Toute
La Culture
PAR ANNE VERDAGUER 12 FÉVRIER 2021
La ARMO/Compagnie Jérôme Thomas investit le coeur d’un hôpital psychiatrique à Dijon avec son cirque itinérant et le chapiteau Lili, créé il y a bientôt 20 ans. Toute la culture a assisté aux répétitions du Trio Faille, en résidence pour ce projet inclusif, sensible, et sur le fil, qui interroge notre rapport à la fragilité.
Elle marche en traînant des pieds, et en claudiquant. Talons hauts et robe noire fourreau pailletée, elle pousse une desserte, servante perdue dans un monde insensé. Au milieu de la piste, un trapèze qui se balance et qu’elle joue à éviter. Danse avec l’absurde comme un toréador avec sa proie. Elle se hisse, tombe, se rattrape. Fait semblant. Puis redescends pour saisir un violoncelle. La musique envahit le chapiteau. De l’autre côté, en voilà deux qui font corps à corps, le géant dans un costume de majordome trop petit, et le petit dans un bleu de travail trop grand. Ils s’agrippent, s’empoignent, s’enlacent dans une danse avec la cruauté et la tendresse.
Comme l’effraction de la poésie dans le réel peut parfois nous saisir et faire jaillir l’émotion, la présence du Trio Faille (Léa Leprêtre, Johannes Holm Veje et Martin Richard) en pleine répétition, dans un chapiteau implantée au beau milieu de l’immense parc de l’hôpital psychiatrique de la Chartreuse de Dijon, semble tout à la fois inattendu et tomber juste. Surtout en ce moment. Le projet Cirque à l’Hôpital porté par Jérôme Thomas, directeur artistique et fondateur d’ARMO (Atelier de Recherche en Manipulation d’Objets) en Bourgogne il y a 20 ans, est d’abord venu « d’une envie de faire venir au spectacle ceux qui n’y venaient pas » confie-t-il et c’est une façon de « re-questionner notre art aujourd’hui, ce qui passera forcément par l’amour ».