Par Catherine Vincent Publié le 7 avril 2020
RÉCIT Paroles de soignants (5/5). Frédérique Warembourg, 45 ans, psychiatre au CHU de Lille et responsable de la cellule d’urgence médico-psychologique du Nord, raconte au « Monde » ce que le personnel médical lui dit de la crise sanitaire.
Mardi 24 mars. La semaine dernière, j’ai mis la psychiatrie ambulatoire entre parenthèses. J’ai fait annuler toutes les consultations programmées et je me suis concentrée sur la cellule d’urgence médico-psychologique (CUMP). Lors d’un événement grave ayant un impact collectif – un attentat, un accident du travail dans une entreprise, un suicide dans une institution –, les CUMP ont pour rôle d’apporter leur soutien. Dans la crise sanitaire actuelle, les soignants qui ont en charge des patients atteints par le Covid-19 vont en avoir besoin. La période est très anxiogène pour eux, surtout en réanimation. Leur service a été totalement réorganisé, ils vont voir des gens mourir et, le soir, lorsqu’ils rentrent chez eux, ils se demandent s’ils ne vont pas ramener le virus à la maison. Mon mari et mes deux adolescentes sont confinés et, tous les soirs, moi aussi, j’ai cette inquiétude.
En quelques jours, la plate-forme téléphonique d’écoute a été mise en place, avec un numéro unique. Nous reprenons également les appels « psy » du SAMU, pour le soulager un peu. Il y a dix postes, six pour les soignants, quatre pour la régulation SAMU. Les psychologues, les psychiatres, les infirmiers de psychiatrie du CHU qui se sont portés volontaires se relaient pour répondre aux appels. Les postes sont espacés de plus d’un mètre les uns des autres, il y a du gel hydroalcoolique et des lingettes pour les désinfecter. On s’attend à ce que le nombre des appels augmente progressivement. Mais encore faut-il que les soignants en prennent le temps ! On sait bien que dans le feu de l’action, on a du mal à se poser. A se préserver nous-mêmes, alors que c’est essentiel.