par Marie-Eve Lacasse et Quentin Girard publié le 17 avril 2024
En comité de rédaction ce mercredi 17 avril, l’évocation d’une loi au Royaume-Uni qui vise à interdire l’achat de tabac par les personnes nées à partir de 2009 a immédiatement suscité un vif débat entre ceux qui y voient un progrès en termes de santé publique et les défenseurs des libertés individuelles. Besoin s’est fait sentir de mettre à plat ces positions entre les pour et les contre.
Pour : fumer n’implique pas que soi
Il y a une forme de joie dans le fait de pouvoir, librement, se détruire. Ce n’est pas tellement le passage à l’acte qui importe, mais le fait de savoir que l’on peut le faire. Consommer des substances potentiellement létales en toute conscience est un jeu et une jouissance. Combien de fois frôlons-nous la mort, à toute vitesse ou en se consumant à petit feu, comme avec la cigarette ? Se détruire les yeux grands ouverts procure un frisson érotique, celui de tirer sur un cercueil de velours à chaque volute.
Si ce geste ne concernait que nous-mêmes, il va de soi que la liberté de s’abîmer ne devrait concerner aucun gouvernement, au risque de sombrer dans la dictature sanitaire. Mais il se trouve que la cigarette n’implique pas que soi, et qu’il est temps de sortir du confort de l’insouciance. Les objets sont une assemblée, comme l’a théorisé le philosophe Bruno Latour. C’est-à-dire qu’ils convoquent, tous, des expertises, des valeurs et des compétences. Ils entraînent aussi, parfois, des catastrophes, des morts, des souffrances, des dépenses inutiles, des désastres écologiques. C’est ainsi pour tous ces plaisirs obscurs, alcool, clope ou drogue. Sniffer un rail de coke quand on sait qu’il a été transporté dans le ventre d’une «mule» au péril de sa vie, avant d’être éjecté dans les toilettes d’un hôtel d’aéroport avant d’atterrir dans vos narines, n’a rien de glamour ni de transgressif.