesure,qui concernerait 70 000 patients par an, n'est pas sans susciter l'inquiétude des psychiatres.

Certificats

Actuellement, il existe deux possibilités d'hospitalisations sous contrainte: l'hospitalisation à la demande d'un tiers, et l'hospitalisation d'office, à la demande de l'autorité publique. Avec cette loi, l'hospitalisation à la demande d'un tiers sera simplifiée: il ne faudra plus deux certificats pour interner quelqu'un, mais un.

Et surtout, les soins pourront avoir lieu aussi en ambulatoire, chez les psychiatres de ville. L'entrée dans le soin se ferait toujours en hospitalisation complète, « avec un premier temps d'observation et de soins, d'une durée maximum de 72 heures, comportant trois certificats médicaux », selon Roselyne Bachelot (Libération, 5 mai).

Ensuite, le patient serait “orienté” vers une hospitalisation partielle ou en soins ambulatoires. Dans ce dernier cas, les patients seraient pris en charge par des praticiens sous la responsabilité du médecin de l'hôpital qui suit le patient.

Elie Winter, psychiatre, membre du Collectif des 39 contre la nuit sécuritaire, n'est pas favorable à ce dispositif : « La nouvelle loi n’apporte rien au problème des patients qui ont vraiment besoin de soins, et pour lesquels il y a de moins en moins de moyens. En revanche, elle ajoutera des contraintes pour beaucoup d’autres patients qui ne présentent pas vraiment de danger et qui seront plus facilement hospitalisés. L’obligation de soins se limitera souvent à des traitements sous médicament. »

Police

Selon le projet de loi, si le malade ne se rend pas aux consultations, « le médecin peut le relancer mais aussi prévenir le directeur. Celui-ci pourra prendre toutes les mesures utiles pour remettre le patient dans la chaine de soins, y compris faire appel aux forces de police ».
Elie Winter pointe les dérives que cela peut occasionner: « Si je joue le rôle de police sanitaire, qui surveille mon patient et appelle la police s'il ne vient pas, cela va forcément changer la nature de ma relation avec lui! »

Enfin, globalement, sortir serait plus compliqué pour les patients : les sorties d'essai qui existaient auparavant vont disparaitre (excepté celles de 12 heures), pour être remplacées par le système ambulatoire. Quand aux sorties après une hospitalisation d'office, elles devront désormais être validées par un collège de soignants (deux psychiatres et un cadre infirmier), qui donnera son aval au préfet, à qui appartiendra la décision finale. Or les préfets, estime Elie Winter, « subissent de plus en plus de pression. Ils reçoivent des directives du ministère, allant toujours dans un sens sécuritaire, et moins dans le sens des libertés.»

Le Collectif des 39 rappelle également que « les personnes dites « malades mentales » ne sont pas plus dangereuses que le reste de la population. Au contraire, selon des études, elles sont 11 fois plus souvent victimes de crimes et 140 fois plus souvent victimes de vols. »

Caméra cachée à l'hôpital

Le 18 mai, l'émission controversée en caméra cachée, “Les Infiltrés”, sur France 2, sera consacrée à l'hôpital psychiatrique. Le reportage, tourné dans un hôpital d'Ile de France, montre un service où, faute de moyens et quelquefois de motivation, les malades sont souvent livrés à eux-mêmes, bourrés de médicaments et tenus enfermés. Le reportage sera suivi d'un débat.

Les infiltrés, mardi 18 mai, France 2, 22h15

12 mai 2010










Débat houleux sur la vidéosurveillance

11 mai 2010

Par : C.Dubois

Au terme d’un vif débat entre majorité et opposition, l’installation de  nouvelles caméras de vidéosurveillance à Nogent sur Marne a été actée au conseil municipal d’hier soir. Concrètement, 36 nouvelles caméras complèteront début 2011 les 43 déjà existantes (actuellement dans les parkings et au port). Elles seront placées autour des écoles, gares, lieux à forte densité de commerce ou encore jardin public ou stade. Le conseil municipal a également voté une demande de subvention pour couvrir une partie de ces 600 0000 € d’investissement.

Quelles précautions éthiques et comment mesurer les résultats ?

Du côté du groupe Nogent avec vous (divers droite), Michel Gilles a regretté que le dossier ait été déjà complètement ficelé pour être présenté en commission départementale sans qu’il y ait eu auparavant d’échanges approfondis sur les objectifs, les moyens de les mesurer et l’encadrement éthique du dispositif. «Nous réclamons en vain depuis février des précisions sur la charte et le comité d’éthique ainsi que l’élaboration d’un tableau de bord avec des objectifs précis pour s’assurer que les malveillances ne seront pas simplement reportées d’un quartier vers un autre. Nous n’avons même pas eu connaissance de la carte de la criminalité, ce qui objectiverait le débat.»

Qui surveille les caméras de surveillance ?


De son côté, William Geib (Parti socialiste) a pointé l’impossibilité humaine de surveiller tous les écrans. «Il va y avoir 79 caméras alors qu’une personne ne peut surveiller que 4 écrans en même temps donc ce dispositif ne protégera personne ! C’est du vidéomaquillage !»

Vidéo-protection : la vidéosurveillance de nouvelle génération

«La vidéo-protection est un péché pour vous, un outil pour nous même si ce n’est pas la panacée, a rétorqué le maire, Jacques JP Martin. Le projet a été étudié par un bureau d’étude dont vous avez eu connaissance des conclusions. La carte de la criminalité  n’apporterait rien de plus, je ne vais pas vous donner toutes les adresses où ont été commises des délits. Il n’est pas question de mettre en débat les emplacements de chaque caméra. Elles seront essentiellement installées aux abords des écoles, gares et autres espaces publics. Concernant la veille simultanée de plusieurs écrans, elle est permise par la nouvelle génération de matériel capable de détecter les événements et les signaler, c’est toute la différence entre la vidéosurveillance (ancien dispositif) et la vidéoprotection. Quant au déplacement des problèmes d’un quartier à un autre, à chaque ville de prendre ses responsabilités. Le Perreux sur Marne et Joinville le Pont sont déjà engagés dans un processus de vidéoprotection.» L’élu a également précisé qu’il y aurait un comité d’éthique lors du suivi du projet.

Vote

Après quelques échanges et digressions (à écouter directement à partir du fichier MP3, entre les minutes 36:05 et 58:06 ), le projet a été voté. Ont voté contre : William Geib et Michel Mastrojanni pour le PS. N’ont pas pris part au vote : Michel Gilles, Marie-Anne Montchamp (par procuration) et Michel Devynck pour le groupe Nogent avec vous.

2 votes contre, 3 élus ne prennent pas part au vote

Quelques précisions sur les conditions d’installation d’un dispositif de vidéosurveillance sur la voie publique : le public doit être informé des différents lieux faisant l’objet de vidéosurveillance. La présence de pancartes sur lesquelles est représentée une caméra est  obligatoire en cas d’utilisation d’un système fixe de vidéosurveillance de la voie publique. Le délai de conservation des images est de 1 mois,  sauf procédure judiciaire en cours et toute personne peut demander accès aux enregistrements la concernant. Pour en savoir plus, voir la page dédiée à la vidéosurveillance dans les lieux publics sur le site officiel de l’administration française.

Voir aussi les précédents billets sur ce sujet.




Patrick Pelloux: "L'objectif de Sarkozy est de casser la sécurité sociale"

Par Alex Lemarié de La rédaction du Post

le 11/05/2010

Sur Le Post, le médecin urgentiste fustige "l'épouvantable" proposition d'Alain Minc pour financer les dépenses de santé des "très vieux" (lire son interview ci-dessous).

Vendredi, Alain Minc a dénoncé sur France Info "l'effet du vieillissement sur la hausse des dépenses d'assurance maladie". Pour "récupérer les dépenses médicales des très vieux", qui sont selon lui "un luxe", le proche conseiller de Nicolas Sarkozy propose de "mettre à contribution ou leur patrimoine, quand ils en ont un, ou le patrimoine de leurs ayants-droits".

Son intervention sur le sujet commence à 21,04mn: (Source: France Info)

Pour illustrer et appuyer son argumentation, Alain Minc a cité l'exemple de son père, âgé de 102 ans, qui a été "hospitalisé quinze jours en service de pointe".
Coût total de son hospitalisation, selon Alain Minc: 100.000 euros.

Le hic, c'est que Libération a démontré que le conseiller élyséen avait exagéré sur les chiffres, en multipliant par cinq les dépenses liées à l'hospitalisation de son père. Ce que Alain Minc a reconnu dans les colonnes du quotidien, avouant qu'il a "délibérément pris un chiffre qui frappe" pour donner du poids à son argumentaire.

Contacté par Le Post, le médecin urgentiste Patrick Pelloux s'élève lui aussi contre la proposition du conseiller de Nicolas Sarkozy.

Que pensez-vous de la proposition d'Alain Minc pour financer les dépenses médicales des personnes âgées ?

"Déjà, il est intéressant qu'Alain Minc reconnaisse lui-même qu'il manipule et utilise le mensonge pour faire avancer ses arguments... Cela en dit long sur l'état d'esprit du sarkozysme, prêt à tout pour faire passer ses idées."

"Après, je n'ai pas de mot assez dur pour qualifier cette proposition d'Alain Minc. C'est juste épouvantable et d'un cynisme... Cela lui va bien à lui, qui est riche, de proposer ça... Grâce à ce monsieur, nous allons redécouvrir la lutte des classes. La seule réponse que l'on peut et que l'on doit apporter, c'est le combat démocratique."

Alain Minc dit qu'il va en toucher un mot à Nicolas Sarkozy...
"Qu'ils arrêtent de nous prendre pour des cons! On connaît bien leur stratégie: ils envoient une balle et ils attendent de voir comment elle revient. Il est clair que la sortie d'Alain Minc sur ce sujet vise à préparer les esprits avant une éventuelle réforme des régimes d'assurance maladie. Je pense qu'à terme, l'objectif de Sarkozy est de casser la sécurité sociale. S'il casse la sécu, il casse le gaullisme."

"Avec son intervention, Alain Minc distille la pensée ultra-libérale du sarkozysme, qui est de dire: l'homme est au service de l'économie et pas le contraire. Cela crée une concurrence entre les êtres humains effroyable. Pourtant, Alain Minc étant un brillant économiste, il devrait savoir que ce qui a sauvé la France pendant la crise, c'est son système de sécurité sociale."

- Dans une interview accordée au Post, ce mardi, le député PS Jean-Marie Le Guen -spécialiste des questions de santé- se dit "totalement opposé" à la proposition d'Alain Minc et dénonce "des propos irresponsables" (lire son interview).

- Contacté par Le Post, le ministère de la Santé n'a pas souhaité réagir.
- Contacté par Le Post, le ministère du Budget n'a pas encore réagi.




Sécu : les chiffres fantaisistes d'Alain Minc

LEMONDE.FR | 11.05.10

"Il y a un problème dont on ne parle jamais (...) c'est l'effet du vieillissement sur la hausse des dépenses d'assurance-maladie et la manière dont on va le financer". Alain Minc a proposé, vendredi 7 mai, que les dépenses de soins des "très vieux" soient imputées à leur patrimoine ou à celui de leurs ayants droit. (Voir la vidéo ci-dessous)

Invité de l'émission Parlons Net, il a pris pour un exemple le cas de son propre père. "J'ai un père qui a 102 ans, il a été hospitalisé 15 jours en service de pointe. Il en est sorti. La collectivité a dépensé 100 000 euros pour soigner un homme de 102 ans. C'est un luxe immense, extraordinaire pour lui donner quelques mois ou, j'espère, quelques années de vie. Je trouve aberrant, quand le bénéficiaire a un patrimoine, ou quand ses ayants droit ont des moyens, que l'Etat m'ait fait ce cadeau à l'œil."

Pour Alain Minc, cette proposition "progressiste" devrait figurer au programme des socialistes.

Le problème, c'est que cet exemple familial a suscité des interrogations. Sur le blog de Jean-Daniel Flaysakier, spécialiste des questions de santé à France 2 et sur LibéOrléans, le blog du journaliste Mourad Guichard, des internautes s'étonnent de la somme évoquée par M. Minc.

En effet, la tarification à l'activité empêche d'atteindre de tels montants. Libération a contacté Alain Minc, qui précise : "Écoutez, c'était illustratif. Ce montant est sans doute plus élevé que la réalité. (...) Seize jours de service de pointe, ça doit être 20 000 ou 25 000 euros […]. J'ai délibérément pris un chiffre qui frappe ; le montant que j'imaginais qu'on puisse me réclamer."

Le Monde.fr



libeorleans.fr

http://www.libeorleans.fr/libe/2010/05/d%C3%A9penses-de-sant%C3%A9-minc-veut-pr%C3%A9senter-la-douloureuse-aux-tr%C3%A8s-vieux-malades.html 

Dépenses de santé: Minc veut présenter la douloureuse aux «très vieux» malades

SANTÉ. La manière dont l’économiste Alain Minc entend régler une partie des déficits de la sécurité sociale ne laisse pas le mouvement Ensemble pour une santé solidaire de marbre. Vendredi 7 mai 2010, à l’occasion d’un «Parlons Net», le rendez-vous médiatico-politique de France Info, Rue89, LePoint.fr et Dailymotion, l’homme qui parle à l’oreille des décideurs a proposé que les dépenses de soins des «très vieux» soient imputées à leur patrimoine ou à celui de leurs ayants-droits. Une proposition qualifiée de «monstruosité» par Éric Taillandier, le porte-parole du mouvement qui milite pour le maintien d'un système égalitaire.

«Il y a un problème dont on ne parle jamais (...) c’est l’effet du vieillissement sur la hausse des dépenses d’assurance maladie et la manière dont on va le financer», explique Alain Minc appuyant sa démonstration sur un exemple très personnel: «Moi j’ai un père qui a 102 ans, il a été hospitalisé 15 jours en service de pointe. Il en est sorti», rassure-t-il. «La collectivité française a dépensé 100.000 euros pour soigner un homme de 102 ans. C’est un luxe immense, extraordinaire pour lui donner quelques mois ou, j’espère, quelques années de vie».
Alain Minc propose alors une mesure qu’il qualifie lui-même de «progressiste»: «Je trouve aberrant que quand le bénéficiaire a un patrimoine ou quand ses ayants droits ont des moyens que l’état m’ait fait ce cadeau à l'oeil. Et donc je pense qu’il va bien falloir s’interroger sur le fait de savoir comment on récupère les dépenses médicales sur les très vieux en ne mettant à contribution ou leur patrimoine quand ils en ont un ou le compte patrimoine de leurs ayants droits».

«Comment un homme aussi intelligent qu’Alain Minc peut-il en arriver à proférer une telle monstruosité et de la qualifier de progressiste alors qu’il s’agit d’une régression sans nom ?», s’interroge Éric Taillandier. «Pour lui, quand on est très vieux, on n’est plus un homme ou une femme comme les autres, puisqu’on n’a plus le droit à la solidarité nationale. Cela rompt avec le principe d’égalité», dénonce-t-il.

Pour clore son propos, Alain Minc précise qu’il va faire cette proposition - qui devrait, selon lui, figurer dans un programme socialiste - à Nicolas Sarkozy. Ce que redoute Éric Taillandier: «Si cette proposition aberrante était reprise (...) cela constituerait une brèche irrécupérable dans le principe même de la sécurité sociale universelle».

Dans le même temps, le militant associatif se rassure: «Je doute qu’aucun politique ne mette le doigt dans cet engrenage infernal».

En réaction à cette sortie, Martin Hirsch, l’ancien haut commissaire, estime qu’Alain Minc «pose une question intéressante», tandis que Jean-Daniel Flaysakier, spécialiste des questions de santé à France 2, dénonce «une proposition à très haut risque».

Mourad Guichard






UNE SOCIÉTÉ A SOIGNER «Hygiène et salubrité publique en France au XIXe siècle»

Gérard Jorland










Gérard Jorland
Gallimard, «Bibliothèque des histoires»
360 p.
27 €

L'avis de La Croix

Tout va mal, mais on se soigne

Qu'est-ce donc que la santé publique à l'âge des masses et de la vitesse ?

La médecine du XIXe siècle, nous dit Gérard Jorland, a voulu prévenir la maladie et surtout l’épidémie (celle du choléra en 1832 est restée très présente), en développant l’hygiène publique par l’application des découvertes scientifiques accumulées depuis Lavoisier. L’obsession, en cet âge industriel d’échanges humains et de vitesse accrus, fut de supprimer les foyers d’infection et d’enrayer la propagation des maladies infectieuses, causes principales des hausses de la mortalité, si inquiétantes dans une France où le taux de natalité périclitait.

D’où l’action inlassable de médecins, de savants et de «travailleurs sociaux» devenus passionnément «hygiénistes», pour plaider la bonne cause auprès des pouvoirs publics, des institutions privées ou religieuses d’aide et de charité, des propriétaires et des industriels.

Il s’agit d’aérer, de désinfecter, de vacciner, d’améliorer la voirie et les égouts, d’assainir les lieux et espaces publics, d’imposer une médecine du travail, d’étendre à toute la société les bienfaits de l’hygiène sociale. Dans les «villes tentaculaires» menacées de dégénérescences de tous ordres, il s’agit aussi, disent-ils, de promouvoir une hygiène morale qui devra irradier l’école, l’éducation populaire et l’aide sociale, et qui aidera à contenir les miasmes que sont la prostitution, l’alcoolisme, le crime et le suicide.

Gérard Jorland compare la France avec le reste de l’Europe et révèle ainsi que la question de la salubrité publique a été posée chez nous avec moins d’urgence, puisque nos campagnes et nos bourgades surabondantes nous tenaient à l’écart des ravages sanitaires entraînés par la concentration urbaine.

Il ajoute que l’État libéral en France est resté trop dédaigneux du social pour vouloir participer pleinement à la bataille (contre la tuberculose, par exemple: la France a inventé le sanatorium bien après ses voisins): il s’est contenté de saluer d’assez loin les initiatives religieuses et celles des collectivités locales. Si bien que la République n’a installé un ministère de l’hygiène et de la prévoyance, puis un de la santé, qu’en 1920 et 1930.

C’est dire qu’il a fallu attendre l’envol de l’État providence à partir des années 1940 pour que la santé publique prenne l’ampleur sociale, politique et budgétaire que l’on sait aujourd’hui, mais sans que l’hygiène publique progresse au même rythme. Christian Chevandier le montre en explorant à fond, pour la première fois, le meilleur espace public mis désormais au service de la santé de tous : l’hôpital, lieu jadis d’accueil en urgence et de relégation sociale devenu à la fois une énorme machine à soins, une caisse de résonance de la société et un lieu d’exercice–souvent difficile, mais en progrès–de la citoyenneté et, sans doute, le dernier havre pour naître et mourir ensemble dans une société d’individus.

Évolutions de la médecine, de l’économie et du droit hospitalier, sociologie des professions hospitalières et des malades devenus des patients: Christian Chevandier synthétise à merveille, ouvre toutes les fenêtres. Il distingue les grandes étapes qui ont fait l’hôpital d’aujourd’hui: l’héritage de l’hôtel-Dieu, la sécularisation jusqu’aux années 1920, le dévouement des soignants jusqu’en 1945, la spécialisation des soins jusqu’en 1975 et, depuis, l’irruption dans ses services de la société tout entière, en urgence ou non.

Tandis que l’hygiène publique, l’équipement de proximité et les soins à domicile, la médecine sociale et la médecine généraliste n’ont pas assez progressé pour éviter que les hôpitaux ne soient désormais dramatiquement surchargés. Surtout, il nous fait comprendre l’immense mutation sociale qui a fait de l’ancien refuge pour démunis le point de passage obligé de tout un chacun, à la vie à la mort.

JEAN-PIERRE RIOUX

A voir aussi : L’hôpital dans la France du XXe siècle de Christian Chevandier, Perrin, 490 p., 25 € http://www.bibliosurf.com/Une-societe-a-soigner-Hygiene-ethttp://www.bibliosurf.com/Une-societe-a-soigner-Hygiene-et

Présentation de l'éditeur

Faute de pouvoir soigner les maladies, la médecine du XIXe siècle s’est employée à les prévenir. D’où le rôle central qu’y joue l’hygiène publique. Se donnant pour mission de supprimer les foyers d’infection qui minent la société, elle s’étend à tous les domaines : égouts et voiries, orientation et hauteur des bâtiments, alimentation et travail, pollution industrielle et urbaine, prisons, casernes, hôpitaux, mais aussi prostitution, alcoolisme, crimes, suicides, etc.

Les préconisations des hygiénistes sont toujours les mêmes : faire circuler l’air et l’eau, désinfecter, vacciner. Mais ces avis ne sont pas toujours suivis d’effets. Dans nombre de pays européens, la vaccination et la revaccination sont obligatoires. En France, non. D’où ces deux paradoxes : qu’un pays qui a créé le mouvement d’hygiène publique moderne soit si lent à en appliquer les mesures ; que dans ce même pays, synonyme de centralisation et d’État fort, le gouvernement joue un rôle si limité dans la santé publique.

À la fin du siècle, les médecins finissent par se faire élire eux-mêmes au Parlement afin de faire voter une législation sanitaire. Mais pour imposer les contraintes de santé publique, il leur faut abandonner l’idéologie libérale et en construire une autre, le solidarisme. La législation perdurera, pas l’idéologie. Aujourd’hui, les politiques de santé publique appliquées en France et en Angleterre sont diamétralement opposées : libérale chez nous, étatique là-bas, contrairement à toute attente.

Philosophe et historien des sciences, Gérard Jorland est directeur d’études à l’EHESS et directeur de recherche au CNRS. Il a déjà publié aux Éditions Gallimard La Science dans la philosophie. Les recherches épistémologiques d’Alexandre Koyré (Bibliothèque des Idées, 1981).




Publié le 10/05/2010
FESTIVAL / THÉÂTRE 71

Honneur aux filles !

Par Nedjma Van Egmond

Esprit de famille, un rendez-vous délicieux initié par Pierre Ascaride, au théâtre 71. On y court parce que c'est l'occasion de spectacles (ou d'ébauches) réjouissants, de petites formes, de rencontres parfois surprenantes.
Et parce que Pierre Ascaride quitte la direction du lieu en décembre 2010. Il a choisi de consacrer cette troisième (dernière ?) édition aux femmes.

"J'ai voulu rassembler des regards féminins sur le monde comme il va : l'amour, ce qui ne veut pas dire forcément le triste, la lutte des classes, ce qui ne veut pas dire forcément le stalinisme, la politique dans tous les sens du mot qui n'est pas un gros mot.
Des trucs de filles, la vie quoi, vu du point de vue des filles...". Au bar du théâtre ou sur scène, des solos, souvent, des formes courtes, mais denses, des thèmes durs ou doux, dont vous raffolerez, Mesdemoiselles, mais pas seulement...

Valérie Puech se penche sur le baiser, Dominique Charpentier tire une foule de portraits, Marie-Ève Perron (actrice chez Mouawad) raconte un réveillon de Noël chez Marion.

Enfin, la géniale Meriem Menant, alias Emma la clown, partage la scène avec Catherine Dolto pour une conférence improbable où le clown se risque à la psychanalyse, et la psy se penche sur le clown.


Esprit de famille, honneur aux filles, les 28 et 29 mai, théâtre 71 de Malakoff. Spectacles : 5 et 8 euros. Pass deux jours : 21 et 28 euros. 01.55.48.91.00.




Culture et santé, alliance renouvelée


Une nouvelle convention a été signée par les deux ministères concernés, étendant le champ de leur coopération.

Onze ans après la signature de la première convention, les ministères de la Santé et de la Culture ont tenu à réaffirmer leur engagement en matière de culture en milieu hospitalier.

Ils vont même un peu plus loin qu’en 1999, puisque le texte signé le 6 mai prévoit l’expansion du dispositif aux centres médico-sociaux, maisons de retraite et centres de convalescence. Quatre régions pilotes devraient être désignées prochainement. Lors de la signature, Roselyne Bachelot et Frédéric Mitterrand ont rappelé les bienfaits de la culture pour « tous les acteurs » : les patients et leurs proches, mais aussi les soignants. Le volet de la formation des intervenants a d’ailleurs été évoqué, les deux ministères s'engageant à faire des « efforts importants » pour inclure « des modules pédagogiques » consacrés à la culture, notamment pour les cadres hospitaliers.

Améliorer la coordination

Les initiatives culturelles à l’hôpital, extrêmement diversifiées, peinent à se coordonner et se faire connaître. Toutes ne sont pas aussi médiatisées que Les Toiles enchantées ou Musique et santé, par exemple. Pour une meilleure visibilité et pour solliciter la participation du public, un site Internet sera créé, qui devrait faciliter le partage d’expériences entre les acteurs.

Un chargé de mission national sera mis à disposition par l'agence régionale de santé d’Île-de-France pour veiller à la bonne exécution de la convention et coordonner l'animation du réseau des référents et correspondants régionaux et locaux.

Au demeurant, la convention ne livre aucune mention d’un éventuel accroissement des aides financières de l’Etat. Le texte réaffirme l’importance du mécénat, et notamment du mécénat de proximité. Il encourage également la création d’une fondation ayant pour objet de réunir, d’administrer et de distribuer les contributions de donateurs privés.

Astrid Moors

Photo: Didier Plowy (ministère la Culture)
www.letelegramme.com

CÔTES-D'ARMOR

Psychiatrie. La CFDT craint le retour «à la prison»


11 mai 2010

Face à un déficit prévisionnel de 700.000 €, la direction de la fondation BonSauveur (qui gère le centre de Bégard) prévoit notamment 11,5 suppressions de postes. La CFDT se dit «très inquiète» pour un secteur de la psychiatrie déjà en crise.

«Nous allons vers la maltraitance». Cette annonce alarmiste est signée Francis Urvoy, le délégué du personnel CFDT du centre hospitalier spécialisé de Bégard (550 salariés). Il y a quelques jours, le syndicaliste et ses collègues ont appris que leur direction envisageait la suppression de 11,5 postes et le gel des bas salaires pour faire face au déficit prévisionnel de 700.000€. Un déficit dû à la non-augmentation de la dotation allouée à l'établissement par l'État. Et ce pour la deuxième année consécutive. «L'inflation est de 1,5%, les charges d'entretien et sécurité informatique, ainsi que les salaires augmentent. Nous devons nous adapter aux données budgétaires, nous n'avons pas le choix», explique Henri Terret, le directeur général de la fondation. «Mais les ajustements que nous avons effectués ne remettent absolument pas en cause la qualité des soins pour les patients. Parler de maltraitance, c'est faux. Il faut raison garder : les effectifs sont en nombre suffisants et tout est fait pour que les patients soient le mieux soignés possible».

Situation déjà dégradée

La sérénité du responsable de la fondation tranche avec l'inquiétude d'Yves Le Bivic, le secrétaire du comité d'entreprise du centre hospitalier de Bégard. «Nous sommes dans un contexte où la psychiatrie est fréquemment mise sur la sellette, notamment avec des fugues de patients qui débouchent sur des faits dramatiques. Si on réduit le nombre de personnels, on risque de revenir à des méthodes du siècle dernier. C'est-à-dire la prison». Et pour Yves Le Bivic, ces suppressions de postes sont d'autant plus mal venues que la situation est déjà dégradée:«Aujourd'hui, nous n'avons plus le temps de connaître les patients. Le personnel infirmier ne fait que les croiser».

Discours schizophrénique des financeurs

Secrétaire départementale du syndicat CFDT Santé Sociaux, Véronique Lautredou est persuadée que d'autres établissements risquent de rapidement connaître les mêmes difficultés que Bégard. «Tout le secteur médico-social (personnes âgées et handicap) du département va être touché. Les deux financeurs, l'État et le conseil général, n'augmentent pas leurs dotations. Mais les dépenses, elles, sont en hausse. Et la variable d'ajustement, c'est le personnel». «Nos financeurs tiennent un discours schizophrénique», embraye Francis Urvoy. «D'un côté, ils nous demandent de plus en plus de qualité dans les soins et la prise en charge des patients, mais de l'autre, ils nous donnent de moins en moins de moyens».

Julien Vaillant





Huit Français sur dix sont satisfaits de l’hôpital public

La Fédération hospitalière de France (FHF) a rendu publics ce mardi les résultats de son traditionnel baromètre « Les Français et l’hôpital ». L’attachement de l’opinion à l’institution ne se dément pas mais, sur certains points (prise en charge des personnes âgées, disponibilité des personnels), son taux de satisfaction est en chute libre.



PLUS DE HUIT FRANÇAIS SUR DIX (81 %) sont satisfaits de l’hôpital public : le très fort attachement de l’opinion à cette institution est une nouvelle fois mesuré par le « baromètre » que publie tous les deux ans, dans la perspective d’Hôpital Expo, la Fédération hospitalière de France (FHF).

Réalisé le 7 et 8 avril par TNS-Sofres auprès d’un échantillon national de 1 011 personnes interrogées en face à face à leur domicile, l’édition 2010 de ce sondage montre que les Français demandent d’abord (à 56 %) à l’hôpital d’être « accessible à tous, quel que soit son niveau de revenu ». Ce critère d’équité sociale arrive bien avant celui de la proximité géographique (retenu par 19 % des personnes sondées), celui des « délais d’attente très réduits » (mis en avant dans 9 % des cas seulement), celui du libre choix de l’établissement (7 %) et celui du « faible montant de la participation financière demandée aux malades » (7 %).

Pour choisir un hôpital, les Français font massivement (à 93 %) confiance à leur médecin traitant, les classements des établissements par la presse (sur la foi desquels 37 % peuvent se déterminer) ou des sites Internet de santé (21 %) étant sensiblement à la traîne. Néanmoins, au moment d’aller dans tel ou tel établissement, 46 % seulement des sondés s’estiment suffisamment informés.

L’institution hospitalière dispose-t-elle des moyens humains et financiers de son fonctionnement ? Non, répondent les Français : pour les trois quarts d’entre eux (77 %), ces moyens sont insuffisants. Interrogés enfin sur leur taux de satisfaction par rapport à une série de missions de l’hôpital public, ce sont la qualité des soins (83 % de satisfaits) et l’accueil du patient (74 %) que les sondés plébiscitent en premier lieu – suivent la modernité des équipements (73 %), les services de chirurgie (71 %), la prise en charge de la douleur (68 %). « La prise en charge des personnes âgées » ne fait que 43 % de satisfaits ; quant à « l’accompagnement des personnes en soins de vie et les soins palliatifs », ils constituent la mission que les Français jugent la plus mal remplie par l’hôpital public, avec un taux de satisfaction de 40 %.

« Si nous sommes satisfaits de voir que le taux de confiance des Français dans l’hôpital reste très élevé, nous constatons aussi qu’il y a, dans ce sondage, des indices d’insatisfaction qui ne sont pas négligeables dans une période de tension économique, financière et sociale », commente le président de la FHF, Jean Leonetti.

KARINE PIGANEAU


Quotimed.com, le 11/05/2010