Par LAURE COROMINES - Le 18 novembre 2022
Si depuis la pandémie l'on parle plus de santé mentale, celle des enfants reste encore tabou. Pourtant, les indicateurs sont inquiétants et les besoins grandissants. Un enjeu dont les politiques publiques peinent à s'emparer.
Aux urgences françaises, les passages pour idées suicidaires chez les 15-17 ans et pour troubles anxieux chez les 11-4 ans sont en hausse, indique un récent rapport. Selon l'une des dernières publications de l'UNICEF, plus d’un adolescent sur sept âgé de 10 à 19 ans vivrait avec un trouble mental diagnostiqué dans le monde, et la France se place au 7e rang en ce qui concerne le bien-être et la santé mentale des enfants.Des données d'autant plus alarmantes que les troubles apparus au cours de l’enfance ont une répercussion sur la santé mentale des adultes. Pourtant, la France tarde à s'emparer du sujet. C'est le constat d'Aude Caria, Directrice de Psycom, organisme national d'information sur la santé mentale et de lutte contre la stigmatisation. D'après Aude Caria, il est non seulement primordial de renforcer les dispositifs soignants en pédopsychiatrie, mais aussi, de parler de santé mentale avec les enfants, car tous les enfants ont une santé mentale dont il faudrait s'occuper comme d'un jardin. Interview.
Enfants et santé mentale : de quoi parle-t-on exactement et qui est concerné ?
Aude Caria : L’Organisation mondiale de la Santé nous explique bien que la santé mentale est un concept global, qui ne se résume pas la présence ou l’absence de trouble psychique. Ainsi, tous les enfants, au primaire et au collège, ont une santé mentale, de la même manière qu'ils et elles ont une santé physique. C’est un point de pédagogie important car il y a souvent confusion entre santé mentale et « maladies mentales ». Comme les adultes, les enfants ont une santé mentale dont l’état évolue au long de la vie et peut parfois être bousculé par divers évènements ou des conditions de vie difficiles. Cela peut se traduire par différents signaux de mal-être (agitations, repli, tristesse, etc.) pouvant parfois aller jusqu’aux troubles psychiques diagnostiqués nécessitant des soins. Entre la pandémie, la crise climatique et la guerre en Ukraine, les enfants sont exposés au quotidien à un climat difficile ce qui joue sur leur équilibre psychique. Ce climat affecte aussi les adultes qui les entourent, ce qui peut aussi contribuer au mal-être des enfants. Il faut aussi compter avec diverses formes de violence perpétuées à leur encontre : mal logement, cyberharcèlement, harcèlement scolaire, violences éducatives ordinaires, précarité, violences sexuelles, exposition aux images pornographiques ou fil d’actualité en continu... Finalement, la santé mentale est un enjeu au croisement des différentes politiques menées : santé, solidarités, éducation, logement, justice, de réglementations des réseaux sociaux, sport, environnement, etc...
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