Assis au bord du lit, le regard souriant, Philippe Cottereau attend le retour à sa vie normale. Ce début de soirée ensoleillé est le dernier que cet ancien de la RATP passera ici, dans cette chambre étroite du service de médecine physique et de réadaptation de l'hôpital Fernand-Widal, à Paris. Le retraité de 65 ans, le visage rond et la barbe blanche, est impatient de laisser derrière lui quatre mois d'hospitalisation. Son corps tremble encore, habité par le Covid-19 et trois semaines de réanimation. Son bras gauche est comme paralysé. "Je suis heureux, ça fait drôle de savoir qu'on a failli y passer", dit-il, ému. "Psychologiquement, aujourd'hui, c'est merveilleux par rapport à là où je suis passé."
Comme lui, de nombreux malades ayant survécu à la maladie après un séjour en réanimation en portent les traces physiques et psychiques. Ces séquelles sont "une menace réelle, dont l'importance reste mal évaluée", de l'avis de l'Académie nationale de médecine(fichier PDF). Ces patients, toujours dans "une longue convalescence", "sont intensément marqués", alerte-t-elle. "En plus de la récupération fonctionnelle des organes atteints, ils ont besoin d'un soutien psychologique".
Le centre hospitalier Gérard Marchant, spécialisé en psychiatrie, vient de publier son projet d’établissement pour la période 2020-2024. Avec des projets à destination des jeunes et des plus âgés.
La Covid-19 et le déclenchement du plan blanc ont retardé de quelques mois la publication du projet d’établissement de l’hôpital psychiatrique Gérard Marchant. Mais le contenu n’a pas changé, l’objectif est toujours de proposer une offre de soins psychiatrique publique la plus proche des patients, dans un contexte où les moyens financiers ne suivent pas la courbe croissante des besoins. Et où la Covid-19 aura encore des répercussions.
La crise du Covid-19 est l’occasion de mettre en évidence les insuffisances des établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes dans des situations d’urgence et de fin de vie, selon l’ancienne ministre.
Propos recueillis par Sandrine CabutPublié le 30 juillet 2020
Médecin spécialisée en cancérologie cutanée, Michèle Delaunay, 73 ans, a été députée (PS) de la Gironde de 2007 à 2012, puis ministre déléguée de François Hollande, chargée des personnes âgées et de l’autonomie, de 2012 à 2014.
Depuis 2016, elle préside le conseil d’administration de l’Institut de santé publique, d’épidémiologie et de développement (Isped) de l’université de Bordeaux. Son dernier ouvrage, Le Fabuleux Destin des baby-boomers (Plon), évoque les questions vertigineuses posées par le vieillissement et la perspective de la mort en série des 20 millions de personnes de la génération née entre 1946 et 1973.
Dès le début du confinement, vous avez alerté sur les dangers du virus dans les établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad), appelant à équiper en urgence le personnel, suggérant même aux familles qui le pouvaient de reprendre leurs proches avec eux. Pourquoi ?
D’abord pour soustraire autant que possible des résidents au chaudron de contamination que pouvait devenir un Ehpad et à l’isolement qui leur était imposé.
Utilisé à plein durant la pandémie, le vélo conforte son image de transport urbain idéal en 2020. Mais toutes et tous y accèdent-ils dans un espace public égalitaire ? Le vélo a-t-il un sexe ? Un âge ? Éléments de réponses et propositions de mesures grâce à une étude du géographe Yves Raibaud réalisée pour Bordeaux Métropole. Cette analyse fait partie des 10 contenus les plus lus sur notre site ces douze derniers mois.
Un avenir radieux est promis au vélo dans les villes qui se déconfinent dans l’inquiétude d’un rebond de l’épidémie. Distance sociale, plein air, usage individuel mi-loisir mi-utilitaire, il semble paré de toutes les vertus. Déjà vanté dans l’aménagement des villes et les bonnes pratiques du développement durable, il devient à présent un nouvel acteur de la lutte contre le Covid-19. Ainsi, après une opération similaire durant les grèves de cet hiver, l’État subventionne-t-il son achat en ce printemps létal où la peur de la contamination court les rues.
Déjà vanté dans l’aménagement des villes et les bonnes pratiques du développement durable, le vélo devient un nouvel acteur de la lutte contre le Covid-19.
Certains proposent l’idée que ce nouveau coronavirus pourrait agir comme un « opérateur » ou « actant »1 désorganisant et réorganisant le monde dans tous les aspects de la vie sociale. Mais dans nos sociétés, qui peut réellement faire du vélo ? Quels sont les freins à sa pratique ? Ne devrait-il pas aussi être interrogé comme un « opérateur hiérarchique » de genre ou d’âge, célébrant de façon invisible les pratiques des classes dominantes habitant le centre-ville ?
Michelle Perrot : «Selon un modèle hérité du XIXe siècle, la place des femmes a été invisibilisée» Illustration Sarah Bouillaud
Si, depuis plus d’un siècle, la situation des femmes dans la société occidentale a évolué, leur occupation dans l’espace public, encore très genré, reste au cœur des revendications féministes.
Il est des mots qui se conjuguent différemment au féminin et au masculin. Le mot «public», par exemple. «L’homme public, éminent sujet de la Cité, doit en incarner l’honneur et la vertu, écrit l’historienne Michelle Perrot. Dépravée, débauchée, la fille publique est une "créature", femme commune qui appartient à tous.» La phrase résume à elle seule la dissymétrie entre les places accordées aux femmes et aux hommes dans l’espace commun. Aux uns le Panthéon, aux autres le bordel.
Depuis le XIXe siècle, la situation a évidemment bien changé. Mais l’occupation de l’espace public par les femmes est plus que jamais au cœur des revendications féministes : le harcèlement de rue commence seulement à être reconnu, les équipements sportifs publics visent (et de fait rassemblent) avant tout des garçons, et l’urbanisme a toujours du mal à répondre au sentiment de vulnérabilité des femmes (selon l’Observatoire national de la délinquance et des réponses pénales, en 2018, plus de la moitié des femmes ont peur la nuit dans les transports en commun).
Aujourd’hui encore, l’espace public - la rue, comme l’agora politique - est imaginé par et pour des hommes. En février dernier, un avis de Conseil économique, social et environnemental (Cese) estimait que si l’espace public était «longtemps resté à l’écart des réflexions sur les inégalités de genre», il était «urgent» que les choses changent. Il proposait notamment d’encourager l’orientation des femmes dans les métiers de l’urbanisme, de fixer un objectif de parité dans l’attribution des noms des rues, de mieux éclairer la voie, de multiplier les bus avec des arrêts à la demande, etc. Michelle Perrot, pionnière de l’histoire des femmes, mais aussi spécialiste du monde ouvrier et de la prison, publie une nouvelle édition de son livre coécrit avec Jean Lebrun, la Place des femmes (Textuel). Dans sa version beau livre, l’ouvrage s’accompagne d’une centaine de tableaux, caricatures et photographies qui illustrent l’histoire de cette «difficile conquête de l’espace public» par les femmes.
Les femmes ont sans cesse dû batailler pour se faire une place dans l’espace public. Pourtant, aussi loin qu’on remonte, elles n’en ont jamais été totalement absentes…
Leur place a en effet été largement invisibilisée. Nous avons hérité d’un modèle très ségrégué mis sur pied au XIXe siècle dans la foulée de la Révolution française. Sous l’influence notamment de la pensée anglaise, les penseurs de la démocratie occidentale organisent l’espace selon une séparation public-privé. Dans l’espace public, les hommes sont au sommet. A eux la politique. Aux femmes, la maison, la famille, le privé - mais toujours, ne l’oublions pas, sous le contrôle des hommes.
A travers son expérience personnelle de la grossesse, la journaliste spécialiste en philosophie aborde, dans son dernier ouvrage, «l’Ordinaire», ces trois fois rien de la vie quotidienne dont il faut savoir se défaire.
Accoucher, revivre, changer de vie, refaire sa vie amoureuse ou professionnelle ? Cet été, Libération explore ces aurores de la vie, moments charnières pendant lesquels les individus naissent, donnent naissance ou renaissent à eux-mêmes. Quel qu’il soit, l’acte comporte une puissance régénératrice et dérangeante.
C’est un «objet hybride», à mi-chemin entre l’essai, la narration, le récit autobiographique. Dans son livre la Vie ordinaire (Gallimard), la philosophe et journaliste Adèle Van Reeth scrute ces «trois fois rien» et petits événements qui balisent notre existence, nous berçant dans une répétition confortable, parfois à la limite du supportable. Comme si le minuteur pour l’eau des pâtes prenait soudain la forme d’une bombe à retardement. Peu considéré par la philosophie, l’ordinaire n’est ni le banal, ni le quotidien, ni un concept, c’est un «rapport au monde». Dès lors, comment le saisir ? A travers des expériences personnelles comme celle de la grossesse, Adèle Van Reeth enquête sur les petites choses immuables du quotidien pour mieux s’en délivrer. Un combat contre le règne domestique pour naître à soi-même ?
Votre livre est d’un genre hybride, pour enquêter sur les«trois fois rien»de la vie, vous livrez beaucoup de votre vie personnelle.La Vie ordinairene pouvait-elle s’écrire qu’à la première personne ?
Je voulais être le plus intime possible mais je distingue la notion de vie intime et celle de vie privée. L’intimité, paradoxalement, est souvent le chemin le plus court vers l’universel : c’est quand on puise au plus profond de soi qu’on peut s’adresser à tout le monde. D’où le choix d’une narratrice qui dit «je» et qui incarne le cheminement intellectuel dans des expériences qui n’appartiennent qu’à elle mais interpelleront le lecteur dans sa propre intimité. C’est un parti pris philosophique auquel je tiens. Le propos n’est pas de dire «voilà qui je suis et ce que je pense», mais : «Suivez-moi dans mes expériences, car elles sont le seul moyen d’élucider un problème que je nomme dès le début du livre : l’ordinaire».
Une jeune Nanterrienne à mobilité réduite raconte le calvaire qu'elle subit dans son logement. Un problème qui illustre les pannes à répétition perturbant la vie des habitants de HLM.
Ferdaous Najar, en chaise roulante, au deuxième étage d’une tour qui en compte 16, ramène ses problèmes au rapport de force : le bruit médiatique est le chemin le plus court pour faire bouger un bailleur social trop occupé, peu pressé ou débordé. Elle nous a écrit un long message étayé. Jurisprudence d’hiver : une vidéo virale d’elle en début d’année lui a permis, assure-t-elle, de recevoir deux offres de relogement (qui ne convenaient pas) quelques semaines plus tard. Après plus de deux ans d’attente.
La séquence raconte sa vie à Nanterre quand l’ascenseur lâche. Sa mère qui tape aux portes des voisins pour savoir si ces derniers peuvent l’aider à la descendre – son matériel médical pèse autour des 100 kilos. Elle, l’immobilisée qui craint d’être virée de son service civique à Pôle Emploi si elle ne parvient pas à sortir de l’immeuble.
Ferdaous y voit quelque chose relevant du «tout ça pour ça» : décevoir un patron, après l’avoir convaincu d’être aussi compétente que n’importe qui, est une charge mentale aussi lourde que rageante. Certitude d’été : sans une responsable compréhensive, elle aurait fini à la porte, déroule-t-elle dans son salon. Soit une dépendance supplémentaire, celle à l’empathie.
Des moyens et des effectifs insuffisants. Des patients qui attendent une prise en charge depuis des mois. Voici ce que dénoncent des professionnels de la santé mentale dans la Nièvre. La problématique est nationale et le département n'est pas épargné.
Ils sont fatigués, frustrés de ne pas pouvoir exercer leur métier correctement et ils veulent en parler. Nos confrères du Monde s’en sont fait l’écho dans plusieurs articles ces dernières semaines : les professionnels de la psychiatrie, plus particulièrement dans le public, disent manquer de moyens. Moyens matériels, avec une baisse du nombre de lits (voir ci-dessous). Moyens humains surtout, avec des effectifs en baisse. Et ce alors que de nouveaux patients frappent à leur porte pour des pathologies développées avec le confinement. L’entonnoir se bouche, la pression monte et la Nièvre n’est pas épargnée. En témoignent plusieurs professionnels du département.
Cela fait des mois que des gens en souffrance n’ont pas de prise en charge.
« Depuis quinze ans, les effectifs ont baissé au CHS (centre hospitalier spécialisé, NDLR), que ce soit pour les infirmières, les psychiatres, etc. Et cela fait des mois que des gens en souffrance n’ont pas de prise en charge », constate Corinne, psychologue en centre médico-psychologique (qui dépendent du CHS). Les patients sont pris en rendez-vous par ordre d’arrivée de la demande. Certains attendent depuis octobre, soit neuf mois. « On se sent sous pression car on ne peut pas répondre aux besoins de la population. Même si on le fait bien avec ceux que l’on reçoit, on ne peut pas s’occuper des autres », regrette-t-elle.
Dès l’été 1940, de nombreux médecins sont victimes de la traque visant les francs-maçons et les juifs, organisée par les autorités de Vichy. Une douzaine d’entre eux, répertoriés par « Le Quotidien », sont morts en déportation, d’autres sont entrés en résistance. Cet été, « le Quotidien » retrace l'histoire de médecins qui se sont illustrés pendant la Seconde Guerre mondiale.
Loi du 16 août 1940 excluant de l’exercice médical les praticiens n’étant pas « né de père français »
Crédit photo : DR
« Nos lecteurs remarqueront l’effroyable proportion de juifs parmi les francs-maçons, qui dirigeaient le noyautage des professions médicales en France. » Extraite de « La médecine et les Juifs » – torchon éditorial publié fin 1940 et qui vaudra à son auteur, le Dr Fernand Querrioux de parader à l’exposition antisémite du Palais Berlitz en 1941 – la phrase ne vaut que pour l’anecdote, incidente dans un chapitre consacré à la « Collaboration judéo-maçonnique », figure de rhétorique obligée pour le champion de l’antisémitisme médical hystérique des débuts de l’Occupation.
Un jeune homme fuma de la marijuana. Pour cette étude, il faut être âgé entre 18 et 55 ans. [Photo d'illustration / ULISES RUIZ AFP].
La demande est insolite, le sujet est pourtant très sérieux. Dans le cadre d'une vaste étude dont le but est de mettre fin à l'addiction au cannabis, l'hôpital de Nancy, en Meurthe-et-Moselle, cherche des fumeurs réguliers de joints.
Les personnes désireuses d'arrêter leur consommation peuvent donc tenter le faire dans un cadre médical, tout en aidant la médecine à mieux comprendre les mécanismes de sevrage.
Pour participer, il faut avoir plus de 18 ans et vouloir stopper sa consommation.
A noter que ce n'est pas la première fois que le CHRU de Nancy se met en quête de fumeurs de cannabis puisqu'un appel similaire avait été lancé en 2018 puis en 2019, avant d'être répété le 28 juillet dernier.
Quels sont les effets réels du cannabis à long terme sur la santé ? C'est la question au cœur des Idées Claires, notre programme hebdomadaire produit par France Culture et Franceinfo destiné à lutter contre les désordres de l'information, des fake news aux idées reçues.
Le cancer est un véritable fléau qui fait des millions de victimes chaque année et contre lequel il n’existe pas encore de traitement vraiment efficace. Le cannabis pourrait cependant être la clé pour arriver à le combattre une bonne fois pour toutes ! Des scientifiques de l’Université de Newcastle en Australie se sont en tout cas sérieusement penchés sur cette piste intéressante.
Contrôler 12 facteurs de risque permettrait de prévenir ou retarder cette maladie neurodégénérative. Parmi les mesures les plus importantes : élever le niveau d’éducation et corriger une perte d’audition.
Prévenir la maladie d’Alzheimer ? Ce défi est devenu une perspective mesurable. L’enjeu est énorme. Dans le monde, quelque 50 millions de personnes souffrent aujourd’hui de cette démence liée à l’âge ; si rien n’est fait, elles devraient être 152 millions en 2050. Le coût global actuel lié à cette affection est estimé à mille milliards de dollars par an (850 milliards d’euros).
«La maladie d’Alzheimer n’est pas une fatalité. Certes, on ne peut en empêcher la survenue. Mais on peut repousser de plusieurs années l’apparition de ses symptômes. Au final, les gens mourront d’une autre affection – cancer, maladie cardio-vasculaire… – avant que ne se manifestent les troubles cognitifs et comportementaux liés à cette démence », explique Philippe Amouyel, professeur de santé publique et directeur général de la Fondation Alzheimer. Ces troubles ne surviennent que vingt à trente ans après le début du processus de dégénérescence du cerveau. On peut donc en freiner le développement en contrôlant les facteurs qui l’accélèrent.