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Photo d’illustration. © Raphaël Fournier/Divergence
La presse chinoise se faisait récemment l’écho d’une traduction d’un ouvrage d’introduction à Heidegger… réalisée par un travailleur migrant. Portrait d’un homme de passion, anonyme sous pseudonyme (Chen Zhi), épris de philosophie existentielle et affligé par le fonctionnement du système économique actuel, dont il est l’une des victimes.
« Est-il normal qu’un travailleur migrant réfléchisse à Heidegger ? » C’est ainsi qu’un site dépendant du géant de l’information en ligne chinois Tencent titrait, il y a quelque semaine, un long portrait consacré à celui qui se fait appeler Chen Zhi sur internet – un ouvrier chinois de 31 ans qui annonçait, sur le réseau social Douban, avoir achevé une traduction de l’Introduction to Heidegger du philosophe américain Richard Porter (et qui cherche désormais un éditeur). Le People’s Daily – publication d’État – n’a pas tardé à réagir au titre, jugé méprisant, qui sous-entendrait l’incapacité des classes populaires à s’intéresser, à lire, à comprendre de la philosophie.
Critique de surface, cependant : si le titre est assurément maladroit, le People’s Daily se garde bien d’évoquer les nombreux passages de l’article incriminé où Chen Zhi dénonce les difficultés de ses conditions d’existence, et présente la philosophie non comme un moyen de trouver du sens dans sa vie d’ouvrier, mais de mettre en question le fonctionnement même de la machine technico-productive et le système de valeurs qui la sous-tend à l’origine de ses souffrances.