Publié le 28 mai 2023
Chaque semaine, la chronique phénomène du “New York Times” sur l’amour vous est proposée en exclusivité, traduite en français par “Courrier international”. Ce dimanche, une femme handicapée, lasse des rencontres amoureuses décevantes, interroge les limites de tous ces hommes qui ne voient jamais au-delà de son invalidité.
Mon thérapeute m’a demandé si j’étais pessimiste en amour. J’ai répondu : “Non, je suis réaliste.”
Comme je suis handicapée, il le faut bien.
Atteinte d’amyotrophie spinale, une maladie qui entraîne une grave faiblesse musculaire, je suis en fauteuil roulant électrique. J’ai eu mon premier rendez-vous à l’âge de 24 ans avec quelqu’un qui ne le savait pas, alors que j’avais posté des photos claires de mon fauteuil roulant sur le site de rencontres.
Le droit à une vie sexuelle
J’ai fait beaucoup de rencontres de ce genre depuis. Peut-être que les hommes ne regardent pas les profils d’assez près, même si je trouve qu’un fauteuil roulant de 150 kilos est difficile à rater. Ou peut-être qu’ils n’ont pas l’habitude de voir des personnes handicapées chercher à rencontrer des gens.
Si j’ai poussé un soupir de soulagement quand mon médecin m’a interrogée sur ma vie sexuelle et un éventuel projet de maternité, c’est pour une bonne raison. Il y a trop de professionnels de santé qui partent du principe que les personnes handicapées sont asexuelles et ne peuvent pas avoir d’enfants. C’est pour une bonne raison que Gem Turner, une militante pour les droits des handicapés qui n’a pas sa langue dans sa poche, a raconté [sur son blog] avoir eu son premier rendez-vous à l’âge de 28 ans, comme si c’était un secret honteux. C’est pour une bonne raison que, quand j’ai lu l’histoire d’amour de Sitting Pretty. The View From my Ordinary Resilient Disabled Body [“Assise et jolie. La vue depuis mon corps ordinaire, handicapé et résilient”, non traduit], les mémoires de Rebekah Taussig, je m’y suis accrochée comme à une prière.