Par Pauline Petit Publié le
Peut-on être contre le travail ? Oui, répond Giuseppe Rensi, ce serait même la vraie nature de l'humain. En 1923, ce philosophe italien maudit rédige un essai à charge contre cette activité "insupportable", mais invincible.
"On ne veut plus travailler". Cette citation n'est pas tirée d'un énième article sur le "quiet quitting" ou sur le plus sournois "brown out", cette perte de concentration au travail qui nous guette. Elle nous vient d'un philosophe de Vérone : Giuseppe Rensi. Il y a presque un siècle, en 1923, ce penseur italien rédige Contre le travail, sous-titré "Essai sur l'activité la plus honnie de l'homme" pour ceux qui ne trouveraient pas le titre assez explicite. Comment penser cette activité à la fois désirée et détestée, indispensable et aliénante ? Comment, pour reprendre le fil notre actualité, sortir du débat qui voudrait opposer un "droit à la paresse" (que certains défendent paradoxalement en évoquant la productivité des salariés passés à la semaine de quatre jours), aux fruits d'une "valeur travail" (au déclin supposée de laquelle l'exécutif voudrait par exemple pallier en proposant de conditionner le versement du RSA à des heures d'activités) ?
On ne trouvera chez ce "poète maudit de la philosophie" redécouvert à la fin des années 1980 ni la solution miracle aux inégalités salariales, ni l'annonce de l'avènement d'une société sans travail. Son écrit n'est pas non plus à proprement parler une tribune pour la réduction du temps de travail, combat mené par Paul Lafargue quelques années avant lui. Giuseppe Rensi s'emploie plutôt à déplier les raisons, toutes légitimes selon lui, pour lesquelles l'humain haïrait le travail de façon tout à fait naturelle. Et pourquoi ce problème, arc-bouté à une "morale du travail" absurde, est inextricable.