Dans le quartier de Kreuzberg à Berlin, samedi. Photo David Gannon. AFP
Antoine Flahault, épidémiologiste, tire les premières leçons de la pandémie qui frappe la planète et esquisse des perspectives sur la possibilité d’en sortir au mieux.
Professeur de santé publique à l’Université de Genève, l’épidémiologiste Antoine Flahault pilote l’Institut de santé globale. Il a notamment coordonné la lutte contre l’épidémie de chikungunya qui avait frappé 40% de l’île de la Réunion entre 2005 et 2006 et dirigé, en France, l’Ecole nationale de santé publique. Il est également le coordinateur de l’ouvrage Des épidémies et des hommes (1).
Que nous dit la pandémie du Covid-19 sur notre planète ?
Elle démontre la vulnérabilité mais aussi l’interconnectivité des habitants de la Terre. Le nouveau virus a été disséminé sur tous les pays en moins de trois mois. Il a entraîné en certains endroits des épidémies dévastatrices, mettant à mal l’ensemble du système de santé des pays parmi les plus riches de la planète. Et au-delà, il menace la stabilité sociale, politique et économique des Etats, localement et internationalement. Plus que jamais, la solidarité des peuples est mise à l’épreuve. Mais l’entraide et l’empathie vis-à-vis de ceux qui souffrent dans leur corps ou pour leurs proches sont essentielles dans ces moments singulièrement difficiles.
En quoi cette pandémie est-elle exceptionnelle, ou pas, dans l’histoire de l’humanité ?
La dernière pandémie qui a marqué profondément la mémoire collective remonte à un siècle. La grippe espagnole, même si ce terme n’est pas exact car elle venait des Etats-Unis et non d’Europe. Depuis, nous avons connu d’autres pandémies de grippe, en particulier en 1957 et en 1968. Mais personne ne s’en souvient vraiment. La pandémie du sida a, elle, secoué le monde à partir des années 1980, et continue à faire des ravages (32 millions de victimes, 770 000 morts en 2018, ndlr), mais elle est de nature différente. Le virus s’avère transmissible mais pas contagieux, sans contamination par voie respiratoire, comme l’est ce nouveau coronavirus. On se retrouve donc aujourd’hui confronté à un virus respiratoire qui se comporte un peu comme le virus de la grippe espagnole, qui entraîne en grande partie des symptômes bénins. Sauf que chez 15% ou 20% des personnes infectées, la maladie entraîne des insuffisances respiratoires nécessitant l’hospitalisation. Et chez 5% à 10% des cas, un placement en soins intensifs, parfois suivi d’un décès. Nous voilà face à un virus qui a le potentiel de rapidement saturer l’ensemble du système de santé, et risque d’engorger nos urgences et nos sas de réanimation équipés de ventilateurs.