Quand un tueur sème la terreur en ville ou quand un TGV déraille, le docteur Dominique Mastelli et sa Cellule d’urgence médico-psychologique (Cump) se rendent sur place avec les premiers secouristes : ils soignent les blessures intérieures. Ils sont évidemment présents sur le front du Covid-19.
Par Hervé de CHALENDAR
Le médecin pyschiatre Dominique Mastelli dans l’enceinte de l’Hôpital civil de Strasbourg : « Notre rôle, c’est de mettre les briques qui permettront aux victimes de créer un souvenir. De faire en sorte qu’elles dorment de nouveau sur leurs deux oreilles. » Photo L’Alsace /Jean-Marc LOOS
Strasbourg, 11 décembre 2018. Quand Dominique Mastelli arrive dans l’ellipse insulaire, en début de soirée, le tueur est en train de la quitter. Parmi toutes les scènes de l’attentat de Strasbourg qui occupent sa mémoire, le médecin-psychiatre raconte celle-ci : le cadavre d’un touriste thaïlandais dans le couloir d’un restaurant de la Petite-France et sa femme, à côté, en état de sidération. Totalement perdue, soudainement privée de tous repères. Indemne physiquement, mais souffrant d’une atroce blessure psychologique.
« Redonner du sens à l’insensé »
C’est pour soigner ces blessures intérieures que le docteur Mastelli et son équipe font toujours partie de la première ligne des secours. Depuis cinq ans, il dirige la Cellule d’urgence médico-psychologique du Bas-Rhin (Cump 67). Il la résume en une formule : « C’est le Samu psy ! »
Sur le porte-manteau de son bureau, dans un bâtiment centenaire de l’Hôpital civil de Strasbourg, un gilet fluorescent marqué « SAMU 67 médecin » attend la prochaine catastrophe. La Cump partira alors au quart de tour, adossée au Samu classique. Ses membres feront partie des secouristes d’urgence, parce que prendre en compte une personne, c’est gérer une dualité : un corps et un esprit. Ces psychiatres du front soigneront sur place, à la lumière des gyrophares, puis, durant les jours ou semaines qui suivront, bien après que le sang aura été nettoyé et que les plaies auront été bandées, ils écouteront des dizaines, des centaines ou des milliers de victimes dans le confort banal d’un bureau. Pour l’attentat de Strasbourg, la Cump 67 a vu 1200 personnes lors de 2200 consultations.