Gardons notre « âme », résistons au contrôle
Par Collectif des 39
21 janvier 2011
Faisons comme Martin Amis dans « la flèche du temps », racontons notre histoire à reculons :
«….On nous attacha sur des tables pour nous faire subir la Grande Opération. Le lendemain, je me rendis chez le Bienfaiteur et lui racontai tout ce que je savais sur les ennemis du Bonheur. Je ne comprends pas pourquoi cela m’avait paru si difficile auparavant. Ce ne peut être qu’à cause de ma maladie, à cause de mon âme.»
Ainsi parle D-503, le personnage d’Eugene ZAMIATINE dans « Nous autres » un homme « des siècles futurs », qui vit dans une société qui impose fermement l’Harmonie sous la direction du Guide !
Rompons l’harmonie pour retrouver notre âme :
Nous sommes une équipe pluridisciplinaire , qui travaille dans un CAMSP ( Centre d’Action Médico – Sociale Précoce ) qui accueille des jeunes enfants de 0 à 6 ans en situation de handicap ou à risque de handicap et leurs parents. L’employeur, une association privée loi 1901 a installé un système de vidéosurveillance dans la salle d’attente et les couloirs donnant sur les bureaux de soins contre l’avis de toute l’équipe soignante et ce, malgré la gêne et les interrogations exprimées par certaines familles.
La démarche des familles qui s'adressent au CAMSP est difficile, délicate. Elle ne peut se faire que si le respect, la confidentialité des échanges sont assurés. Nous refusons au nom de nos valeurs éthiques que les patients soient soumis à cette surveillance qui ne se justifie ni sur un plan pratique ni sur un plan sécuritaire.
Par contre, nous ne voyons aucun inconvénient à ce que ces caméras soient en service lorsque l'établissement est fermé au public.
Au delà des arguments pragmatiques évoqués par l'employeur, nous tenons à défendre un cadre de travail qui garantit l'intégrité de l'écoute des parents et des enfants, conditions indispensables à l'acte thérapeutique.
En outre, du fait du handicap ou des difficultés de leur enfant, ces familles peuvent souffrir du regard des autres. Certaines ont par ailleurs témoigné, y compris par écrit, de leur désapprobation et pose la question de l’atteinte à leur vie privée.
C'est pourquoi il nous semble tout à fait inacceptable, de filmer ou d'enregistrer des couloirs ou une salle d'attente qui sont des lieux d’interactions, de passage et de transition éminemment sensibles et qui font partie intégralement de la prise en charge.
Nous revendiquons la confidentialité du colloque clinique, le respect des libertés démocratiques fondamentales, et le droit à une expression libre.
L’argument sécuritaire s’est peu à peu imposé dans le discours de l’association gestionnaire alors que nous tentions d’avancer notre point de vue de soignants.
Les caméras devenaient des outils efficaces pour combattre et prémunir l’établissement contre les vols, intrusions et dégradations des locaux. Bien évidemment, cet argument sécuritaire reflète une méconnaissance profonde de la population accueillie et du contenu du travail que nous proposons, fondé sur une relation de confiance et une alliance thérapeutique indispensable à nos missions.
Ce genre de dispositif qui participe de l’illusion d’un contrôle omnipotent, d’un œil qui ne se ferme jamais met à mal notre travail de soins et d’accueil.
Ces dispositifs déjà mis en place dans d’autres domaines se banalisent et s’introduisent maintenant dans le milieu de la petite enfance.
Le dialogue est quasi absent et nos demandes n’ont pas pu être entendues. Notre avis émane pourtant de professionnels qui ont une qualification et une expérience de terrain avérées.
La gestion associative, prenant modèle sur des méthodes de management issues de l’entreprise empiète et contrarie le projet de soins porté par l’équipe soignante.
Ces pratiques, au nom de la « modernité », vont à l’encontre de nos principes éducatifs et thérapeutiques.
Une telle logique de surveillance induit une désaffection du relationnel et une délégation des compétences parentales, tout en engendrant le danger d’une stigmatisation des conduites.
L’Équipe du Centre d’Action Médico Sociale Précoce D ‘Épernay
Pour signer la pétition, cliquer ici
Par Collectif des 39
21 janvier 2011
Faisons comme Martin Amis dans « la flèche du temps », racontons notre histoire à reculons :
«….On nous attacha sur des tables pour nous faire subir la Grande Opération. Le lendemain, je me rendis chez le Bienfaiteur et lui racontai tout ce que je savais sur les ennemis du Bonheur. Je ne comprends pas pourquoi cela m’avait paru si difficile auparavant. Ce ne peut être qu’à cause de ma maladie, à cause de mon âme.»
Ainsi parle D-503, le personnage d’Eugene ZAMIATINE dans « Nous autres » un homme « des siècles futurs », qui vit dans une société qui impose fermement l’Harmonie sous la direction du Guide !
Rompons l’harmonie pour retrouver notre âme :
Nous sommes une équipe pluridisciplinaire , qui travaille dans un CAMSP ( Centre d’Action Médico – Sociale Précoce ) qui accueille des jeunes enfants de 0 à 6 ans en situation de handicap ou à risque de handicap et leurs parents. L’employeur, une association privée loi 1901 a installé un système de vidéosurveillance dans la salle d’attente et les couloirs donnant sur les bureaux de soins contre l’avis de toute l’équipe soignante et ce, malgré la gêne et les interrogations exprimées par certaines familles.
La démarche des familles qui s'adressent au CAMSP est difficile, délicate. Elle ne peut se faire que si le respect, la confidentialité des échanges sont assurés. Nous refusons au nom de nos valeurs éthiques que les patients soient soumis à cette surveillance qui ne se justifie ni sur un plan pratique ni sur un plan sécuritaire.
Par contre, nous ne voyons aucun inconvénient à ce que ces caméras soient en service lorsque l'établissement est fermé au public.
Au delà des arguments pragmatiques évoqués par l'employeur, nous tenons à défendre un cadre de travail qui garantit l'intégrité de l'écoute des parents et des enfants, conditions indispensables à l'acte thérapeutique.
En outre, du fait du handicap ou des difficultés de leur enfant, ces familles peuvent souffrir du regard des autres. Certaines ont par ailleurs témoigné, y compris par écrit, de leur désapprobation et pose la question de l’atteinte à leur vie privée.
C'est pourquoi il nous semble tout à fait inacceptable, de filmer ou d'enregistrer des couloirs ou une salle d'attente qui sont des lieux d’interactions, de passage et de transition éminemment sensibles et qui font partie intégralement de la prise en charge.
Nous revendiquons la confidentialité du colloque clinique, le respect des libertés démocratiques fondamentales, et le droit à une expression libre.
L’argument sécuritaire s’est peu à peu imposé dans le discours de l’association gestionnaire alors que nous tentions d’avancer notre point de vue de soignants.
Les caméras devenaient des outils efficaces pour combattre et prémunir l’établissement contre les vols, intrusions et dégradations des locaux. Bien évidemment, cet argument sécuritaire reflète une méconnaissance profonde de la population accueillie et du contenu du travail que nous proposons, fondé sur une relation de confiance et une alliance thérapeutique indispensable à nos missions.
Ce genre de dispositif qui participe de l’illusion d’un contrôle omnipotent, d’un œil qui ne se ferme jamais met à mal notre travail de soins et d’accueil.
Ces dispositifs déjà mis en place dans d’autres domaines se banalisent et s’introduisent maintenant dans le milieu de la petite enfance.
Le dialogue est quasi absent et nos demandes n’ont pas pu être entendues. Notre avis émane pourtant de professionnels qui ont une qualification et une expérience de terrain avérées.
La gestion associative, prenant modèle sur des méthodes de management issues de l’entreprise empiète et contrarie le projet de soins porté par l’équipe soignante.
Ces pratiques, au nom de la « modernité », vont à l’encontre de nos principes éducatifs et thérapeutiques.
Une telle logique de surveillance induit une désaffection du relationnel et une délégation des compétences parentales, tout en engendrant le danger d’une stigmatisation des conduites.
L’Équipe du Centre d’Action Médico Sociale Précoce D ‘Épernay
Pour signer la pétition, cliquer ici