Créée en 1945, la Maison nationale des artistes accueille 80 résidents qui continuent à profiter de leur art dans un environnement créatif. Un établissement unique qui, sans être immune aux difficultés de secteur, rompt avec l’image froide des maisons de retraite traditionnelles.
«Il a suffi qu’une caméra se mette en route pour la voir se redresser d’un coup.» La comédienne Micheline Presle, 100 ans cette année, est l’une des 80 résidents de la Maison nationale des artistes à Nogent-sur-Marne (Val-de-Marne), un Ehpad qui a pour particularité de n’accueillir que des plasticiens, cinéastes, musiciens ou comédiens. Comme la plupart de ses colocataires dont la moyenne d’âge avoisine les 88 ans, Micheline Presle est une «artiste jusqu’au bout», affirme le directeur François Bazouge, surpris et ému à chaque fois qu’il assiste à l’une de ces épiphanies passagères, à l’occasion d’un vernissage ou d’une présentation dédiés aux pensionnaires de cette maison de retraite pas comme les autres.
Le numérique a fait de la médecine conventionnelle une médecine augmentée bien réelle. Il implique cependant un certain nombre de questionnements et responsabilités nouvelles pour le prescripteur, qui ont été évoquées dans le cadre du Congrès de la Société Francophone du diabète(SFD, 21-24 mars 2023, Montpellier).
La littérature met parfaitement en lumière l’essor de l’Intelligence Artificielle (IA) dans le champ de la médecine, et plus particulièrement dans le diabète et l’obésité. La puissance de l’IA permet d’ores et déjà d’aider les médecins dans des démarches diagnostiques – de la rétinopathie diabétique par exemple-, pronostiques -AdDiarem dans la prédiction de l’évolution du diabète après chirurgie bariatrique- ou d’ajustement thérapeutique – dans les pompes à insuline. Mais elle peut aider à aller au-delà : car l’obésité est liée à une multitude de paramètres biologiques, cliniques, environnementaux, psychologiques et sociaux qui induisent des phénotypes, des stades de progression et des trajectoires disparates, et une variabilité de réponses thérapeutiques et de parcours de soins. La médecine conventionnelle prend en charge les patients en accord avec la médecine des preuves, qui repose sur des moyennes, et qui est orientée selon le phénotype. L’IA pourrait aider à proposer une médecine véritablement personnalisée grâce à des algorithmes intégrant la multitude des paramètres d’intérêt, notamment ceux des -omics (génome, transcriptome, microbiome…). « On a besoin de cette collaboration avec l’IA,supervisée par une garantie humaine, loyale et transparente, a reconnu le Pr Karine Clément (Pitié-Salpêtrière, Paris). Mais il faut que l’on puisse lui faire confiance. Il va être nécessaire que développeurs et médecins aient le même langage, les mêmes enjeux. Il faut un partenariat précoce pour construire ces outils ». Et notamment sélectionner l’objectif de l’algorithme : il sera très différent s’il vise à réduire ou identifier une situation de gravité, ou s’il vise la qualité de vie du patient. « Jusqu’à quel point l’IA décidera de notre santé ? Elle peut nous aider dans certaines situations pour stratifier les patients, aider au pronostic, répondre à des problèmes de désertifications. Elle peut surtout être un outil qui nous aide à retrouver du temps avec nos patients » a -t-elle insisté.
Une méta-revue de 51 méta-analyses montre une augmentation du risque de malformations congénitales majeures, d’atteintes congénitales cardiaques, de naissance avant terme et d’hypertension pulmonaire persistante chez le nouveau-né exposé in utero antidépresseurs.
L’augmentation du risque d’hémorragie post-partum, de décès à la naissance et d’atteintes du développement moteur et intellectuel est moins évidente avec les données actuellement disponibles.
Le bénéfice de la prise d’antidépresseur durant la grossesse sur le risque de récidive de dépression après la grossesse n’est quant à lui pas clairement mis en évidence.
Pour les auteurs, « ces résultats suggèrent que les antidépresseurs devraient être réservés à la femme souffrant de dépression en 2e ligne de traitement après la psychothérapie. Ce qui est en accord avec les recommandations. Le risque de malformations congénitales majeures pourrait être évité en respectant l’utilisation de la paroxétine et de la fluoxétine comme le préconisent les recommandations. »
À l’issue de la conférence « Tous acteurs de la santé des professionnels de santé » (31 mars 2023), Agnès Firmin le Bodo, ministre déléguée en charge de l’Organisation territoriale et des Professions de santé, a posé le constat d’un effort national à accomplir pour améliorer l’état de santé de ces derniers. En effet, un quart d’entre eux signalent qu’ils sont en mauvaise santé. Sont mis en cause le surmenage, la confrontation à la violence, le déséquilibre entre vie professionnelle et vie privée, l’organisation et les conditions de travail. Sont particulièrement concernés les professionnelles et les étudiants des métiers de la santé.
Découvrir le secret de ses origines, est-ce toujours une bonne idée ? C'est ce que promettent les tests ADN, pour le meilleur et pour le pire. Ils sont aujourd'hui encore interdits en France, mais cela n'empêche pas les Français d'y recourir à l'étranger.
Malgré l'interdiction des tests ADN en France, les Français se font tester à l'étranger, en Belgique, en Suisse ou aux Etats-Unis, pays où ils se pratiquent de plus en plus souvent.
Si cette nouvelle technologie permet d'en savoir plus sur ses origines ethniques, de retrouver des proches, de compléter son arbre généalogique, ou de soutenir un discours pro-immigration qui célèbre la diversité de nos origines biologiques, elle peut aussi être instrumentalisée par l'extrême-droite, obsédée par l'idée de pureté des origines. Elle réserve surtout son lot de surprises, puisque les résultats des analyses peuvent parfois séparer les familles en révélant des secrets jusque-là bien gardés …
Professeure d’anthropologie génétique au Museum national d’histoire naturelle, une science à laquelle elle se consacre avec beaucoup de passion, de fougue et de joie, Evelyne Heyer mène des recherches sur l’évolution génétique et la diversité de notre espèce
L’Espagne devrait très bientôt mettre en place une nouvelle disposition pour lutter contre le suicide. Les salarié·es pourront bénéficier de 15 jours de congés payés pour accompagner un·e proche souffrant de pensées suicidaires.
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n 2022, 4 000 personnes se sont suicidées en Espagne. C’est la première cause de mort non naturelle dans le pays. Ces chiffres alarment les parlementaires du pays qui ont décidé de prendre une mesure drastique pour la santé mentale du peuple. En février dernier, une proposition de loi prévoyant 15 jours de congés payés pour aider les personnes ayant des idées suicidairesa été adoptée par le Parlement, relate la RTVE. Mi-avril, l’exécutif a commencé à rencontrer les syndicats et les organisations patronales pour déterminer les contours de cette nouvelle disposition. A priori, donc, les salarié·es pourront bientôt poser jusqu’à deux semaines de congés pour prendre soin d’un·e de leurs proches à la santé mentale vacillante. La loi ne prévoit pas de perte de salaire du côté des accompagnants.
Afin de mieux prendre en charge les troubles psychiques et psychiatriques associés au Covid-long, la Haute autorité de santé publie une nouvelle fiche technique. Elle insiste notamment sur la notion de multidisciplinarité qui doit caractériser cette prise en charge.
Régulièrement depuis le début de l’année 2021, la Haute autorité de santé (HAS) actualise ses recommandations dans la prise en charge du Covid-long. Aux 14 fiches techniques déjà existantes pour apporter des réponses rapides aux patients qui en sont atteints, elle en ajoute aujourd’hui une quinzième consacrée aux troubles psychiatriques et aspects psychologiques associés aux symptômes prolongés de la maladie. À destination des soignants comme des patients, elle « caractérise les principaux troubles (dépressifs, anxieux, stress post-traumatique…) et propos des préconisations quant à leur diagnostic et leur prise en charge », précise-t-elle.
Lors d'une interview accordée aux lecteurs du Parisien, Emmanuel Macron s'est notamment engagé à accélérer la délégation d'actes, jugée comme l'une des solutions à la problématique des déserts médicaux.
Crédit photo : AFP
Dans une interview fleuve publiée dans Le Parisien lundi 24 avril, Emmanuel Macron a répondu aux questions de 11 lecteurs du journal. Entre réforme des retraites, inflation et cote de popularité en chute libre, le chef de l’État a également consacré quelques mots à son engagement de « désengorger les urgences » d’ici fin 2024, pris lors de son allocution télévisée du 17 avril dernier. Il n’avait alors pas donné plus de précision.
De nouvelles thérapies existent pour soigner notre santé psychique. Quelles sont-elles ? Comment choisir ?
La santé mentale des Français décline depuis la crise sanitaire. Le climat sociopolitique, les incertitudes économiques, la flambée de l’inflation, la guerre en Ukraine nous font baigner dans un climat anxiogène et propice à la déprime.
Évidemment le terrain personnel, professionnel, familial, héréditaire contribuent à altérer notre santé mentale. Anxiété, dépression, phobies, addiction, stress post-traumatiques …
Dans un rapport publié la semaine dernière, des associations pointent les difficultés que rencontrent les étrangers en situation irrégulière afin de bénéficier de leur droit. A peine une majorité des personnes pouvant y prétendre en sont bénéficiaires.
L’Aide médicale d’Etat permet aux personnes en situation irrégulière de bénéficier d’une couverture santé. (Livia Saavedra/Liberation)
publié le 25 avril 2023 à 6h26
On dirait une petite main à la Kafka qui aurait multiplié la pose de cailloux pour empêcher le demandeur d’arriver au bon endroit du Château… C’est en tout cas le sentiment que l’on a lorsque l’on s’attarde aux mille et une difficultés mises en place pour les étrangers en situation irrégulière afin qu’ils puissent, légalement, bénéficier de l’Aide médicale d’Etat (AME). Et c’est ce qui ressort d’un rapport publié la semaine dernière par une série d’associations sur l’accès à l’AME (1).
Conduire un sujet à ne plus souffrir, à éviter de faire souffrir et à chérir son unicité: c’est ainsi que la psychanalyse guérit. Dépression, angoisse, anxiétés et peurs, désespoir, sentiment de non-sens, perte de confiance, insécurité, culpabilité, deuil, mal d’amour, troubles affectant directement le corps (anorexie, impuissance ou disparition du désir sexuel, manifestations physiques de l’angoisse…), tous ces symptômes mutent dans une psychanalyse, qui permet au sujet de vivre soulagé des souffrances dont aucun autre moyen n’a pu, durablement, le débarrasser.
Le parcours d’une psychanalyse est, je l’ai dit, une route orientée, essentiellement par le désir, mais aussi une route guidée par la conduite de la cure. Le savoir du psychanalyste qui assure cette conduite est un savoir-entendre l’inconscient, de sorte à ne pas manquer, dans le discours du patient, l’apparition toujours fugitive de la parole essentielle, nouvelle ou insolite, dont se saisira, en une prise décisive, son interprétation. "Le lion ne bondit qu’une fois", a dit Freud.
FAKE OFFLe « syndrome d’aliénation parentale » est controversé depuis des années, mais toujours utilisé par la justice
Voici des décennies que le « syndrome d’aliénation parentale » pose question dans le débat public. Certains avocats notamment continuent à le défendre, alors que les scientifiques s’y opposent.
Le terme, théorisé par Richard Gardner, expliquerait la rupture soudaine et brutale d’un enfant vis-à-vis d’un parent, amenée par la manipulation de l’autre parent.
Mais d’après des sociologues, derrière l’utilisation de ce terme se cache souvent un contexte de violence conjugale, voire incestueuse.
Il s’appellerait SAP, ou Syndrome d’aliénation parentale. Mais derrière un nom effrayant, se cache une controverse scientifique longue de plusieurs décennies et le sujet divise toujours sur les réseaux sociaux. Sur TikTok, une nouvelle vidéo virale met en lumière le sujet à travers une chronique diffusée sur le plateau du « Magazine de la santé », sur France 5. Le 6 juin 2019, l’avocate Brigitte Bogucki revenait sur la définition du terme. « C’est une espèce de rupture parentale brutale », « un rejet soudain d’un parent par un enfant », « une coupure complète ». Cela se traduirait par l’éloignement de l’enfant qui couperait les ponts avec un de ses parents sous le joug du deuxième parent.
La phobie d'impulsion se caractérise par des pensées graves, inavouables, obsessionnelles qui envahissent la tête de la personne. A l'extrême, elle peut avoir peur de pousser quelqu'un par une fenêtre ou d'infliger des souffrances à un autre individu ou à soi-même.
Qu'est-ce que la phobie d'impulsion ?
La phobie d'impulsion est aujourd'hui considérée comme appartenant au trouble obsessionnel compulsif (TOC). La phobie d'impulsion se définit par la peur irrationnelle de commettre des actes graves ou illégaux. "Très souvent, il s'agit d'une pensée qui arrive à l'insu du patient et qui peut être à caractère interdit ou socialement interdit. Par exemple, et à l'extrême, la personne peut avoir peur de pousser quelqu'un par une fenêtre ou d'infliger des souffrances à un autre individu ou à soi-même. Parfois, ces pensées sont à caractère sexualisé.D'un côté, le patient souffre d'obsession, qui se caractérise par l'intrusion de pensées récurrentes, et d'un autre, il souffre de compulsion", explique Rosa Caron, psychologue, psychanalyste. Pour Stéphane Rusinek, professeur de psychologie clinique, "le patient s'interdit lui-même d'avoir ces pensées. Lorsqu'elles deviennent quotidiennes ou obsessionnelles, il s'agit alors d'une phobie d'impulsion. Les pensées le perturbent dans son être : elles ne correspondent pas à sa personnalité. Le patient n'accepte pas ces pensées intrusives, car il a peur de passer à l'acte. Par exemple, une personne est en haut d'un immeuble. Elle regarde vers le bas et sa pensée lui dit qu'elle serait capable de sauter. Si cette personne commence à y réfléchir et à s'interroger (pourquoi ai-je pensé ça ? Pourrai-je sauter ?) et qu'elle se décide à ne plus se rendre sur un balcon par peur d'être capable de sauter, alors il est probable qu'elle souffre de phobie d'impulsion".
C’est l’histoire de J.P., premier patient dont l’étude a montré que des lésions précoces du cortex préfrontal peuvent avoir des conséquences dramatiques sur l’adaptation sociale et le raisonnement moral. L’adaptation sociale peut être définie par la capacité d’un individu à se rendre apte à appartenir à un groupe, notamment à vivre et travailler harmonieusement avec les autres et à s’engager dans des interactions et relations sociales.
J.P. a été suivi durant de nombreuses années par deux chercheurs de l’université de Louisville (Kentucky, États-Unis), Spafford Ackerly, psychiatre, et Arthur Benton, neuropsychologue. En 1947, ces deux chercheurs ont rapporté son cas à la réunion de l’Association for Research in Nervous and Mental Disease et publié leur premier article l’année suivante, il y a donc 75 ans.
Dans cette publication historique, Ackerly et Benton concluaient que les lobes frontaux sont essentiels au développement des capacités nécessaires à un fonctionnement social normal, et en particulier à l’intégration des expériences sociales au cours de l’enfance, ce qui est nécessaire au développement normal de la personnalité. Ce cas clinique a marqué l’histoire de la neuropsychiatrie.
C’est l’histoire du patient J.P. que je vais vous raconter, à la lumière de nouveaux éléments rapportés par des chercheurs de la faculté de la Chan School of Medicine de l’université du Massachusetts (Worcester). Ils ont été publiés en janvier 2023 dans un long article de la revue Cortex.
J.P. est né le 12 décembre 1912 à Louisville (Kentucky), après un accouchement difficile, qui a nécessité 22 heures de travail. La délivrance a nécessité des manœuvres instrumentales qui ont entraîné de sévères lacérations chez la mère. Neuf jours après sa naissance, le bébé, qui a dû mal à se nourrir et fait une jaunisse, a perdu 2,7 kg.
À 2 ans et demi, il erre sans crainte de se perdre, sans aucune anxiété
Par la suite, le développement de J.P. se déroule normalement. À un an, il commence à marcher et à parler. Mais voilà qu’à l’âge de deux ans et demi, il se met à fuguer, s’éloignant parfois de plus d’un kilomètre et demi de la maison, sans ressentir la peur de s’être perdu, sans éprouver la moindre anxiété. Il est parfois ramené chez lui par la police. Il n’a alors que trois ans.
Ours d’or à Berlin, « Sur l'Adamant », le nouveau documentaire de Nicolas Philibert prend place dans une péniche, quai de la Rapée, à Paris, et transformée en hôpital psychiatrique de jour. Les critiques saluent un film humaniste et fascinant qui place le documentariste à la hauteur de Depardon.
Le nouveau documentaire de Nicolas Philibert, Sur l’Adamant a reçu l'Ours d'or à Berlin. Après Etre et avoir, La ville Louvre ou encore La Maison de la Radio. Il retourne avec ce nouveau film en psychiatrie, puisqu'il avait déjà traité le sujet en 1997 dans La moindre des choses, en plaçant sa caméra dans la clinique de La Borde. Cette fois, il monte sur L’Adamant, une péniche située quai de la Râpée à Paris et transformée en hôpital psychiatrique de jour et flottant pendant sept mois. Philibert a filmé les patients et les soignants. Parfois, ils se confondent dans cette structure qui pratique la psychothérapie institutionnelle, mettant l'accent sur la dynamique de groupe, les ateliers de gymnastique ou encore le dessin.
Les vendeurs d’applications et d’outils numériques pour espionner nos progénitures font leur beurre sur ce sentiment qui naît en même temps que nos enfants et ne nous quitte jamais vraiment : l’inquiétude.
Le contrôle permanent de nos enfants s’est immiscé dans les outils du quotidien. (MARINADEMIDIUK/Getty Images/iStockphoto)
Ici on parle de «parents poules». De l’autre côté de l’Atlantique, des «parents hélicoptères», ces parents qui «volent» au-dessus de leurs enfants afin de prévenir tous les dangers possibles. Mais d’innovation en innovation, nous voici entrés dans l’ère du parent panoptique, fliquant sa progéniture incognito et 24 heures sur 24grâce à un écosystème d’applis et mouchards en tout genre.
Pour le socio-anthropologue Jocelyn Lachance, spécialiste de l’adolescence, les nouveaux outils de surveillance à disposition des parents redéfinissent la notion de parentalité et peuvent autant culpabiliser ceux qui ne les utilisent pas ou peu que perturber le processus d’autonomisation des enfants.
«Les parents ont de plus en plus accès à des données objectives : ils savent combien leur enfant dépense, où il a utilisé sa carte, voient ses notes en direct…» explique Jocelyn Lachance. (Vincent Migeat/VU')
Dans un monde perçu comme de plus en plus dangereux et compétitif, la tentation d’avoir constamment un œil sur ses enfants est grande. Pourtant, expliqueJocelyn Lachance, socio-anthropologue spécialiste de l’adolescence, maître de conférences en sociologie à l’université de Pau et auteur de la Famille connectée, de la surveillance parentale à la déconnexion des enfants (Eres, 2019), échapper provisoirement au regard parental est indispensable au processus d’autonomisation des enfants.
A mesure que les outils destinés à accompagner les jeunes et faciliter leur quotidien se développent, le contrôle accru des parents peut troubler les rapports éducatifs et transformer ces applis en dispositifs d’espionnage.
«C’est relou parce que tes parents ont toutes tes notes, toutes tes absences, à la minute», raconte Naâma. (Frédérique Daubal/LIBERATION)
Vérifier la dernière note de mathématiques de sa fille, suivre les dépenses de son fils, et pourquoi pas surveiller leurs déplacements, depuis son téléphone portable, entre deux consultations de sa propre boîte mail ou de l’appli météo : le geste est devenu si banal que de nombreux parents le font sans même y penser. Aujourd’hui, en moins d’une minute et quasiment en direct, pères et mères peuvent chaperonner, à distance, leur progéniture d’un simple coup d’œil sur leur smartphone. Ce, grâce à des outils – des espaces numériques de travail (ENT) fournis par l’institution scolaire, comme Pronote, aux applications bancaires, en passant par les traceurs GPS et autres logiciels espions – présentés comme des facilitateurs pour organiser la vie de famille et éduquer son enfant, mais qui accroissent aussi, de fait, la possibilité pour les parents de surveiller sans discontinuer leur marmaille. Ce qui n’est pas sans poser question, tant en ce qui concerne le processus d’autonomisation des enfants et adolescents que l’établissement d’un lien de confiance au sein de la famille, ou encore la possibilité pour les moins de 18 ans de construire un jardin secret. Le droit à la vie privée des mineurs – consacré par la Convention internationale des droits de l’enfant, adoptée aux Nations unies en 1989 et signée par la France en 1990 – ne trouve d’ailleurs, à ce jour, pas de traduction dans la législation française.