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Articles, témoignages, infos sur la psychiatrie, la psychanalyse, la clinique, etc.

dimanche 10 décembre 2023

« Se retrouver de l’autre côté de la barrière est difficile à accepter » : une médecin malade témoigne


 


Christophe Gattuso  7 décembre 2023

À l’occasion de la parution de notre nouvelle enquête sur le vécu et le ressenti des médecins lorsqu'ils sont malades, la Dre Brigitte G*, anesthésiste-réanimatrice dans le Sud-Est de la France, a accepté de témoigner auprès de Medscape du burn-out qu’elle a subi il y a plusieurs années, et du cancer du sein contre lequel elle se bat actuellement. 


Burnout : « Je ne disais jamais non »

« J’ai été arrêtée en janvier 2015, cela faisait trois ou quatre ans que la situation s’était dégradée au travail. Mais j’étais dans le déni, et au moment où je me suis rendu compte que ça n’allait pas, il était déjà trop tard. J’ai dit à mon chef de service que j’étais sur le fil du rasoir. Il m’a répondu : « Fais-toi aider ». Dix-huit jours après, j’étais en arrêt… J’avais craqué à la fin d’une réunion au cours de laquelle on me demandait d’assumer une procédure supplémentaire. Il était évident pour tout le monde que cette tâche me revenait. Je ne disais jamais non. Mais là, j’ai refusé, je ne pouvais plus. Personne n’est venu me voir à la fin de cette réunion. Je travaillais dans un CHU au sein d’une grande équipe, avec des anesthésistes répartis dans des pavillons. Un seul chef chapeautait tout le monde. Il fallait dire oui à tout ce que voulait ce mandarin. J’ai été en arrêt pendant plusieurs mois. Beaucoup de gens ont été surpris quand ils l’ont appris, sauf une amie de longue date qui m’invitait à lâcher prise.

"Je partais du principe qu’un médecin ne peut pas être malade, c’est impossible ! "

Cela a été très difficile pour moi. Je partais du principe qu’un médecin ne peut pas être malade, c’est impossible ! Dès les études, on nous inculque qu’on est là pour soigner, pas pour se faire soigner. On se prend un peu pour les sauveurs et se retrouver de l’autre côté de la barrière est difficile à accepter, surtout lorsque c’est pour un problème d’ordre psychologique. J’ai longtemps fait un déni de mon épuisement psychologique, je ressentais de la culpabilité en me disant que mon absence se répercuterait sur mes confrères ! Je ne refusais jamais, j’assistais à des réunions, je faisais des gardes en plus, j’étais surinvestie à 300%. Quand je suis revenue au boulot après plusieurs mois, j’avais mené un travail pour apprendre à dire « non ». Un jour, un collègue m’a demandé si je pouvais échanger une garde et comme cela ne m’arrangeait pas, alors j’ai dit non. Ce jour-là a été une victoire.

Un psychologue trouvé dans les pages jaunes

Être médecin a été neutre pour la prise en charge de mon burn-out. Je devais initialement aller voir un psychologue dans l’hôpital dans lequel j’exerçais mais je n’en ai pas eu la force. J’avais une boule au ventre dès que j’approchais de l’hôpital.

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Mes années MLAC

 

Pour défendre nos acquis, encore faut-il en connaître l’histoire.

Qui, dans les jeunes générations, se souvient aujourd’hui du rôle décisif joué par les mouvements féministes pendant les cinq années qui ont précédé le vote de la loi Veil dépénalisant l’avortement en France en 1975 ? 
Avec 45 ans de recul, à travers une chronique à la première personne dans laquelle le récit d’un engagement collectif et le récit de son parcours personnel sont étroitement mêlés, Irène Jouannet nous propose de revisiter « l’épopée » du MLAC (Mouvement pour la liberté de l’avortement et de la contraception).

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Où sont les hommes ? Baptiste Beaulieu : «Ce que les hommes appellent amour est juste une situation bien confortable pour eux»

par Anastasia Vécrin    publié le 8 décembre 2023

Très suivi sur les réseaux sociaux, le médecin et écrivain à succès s’est attiré les foudres en affirmant que «beaucoup d’hommes n’aiment pas leur femme». Pointant l’enjeu politique que constitue la prise en compte de la charge mentale et l’égoïsme de trop nombreux hommes qui cherchent à se disculper, le féministe habité par sa nouvelle homoparentalité s’explique.

Baptiste Beaulieu affûte ses tirades entre deux consultations. Médecin généraliste et auteur de best-sellers pour adultes (son dernier roman Où vont les larmes quand elles sèchent vient de paraître chez L’Iconoclaste) comme pour enfants (Les gens sont beauxOn a deux yeux pour voir chez les Arènes), chroniqueur à France Inter, il est suivi sur Instagram par 330 000 personnes. Sur ce compte, le médecin influenceur raconte avec humour et ferveur ses patients, ses livres et depuis peu les biberons d’Optimus Beyoncé Jesus, modeste pseudonyme qu’il a choisi pour l’enfant qu’il vient d’avoir avec son compagnon. Il y dénonce aussi le sexisme dans le milieu médical, l’homophobie persistante, se confie sur ses doutes et ses peurs en tant que père. Récemment, l’écrivain a posé une petite bombe sur Instagram mais aussi dans les foyers : «Après dix ans de médecine générale, je crois profondément que les hommes n’aiment pas les femmes», un post liké des centaines de milliers de fois, repris par des comptes féministes comme des anonymes, provoquant une multitude de témoignages de femmes venant corroborer l’affirmation. «J’ai partagé votre post avec mon mari, deux jours d’engueulade», lui a écrit l’une d’elles. L’occasion d’une rencontre pour en savoir plus sur ses engagements féministes et sa récente parentalité.

Entendre la parole des enfants et des adolescents


 


Une pratique clinique en centre médico-psycho-pédagogique

Entendre la parole des enfants et des adolescents

Cet ouvrage présente l’élaboration clinique d’un travail en équipe pluridisciplinaire mené dans une institution de soins qui accueille en ambulatoire des enfants et des adolescents en difficulté et leur famille, quelle que soit leur symptomatologie. Il témoigne de l’importance de la place accordée à la parole dans la relation thérapeutique.

« Ce livre témoigne d’une élaboration clinique dans un centre médico-psycho-pédagogique pour enfants, adolescents et leur famille.

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Plus conviviale, moins onéreuse qu’un Ehpad... Une première colocation entre seniors voit le jour à Paris

Par Cécile Beaulieu 

Le 2 décembre 2023

La structure a été créée par la start-up CetteFamille. Elle propose une nouvelle offre d’hébergement aux seniors, alors qu’il n’y aurait que 41 places pour 1 000 personnes âgées en perte d’autonomie et en demande d’hébergement dans la capitale.

23, rue Pierre-Mauroy (XVIIIe). Au premier étage, la start-up CetteFamille ouvre sa première colocation parisienne pour seniors. LP/C.B.

23, rue Pierre-Mauroy (XVIIIe). Au premier étage, la start-up CetteFamille ouvre sa première colocation parisienne pour seniors. LP/C.B.

Deux vastes appartements mitoyens en plein cœur du nouveau quartier Chapelle International, dans le XVIIIe arrondissement de Paris. En apparence, rien ne les distingue des centaines d’autres logements gérés par le bailleur RIVP dans le secteur. Pourtant, au premier étage du 23, rue Pierre-Mauroy, ce sont six personnes âgées en perte d’autonomie qui y emménageront en ce mois de décembre. Voici la première colocation pour seniors ouverte à Paris par la start-up CetteFamille, qui se définit comme « facilitatrice de vie partagée ». Et gère nombre de ces structures en province.

Une solution plus conviviale et moins onéreuse qu’un Ehpad. Surtout dans la capitale, où une place dans ces établissements revient à 3 768 € en moyenne – aides sociales déduites -, contre 2 287 € au sein de la colocation de Chapelle International.

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"Au village Alzheimer, le temps et la douceur"

Samedi 9 décembre 2023

Au village Alzheimer, dans les Landes, endroit unique en France, où vivent une centaine de malades, entourés de soignants sans blouse blanche. ©Radio France - Paul Ferrier

C'est un village Alzheimer unique en France, dans les Landes. Une centaine de malades y vivent, entourés de soignants sans blouse blanche. 

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Edito : Vieillissement : attention à ne pas réduire la complexité des mécanismes du vivant…

Vendredi, 08/12/2023 

Cette semaine, je reviens sur la passionnante mais complexe question des causes et facteurs impliqués dans le phénomène inéluctable de vieillissement qui caractérise tous les êtres vivants, à commencer par l’espèce humaine. En 2003, des chercheurs de l’Université McGill et du Massachusetts Institute of Technology (MIT), ont découvert chez de petits vers ronds (du groupe des nématodes) des gènes qui, lorsqu'ils sont porteurs de mutations, accroissent significativement la durée de vie de ces organismes. Ces gènes interviennent dans la production des radicaux libres, ces molécules toxiques qui altèrent progressivement les cellules, les protéines et les acides nucléiques constituant l'ADN. Les radicaux libres sont également responsables du "stress oxydatif", une réaction corrosive à l'origine de diverses maladies liées à l'âge, telles que les cancers, les maladies neurodégénératives (maladies d'Alzheimer et de Parkinson) et cardiovasculaires.

Ces radicaux libres provoquent de nombreux dommages qui ne peuvent jamais être complètement réparés par l’organisme. Les molécules abîmées s'accumulent avec le temps et finissent par affaiblir les cellules et les tissus de l'organisme. Ces scientifiques ont recherché les gènes qui avaient subi des mutations et ont déterminé la protéine associée à ces gènes ainsi que la fonction qu'elle exerçait. Ils ont pu identifier les gènes ISP-1 et clock 1 qui synthétisent des protéines jouant un rôle stratégique dans les réactions enzymatiques conduisant à la production de radicaux libres au sein des mitochondries, les centrales d’énergie de la cellule. Ces recherches montrent que les animaux qui portent une mutation sur le gène ISP-1 vivent non seulement deux fois plus longtemps que les autres, mais produisent également beaucoup moins de radicaux libres. Fait remarquable, ces gènes clock 1 et ISP-1 se sont très bien conservés au cours de l'évolution et on les retrouve sous une forme presque similaire chez l'humain. Lorsqu'on insère le gène humain chez le ver à la place de celui présent chez cette espèce d'invertébré, on obtient les mêmes effets. Ces chercheurs ont par ailleurs montré que la présence de deux mutations, l'une affectant le gène clock-1 et l'autre ciblant la séquence DAF-2, parvenait à quintupler l'espérance de vie des nématodes. Ces travaux confortent l'hypothèse selon laquelle les dommages cellulaires occasionnés par les radicaux libres jouent bien un rôle important dans le vieillissement.

Début 2002, des chercheurs de l’Université de Rochester ont identifié un variant génétique rare chez les personnes qui ont vécu jusqu’à 100 ans ou plus. Selon ces travaux, ce variant semble ralentir les processus fondamentaux qui provoquent le vieillissement. Ces recherches ont mis en évidence un lien entre l’activité d’une protéine baptisée “SIRT6” et une durée de vie accrue. En comparant des séquences génétiques de 500 personnes juives ashkénazes ayant vécu jusqu’à 100 ans et plus à un autre groupe ayant les mêmes origines mais n’ayant pas vécu aussi longtemps, puis en analysant une base de données de 150 000 personnes aux origines variées, les chercheurs ont identifié que le variant "SIRT6" était plus fréquemment présent chez les centenaires. Ces chercheurs ont constaté que ce variant pouvait ralentir sensiblement le vieillissement et permettait également d’améliorer la réparation de l’ADN et d’éviter ainsi l’accumulation de mutations génétiques. (Voir PNAS).

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samedi 9 décembre 2023

Suzanne, de saison en saison

 Disponible jusqu'au 31/12/2023







" On verra bien ! " Suzanne prend la vie comme elle vient, avec calme et sérénité. Elle vit seule dans la ferme qui l'a vue naître en 1930, en lisière d'une forêt des Hautes-Vosges. La maison n'est raccordée ni à l'eau ni à l'électricité. 


Reportage «On saucissonne le patient» : à l’hôpital psychiatrique du Rouvray, la bataille des anciens contre les modernes

par Eric Favereau, envoyé spécial à Rouvray (Seine-Maritime)   publié le 6 décembre 2023

publié le 6 décembre 2023

Faut-il soigner les malades mentaux par secteur géographique, comme on le fait depuis les années 50, ou par pathologie ? Ce dilemme traverse la psychiatrie française, qui renonce peu à peu à la sectorisation, faute de personnel et de moyens. Illustration avec le 2e hôpital psy de France, près de Rouen.

publié le 6 décembre 2023 à 17h43

Le débat qui secoue l’hôpital psychiatrique du Rouvray (Seine-Maritime), l’un des plus grands hôpitaux de France, est emblématique de la crise sans précédent que traverse la psychiatrie publique. En ces temps de pénurie de personnel, peut-on désormais continuer à soigner au plus près les patients dans leur globalité ? Ou bien faut-il rationaliser et soigner par pathologies, – dépressions, addictions, schizophrénies, etc. –, quitte à laisser tomber un travail de proximité, indispensable quand on prend en charge des troubles mentaux ?

La biologie peut-elle expliquer la violence dans les stades ?

Dr Mauricio Wajngarten    30 novembre 2023

Le 21 novembre dernier, lors d’un match de football entre les équipes nationales argentine et brésilienne, de violents affrontements ont fait plusieurs blessés. Le coup d’envoi a dû être reporté d’une demi-heure devant l’ampleur d’une situation ultra chaotique où policiers et supporters en sont venus aux mains. Un phénomène spectaculaire, mais loin d’être inédit.

On a pu lire dans les médias de multiples spéculations sur les causes et les responsabilités : failles dans l'organisation de l'événement, inconduite des supporters, violences policières, irrespect vis-à-vis des autres dans le monde actuel etc. Les opinions sur ces comportements agressifs ont alors dépassé le cadre du football pour rejoindre, entre autres, celui de la politique, de l'économie, de la sociologie, et même de la philosophie. Quid la biologie? Que peuvent nous dire les études scientifiques actuelles?

Justement cette semaine, des auteurs chiliens présenteront les conclusions d’une étude lors du congrès annuel de la Radiological Society of North America (RSNA). Le Dr Francisco Zamorano Mendieta, de l'université San Sebastián, a mené des recherches dans le monde du football, et a utilisé l’IRM fonctionnelle pour étudier l'activation cérébrale liée à des comportements complexes tels que ceux potentiellement liés au « fanatisme ».[1]

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La science du cri


 


Joe Kita   25 janvier 2023

Le cri est une forme de communication à la fois élémentaire et complexe qui reflète et évoque un large éventail d'émotions. Quels sont les différents types de cris ? Quels bénéfices mental et physique peuvent-ils apporter ? Le point avec le Pr Harold Gouzoules (Université Emory, Atlanta. É.-U.).

Titulaire d'une maîtrise en psychologie et d'un doctorat en zoologie, le Pr Harold Gouzoules étudie les cris des animaux et des humains depuis 40 ans. Il est certainement l'une des personnes qui a consacré le plus de temps à analyser ce type d’interaction entre les êtres vivants. Il a accumulé une audiothèque de dizaines de milliers de cris. Les nouveaux étudiants du département de psychologie où il enseigne et procède à ses recherches, sont d’ailleurs sensibilisés dès leur arrivée au risque d’être confrontés à des sons particulièrement troublants...

Les cris sont la plupart du temps le signe d’une situation dramatique : si vous êtes en colère, si vous avez besoin d'aide, lorsque vous avez peur ou êtes en extase… vous criez ! Si un proche pousse un cri dans une autre pièce de la maison, vous accourrez… pour le secourir, pour entendre la bonne nouvelle ou pour voir l'araignée qui l’effraie. Le cri reflète et évoque donc un large éventail d'émotions.

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Récit «Papa, est-ce qu’ils vont venir nous tuer ?» : deux mois après le 7 octobre, les enfants israéliens entre cauchemar et normalité






par Eve Szeftel   publié le 8 décembre 2023

Des bébés réfugiés dans le sommeil, des enfants couverts d’eczéma et qui s’accrochent à leurs parents : le pogrom perpétré par le Hamas a produit un traumatisme durable et massif en Israël, que n’efface pas un début de retour à la normale dans le centre du pays.

«La guerre, c’est comme s’il n’y en avait pas. A Tel-Aviv, tout a rouvert, les cinémas, les cafés. Il n’y a plus la peur qu’il y avait avant», raconte Itamar, 14 ans, joint par téléphone à sa sortie du collège alors qu’il se rend à son cours de tennis, mardi 5 décembre. Le survol d’une dizaine d’hélicoptères de l’armée lui fait aussitôt regretter son optimisme. «Lundi, pendant mon cours, on a entendu dix gros boums : c’était le Dôme de fer qui détruisait des missiles», ajoute ce jeune Franco-Israélien.

Ici, dans le centre du pays, la guerre est à la fois lointaine et proche. Le front est à peine à 70 km au sud de Tel-Aviv, où le sol tremble quand Tsahal largue des bombes très puissantes sur la bande de Gaza. Mais, contrairement aux Palestiniens de l’enclave qui vivent et meurent sous les bombes depuis le 7 octobre, où 1 200 personnes ont été massacrées par le Hamas et 250 enlevées, les Israéliens n’ont quasiment plus à déplorer de pertes civiles sur leur territoire. Et si des roquettes continuent d’être tirées depuis la bande de Gaza, elles sont quasiment toutes interceptées par le Dôme de fer – le système de défense antimissile dont les garçons comme Itamar parlent avec fierté, comme s’il s’agissait d’un superhéros.

Ajoutant à cette impression de retour à la normale, Tel-Aviv est repassé en vert depuis peu. Le ministère de l’Education a classé le pays en trois zones – verte, jaune et rouge – en fonction de la situation sécuritaire. Le nord, frontalier du Liban, et le sud, sont évidemment toujours en rouge : les écoles y sont fermées, tout comme la plupart des commerces non essentiels. A Jérusalem aussi, où les écoles ont été parmi les premières à rouvrir, la «routine a repris», témoigne Pierre Assouline, et ses enfants n’ont pas l’air «plus perturbés que ça». Mais leurs angoisses surgissent parfois, «comme des pop-up», observe ce journaliste : «Papa, pourquoi ils lui ont coupé le bras, à la petite fille ? Est-ce qu’ils vont venir aussi jusqu’ici pour nous tuer ?»

«Graves sévices psychologiques et physiques»

Entre le 24 novembre et le 1er décembre, la libération de 105 otages, dont une dizaine d’enfants, en échange d’une trêve depuis rompue, a procuré un peu d’apaisement. «Tous les soirs, on attendait leur retour, devant la télé. On était super contents de voir les familles réunies», témoigne Naomi, 12 ans. Mais le soulagement a été de courte durée. 138 captifs restent aux mains du Hamas ou de ses alliés. Et le sort des petits Kfir Bibas, 10 mois, et Ariel, 4 ans, donnés morts avec leur mère par le Hamas, continue de hanter le pays. Leur père est apparu dans une vidéo diffusée par l’organisation islamiste dans une nouvelle séquence de torture psychologique qui fait dire aux psychologues interrogés par Libération que «le 7 octobre n’est pas terminé».

Surtout, la joie de voir les parents étreindre leurs enfants après cinquante jours de cauchemar a été assombrie par les premiers récits sur leurs conditions de captivité, livrés par leurs proches ou des pédiatres. Thomas Hand, le père d’Emily, 9 ans, a raconté qu’elle avait perdu beaucoup de poids, mais surtout ne savait plus que chuchoter. La tante d’Eitan Yahalomi, que ce dernier avait été «battu, forcé à visionner des images» du pogrom et que les jeunes enfants détenus avec lui étaient menacés d’une arme à chaque fois qu’ils pleuraient. Les frères Yaakov ont été marqués au fer rouge sur leurs jambes, comme des esclaves, avec un pot d’échappement pour qu’ils soient identifiés comme des otages s’ils parvenaient à s’échapper. Dimanche 3 décembre, sur la chaîne 12, une phrase du directeur de l’hôpital pour enfants de Tel-Aviv, le docteur Itaï Pessach, a donné la chair de poule à toute une nation : «Quand le récit de ce qui leur est arrivé sera rendu public, aucun de nous ne pourra dormir la nuit», a-t-il dit au sujet des douze enfants dont il a la charge, rapportant, sans s’étendre, qu’ils avaient subi de «graves sévices psychologiques et physiques».

Depuis le 7 octobre, Guy Yakar, psychologue dans un lycée de Tel-Aviv, ne sait plus où donner de la tête face à l’ampleur du traumatisme, et la sévérité des cas qu’il a à traiter, chez les ados comme chez les profs. Avec émotion, celui qui s’est aussi porté volontaire pour prodiguer les premiers soins psychologiques aux enfants rescapés, hébergés dans les hôtels du front de mer, se souvient de «ces bébés qui dormaient tout le temps» : leur manière de «se protéger de la violence de ce qu’ils avaient vécu dans l’abri» assiégé, devenu un piège mortel. «Les enfants plus grands, eux, réagissent en ayant un comportement violent, en criant, en se rebellant contre leurs parents.» Guy Yakar les a fait dessiner pour qu’ils extériorisent leurs angoisses. «Jamais de ma carrière je n’ai vu des dessins aussi sombres», rapporte le psychologue, qui n’est pas autorisé à les montrer pour des raisons de confidentialité.

«Toutes les certitudes se sont effondrées»

Crise d’angoisse, pensées suicidaires ou somatisation, à l’image de l’eczéma qui a recouvert le corps de Nina, la petite sœur d’Itamar, toujours paniquée à chaque fois que la sirène retentit : non seulement l’effet du 7 octobre continue à se faire sentir, mais il s’est diffusé, via les réseaux sociaux ou les récits des témoins à la télévision, au-delà des enfants directement concernés, «traversant plusieurs cercles de vulnérabilité». Yakar évoque le cas d’un lycéen qui, deux mois après, «est toujours prostré et n’arrive pas à s’arrêter de pleurer. A la lumière de mon expérience, je m’attendais à ce qu’il se rétablisse beaucoup plus vite. Mais à chaque fois que je le vois, il me répond : pas de changement». Pour le praticien, «le traumatisme est toujours en cours car la guerre est toujours en cours» et le sentiment de menace existentielle n’a pas disparu dès lors que «le Hamas contrôle toujours la bande de Gaza et une partie de la Cisjordanie».

Pédiatre dans un centre de santé à Tel-Aviv, Sophie Belmin est assaillie de coups de fil de parents qui lui demandent «où leurs enfants peuvent être adressés en urgence pour une prise en charge psychologique car ils ont des signes de somatisation ou des syndromes de stress, par exemple une sensation d’oppression thoracique». Elle décrit aussi «des enfants qui ne veulent pas sortir de la chambre forte», ont le plus grand mal à s’endormir ou encore refusent de quitter leurs parents d’une semelle, car «c’est la seule chose dans laquelle ils ont encore confiance, tout le reste, toutes les certitudes se sont effondrées».

Docteur en psychotraumatologie, Emmanuelle Halioua juge cependant que le pays est passé à «une autre phase : le premier mois, on était en état de choc et d’hypervigilance, car on s’attendait à être pris en sandwich entre le Hamas au sud et le Hezbollah au nord». La phase qui s’ouvre désormais est celle de «la gestion des ressources pour faire face à l’inédit», à savoir des «crimes de guerre avec viols et actes de torture». Or des ressources, les Israéliens, qui ont «sédimenté les traumas depuis soixante-quinze ans», n’en manquent pas, estime cette spécialiste des troubles du stress post-traumatique (TSPT). En particulier les enfants, qui ont des «ressources fantastiques par rapport aux adultes». Il n’est pas rare de voir des élèves «descendre dans les abris en chantant» et, dès l’âge de 7 ans, ils sont formés à l’école au protocole Six’C /6C, employé par Tsahal et l’armée américaine pour «déchoquer» les soldats et leur permettre de fonctionner normalement après un événement traumatisant.

«On s’aide les uns les autres»

Eyal et Maor ont 15 ans, l’âge où on scrolle TikTok et Insta à longueur de journée, avachi sur le canapé. L’âge des bandes de copains et des filles qui font monter le rouge aux joues. Mais ces deux ados qui sortent d’un pas nonchalant du réfectoire du kibboutz Shefayim, au nord de Tel-Aviv, ont perdu leur insouciance depuis le 7 octobre. Rescapés du massacre de Kfar Aza, ce sont des héros de ce qu’on appelle en Israël la «bataille de la poignée» : pendant de longues minutes, Eyal et son père ont résisté aux terroristes du Hamas qui tentaient de forcer l’ouverture de leur abri, qui ne fermait pas de l’intérieur. Maor et les siens ont réussi, eux, à bloquer la porte d’entrée de leur maison.

Sur la pelouse baignée de soleil, des enfants de Kfar Aza jouent au foot en cette veille de Shabbat, encadrés par des plus âgés, venus de la ville voisine d’Herzliah. Si la plupart des mineurs déplacés ont repris l’école, Eyal et Maor n’ont pas la tête à ça : ils tiennent à s’occuper de leurs copains, dont certains sont orphelins, ou en deuil d’un frère ou d’une sœur. «On essaie de ne jamais les laisser seuls pour qu’ils ne dépriment pas. L’après-midi, on va surfer ensemble», raconte Maor, au visage poupin criblé d’acné. Les deux survivants ne sont pas égaux face au traumatisme : ce dernier est suivi car il souffre à l’évidence d’un TSPT – il dort mal et chaque «boum» provoqué par la destruction d’un missile le «ramène au 7 octobre». Eyal, qui rêve de rejoindre les troupes d’élite de l’armée après son bac, assure, lui, ne pas en avoir besoin. «La capacité à surmonter un choc traumatique dépend des ressources dont on disposait au moment de l’événement», explique Guy Yakar. Et c’est pareil pour les otages : «Certains iront en thérapie, d’autres passeront au travers, on ne peut préjuger de rien», ajoute cet expert en reconstruction.

Pour les spécialistes de santé mentale, la société israélienne dispose cependant d’une capacité de résilience exceptionnelle, qui tient notamment à la cohésion sociale dont elle fait preuve. «Nous sommes unis» ou «ensemble, nous vaincrons», ne sont pas que des slogans patriotiques omniprésents, sur les panneaux routiers ou publicitaires, mais une réalité vécue par cette petite nation de moins de 10 millions d’habitants répartis sur un territoire plus petit que la Bretagne. «Quarante-huit heures après les massacres, le pays était déjà en train de s’organiser. Or la solidarité, c’est l’un des facteurs de résilience les plus connus, avec l’entourage et les croyances», explique Emmanuelle Halioua. Le week-end dernier, Naomi est allée avec ses parents cueillir des grenades près d’Ashkelon, au sud de Tel-Aviv, pour pallier le départ des travailleurs étrangers. Avec sa mère, elle a aussi rendu visite à un veuf qui avait perdu son fils à la guerre, après être tombée sur un message sur Instagram appelant à venir le réconforter. «On s’aide les uns les autres. A l’école, aux scouts, on a écrit des lettres, fait des dessins pour les familles des kidnappés. Mon frère, qui est à l’armée, les gens lui paient le café…»

Roni, Maya et Shaïli ont 17 ans. Quand nous les rencontrons, posées sur une falaise face à la Méditerranée, quelque part entre Tel-Aviv et Herzliah, les lycéennes tremblent encore d’avoir dû se plaquer au sol sur l’autoroute après une alerte aérienne. C’était leur première sortie depuis le 7 octobre, une virée à la mer pour fêter les 17 ans de Maya. La séquence de l’autoroute leur en a coupé l’envie. Elles racontent la vie d’après le 7, les cours en zoom, les abris étant trop éloignés des salles et en nombre insuffisant, la hantise d’une infiltration terroriste qui les pousse à se barricader chez elles, mais aussi le bénévolat pour se sentir utile et leur attachement désormais viscéral à leur pays. Quitter Israël ? Roni ouvre des yeux ronds : «Jamais de la vie, c’est notre pays, on n’en a pas d’autre et il n’y en a pas de meilleur au monde !» Toutes trois se disent impatientes de faire leur service, l’an prochain. Pour faire la guerre ? «Oui, si c’est la condition pour avoir de nouveau le droit de boire des verres en terrasse. Comme vous, en France.»



Entretien Bruno Falissard : «En psychiatrie, on ne peut résumer un patient à un seul diagnostic»

par Eric Favereau    publié le 6 décembre 2023

Le psychiatre revient sur la fragilisation de la sectorisation et ses potentiels effets délétères sur les patients.

Il est de plus en plus question de traiter la santé mentale par filières, en isolant les dépressions, les schizophrénies, les toxicomanies, l’hyperactivité… Cette tendance, qui vise à pallier le manque d’effectifs, criant en psychiatrie, est-elle efficace d’un point de vue clinique ? Pour le psychiatre Bruno Falissard, polytechnicien, pédopsychiatre, directeur du plus gros laboratoire de recherche sur la santé mentale, la filiarisation de la psychiatrie pourrait induire de renoncer à une certaine complexité dans la prise en charge des patients.

On parle de plus en plus de traiter les malades mentaux par «filières». Est-ce une bonne idée ?

La tendance est, en tout cas, claire, avec un élan qui vient à la fois de l’administration et de certains de mes collègues psychiatres, plutôt universitaires. Les raisons en sont multiples. D’un côté, cette évolution peut paraître raisonnable. Le savoir sur les maladies mentales devenant de plus en plus riche et dense, tout le monde ne peut le suivre. Et si parallèlement les diagnostics se font précis, alors oui, tout cela pourrait pousser à une spécialisation légitime, comme on l’a connu dans le reste de la médecine. Regardez en chirurgie orthopédique, il y a désormais des spécialistes du genou, de la hanche, etc. En plus, il y a des pays où cela se passe ainsi, comme au Canada.

vendredi 8 décembre 2023

DOCUMENTAIRE. "Irresponsables" quand la justice décide entre prison et psychiatrie

Écrit par Stéphane Hérel   Publié le 

Ils ont subi la mort brutale d’un enfant, d’une mère ou d’un frère, par un meurtrier. Et doivent subir parfois le choix de la justice sur la responsabilité ou non de ces actes criminels. Prison ou hôpital psychiatrique ? "Irresponsables", un documentaire sans tabou sur les émotions que suscitent ces choix difficiles.

Jugés irresponsables de leurs actes malgré leurs crimes, ils seront envoyés en hôpital psychiatrique. Nombreux sont ceux à avoir témoigné dans ce documentaire : familles de victimes et de meurtriers, psychiatres, magistrats, avocats, surveillants pénitentiaires et universitaires. Tous mettent en lumière la situation actuelle en France, avec leurs doutes, leurs craintes ou leurs colères.

Voici trois bonnes raisons de regarder le documentaire poignant du journaliste lorrain Alain Morvan.

1. Pour comprendre la douleur des familles 

Il s’est acharné sur notre fils." Voici les premiers mots de Natacha Leroy, la mère du petit Luca poignardé en pleine rue à Jœuf (Meurthe-et-Moselle) en 2015. Son meurtrier a été jugé irresponsable, car selon ses parents, " il est schizophrène, c’est pas de sa faute." En plus de la douleur insoutenable d’avoir perdu leur enfant, les parents de Luca découvrent que l’auteur des faits avait déjà tenté de tuer quelqu’un. La famille se sent abandonnée par l’État qui selon eux n’a pas su protéger leur fils.

Depuis 1994, "les experts doivent déterminer si le discernement a été altéré et non aboli au moment des faits." Face à la pression de l’opinion publique, les experts psychiatres penchent plus facilement pour une altération du discernement. Et pourtant, selon Anne-Lise Trudon, avocate, " si la personne n’est pas en capacité de comprendre ce qu’elle a fait de mal, il n’y a aucun intérêt à la juger."

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Appétit, humeur, sommeil 24 heures au rythme de nos hormones


Appétit, humeur, sommeil 24 heures au rythme de nos hormones

C’est grâce à l’une que l’on s’endort le soir et grâce à une autre que l’on arrive à sortir de son lit le matin. Pour que tout cela fonctionne harmonieusement, les hormones vont et viennent au rythme de nos besoins et de leur programmation.

Quand il s’agit du système endocrinien, tout est une question d’équilibre, mais aussi d’horloge. C’est une mécanique minutieuse qui fait apparaître des hormones à des moments clés de la journée ou, au contraire, inhibe leur sécrétion. Plongée dans une journée ordinaire, rythmée par la valse des hormones.


7 h • Au chant du coq


Le soleil apparaît, les oiseaux chantent et le cortisol atteint sa concentration maximale juste avant le réveil pour nous préparer à affronter la journée. Cette hormone ordonne au foie de produire davantage de glucose, tandis qu’elle indique aux muscles et au tissu adipeux de diminuer le captage et le stockage de ce glucose. Elle les enjoint également de puiser dans leur stock de protéines et de lipides afin de relarguer des acides aminés et des acides gras. Ce processus est essentiel pour nous faire émerger du sommeil et pour que nous soyons en mesure de réaliser les activités physiques et intellectuelles qui nous attendent. Sa production décroît ensuite pour être presque indécelable la nuit.