Par Catherine Calvet — 23 décembre 2020
Valentine Reinhardt
L’ancien «nez» d’Hermès publie un atlas des odeurs qui est aussi une histoire naturelle de la parfumerie et de ce sens ignoré qu’est l’odorat.
Dans son dernier ouvrage, Atlas de botanique parfumée(Arthaud), le célèbre parfumeur Jean-Claude Ellena, auteur de Terre d’Hermès, de Globe ou de l’Eau du navigateur, nous fait découvrir un peu de sa bibliothèque des odeurs, de sa palette de parfumeur. Illustré à la façon d’un herbier, c’est à la fois un livre d’histoire naturelle, un carnet de souvenirs et de voyages. Nez de la maison Hermès durant quatorze ans, il raconte ici la métamorphose, mystérieuse et surprenante, de certaines matières premières parfois malodorantes. Au gré de textes sur les racines, fleurs, sécrétions, ou feuilles, on devine aussi une histoire de la parfumerie, de son passé artisanal à son présent industriel. Et une histoire de ce sens longtemps ignoré, l’odorat.
Comment un «nez» traverse-t-il cette période de confinement avec masque ?
Mal, car exister, étymologiquement c’est sentir. Il y a encore 200 ans, le verbe sentir signifiait «comprendre par les sens», cela ne se limitait donc pas à l’odorat et représentait aussi une forme d’intelligence, une intelligence sensible, par le toucher, par l’ouïe. D’ailleurs aujourd’hui encore, sentire en italien se traduit par «entendre» en français. De même, en chinois, sentir signifie «écouter». Toutes ces déclinaisons étrangères disent à quel point l’odorat est un sens complexe qui nous permet d’appréhender la vie.
Si on perd l’odorat, un des symptômes du Covid-19, on perd beaucoup de ses facultés à apprécier la vie. L’odorat est essentiel dans sa relation à l’autre. Avant, on disait qu’on ne pouvait pas sentir quelqu’un pour dire qu’on ne l’appréciait pas. L’attirance olfactive au sein d’un couple est souvent inconsciente. Et quand il y a désamour, certaines odeurs deviennent insupportables et annoncent la fin d’une relation.
L’odorat est aussi une voie d’accès à la mémoire, et à une mémoire d’autant plus précieuse qu’elle porte sur des souvenirs qui n’ont pas été forcément verbalisés mais qui marquent des événements fondamentaux de notre vie. Quant au masque, il est sûrement utile mais il faut en changer souvent, sinon on finit par respirer nos propres miasmes.