Indissociable de l’histoire des femmes, le rouge à lèvres est aussi une arme de résistance et d’émancipation.
En 1912, des milliers de suffragettes défilent devant le salon new-yorkais d’Elizabeth Arden, qui a ouvert deux ans auparavant. La fondatrice de la marque soutient les droits des femmes et se joint à la cause en distribuant des tubes de rouge à lèvres aux manifestantes. À la tête du mouvement, Elizabeth Cady et Charlotte Perkins Gilman, qui adorent le rouge à lèvres parce qu’il choque les hommes, et les suffragettes adoptent massivement cette couleur audacieuse, qui devient un signe de rébellion et de libération.
Pour le psychiatre Bruno Boniface, face à l’épidémie, les soignants sont soumis à une forte pression psychologique.
Bruno Boniface est psychiatre au CHU de Bicêtre (Val-de-Marne). Pour Libération, il évoque les risques quant à l’exposition du personnel soignant au surcroît de travail, de stress, de pénuries et, surtout, de décès.
A l’hôpital Tenon à Paris, jeudi.Photo Julien de Rosa. EPA-EFE
De Paris à Cayenne en passant par Ajaccio ou Lyon, paroles de «héros» au front dans les hôpitaux. Des hommes et des femmes parfois déjà débordés ou qui se préparent avec inquiétude mais sens du devoir à une déferlante de patients.
Depuis maintenant trois jours, sur les coups de 20 heures, les Français confinés les applaudissent depuis leurs fenêtres. Ces remerciements et encouragements, pour le moins bienvenus, mettent sans aucun doute du baume au cœur des personnels des hôpitaux. Toujours est-il qu’à l’heure où le Covid-19 se déploie en France et mobilise toujours plus de lits dans les services de réanimation, c’est la certitude de temps à venir particulièrement tendus et difficiles qui s’impose chez tous ces soignants.
Cette appréhension découle du caractère inédit de l’épidémie en cours et est accrue par le manque de moyens de protection (masques, gants, gel hydroalcoolique) et de matériel (respirateurs artificiels). Ce stress maximal s’ajoute à la fatigue qui préexistait au Covid-19, chez des personnels déjà en flux tendu à cause des économies budgétaires. Voilà ce que racontent les soignants des hôpitaux dont Libération a recueilli les témoignages, à travers la France.
A l’hôpital Edouard-Herriot, à Lyon, tout le monde se prépare à l’arrivée d’un afflux de patients atteints du Covid-19. « C’est un peu le calme avant la tempête, on s’attend à une énorme vague », raconte Lucas Reynaud, interne au service de réanimation, et à la tête du Syndicat autonome des internes des hôpitaux de Lyon. « Les voisins de la Croix-Rousse commencent à se remplir, ce sera bientôt notre tour », confie le jeune homme en neuvième année. Comme ses camarades internes, étudiants en médecine en fin de cursus et déjà en responsabilité dans les hôpitaux, il vit la crise du coronavirus aux avant-postes.
« On a un peu peur, mais on se dit qu’on fait ces études pour ça, pour vivre ces périodes, confie l’interne de 30 ans. Je suis urgentiste, on va vraiment servir à quelque chose. » Un « pool » est déjà prêt à relayer en cas de besoin : 300 internes ont répondu à l’appel lancé par les Hospices civils de Lyon, rapporte-t-il, « il y a énormément de solidarité ». Lui enchaîne les réunions et les formations, par exemple pour être prêt à intuber avec l’habillement de protection. « C’est comme si on intubait en portant une armure… », décrit-il.
Prenant le pas de la contrôleuse des prisons, syndicats et associations pressent le gouvernement d’agir en libérant « un maximum » de détenus, afin d’éviter une crise aussi bien sanitaire que sécuritaire.
Le Monde avec AFPPublié le 19 mars 2020
« Il y a urgence » dans les prisons françaises. De nombreux chercheurs, magistrats et avocats s’expriment dans une tribune publiée par Le Monde, jeudi 19 mars, pour alerter, à leur tour, le gouvernement sur la dangereuse situation carcérale en période d’épidémie de Covid-19. « Il y a urgence à agir pour diminuer la pression carcérale et permettre l’application, dans les maisons d’arrêt, des consignes élémentaires et impératives d’hygiène et de distanciation sociale. Pas demain. Pas la semaine prochaine. Aujourd’hui », écrivent les signataires.
Seniors isolés, couples en union libre, célibataires ou parents divorcés, dix millions de Français vivant seuls se préparent à vivre plusieurs semaines de confinement en tête-à-tête avec eux-mêmes. Témoignages.
Elle ne déambule plus devant sa maison. Elle ne croise plus ses voisins pour parler du beau temps ou des premiers bourgeons sur les arbres fruitiers. Elle n’a plus de visites, plus de petits ou arrière-petits-enfants à embrasser. Comme dix millions de Français qui vivent seuls – qu’ils soient jeunes ou âgés, célibataires ou séparés –, Suzanne Gournay commence à vivre une période inédite, sans contact physique avec le monde extérieur. Elle ne sait pas encore si le confinement est compatible avec la solitude, si cet isolement en solitaire ne va pas finir par l’oppresser.
Suzanne Gournay est la doyenne de Pesmes, petit bourg de 1 000 habitants situé en Haute-Saône, entre Besançon et Dijon. Elle fêtera ses 100 ans cette année. En 99 ans d’existence, elle n’avait jamais rien vécu de pareil : « J’ai connu l’Occupation, le rationnement, le couvre-feu… Mais même pendant la guerre, on pouvait circuler. Le confinement est un mot que j’ignorais totalement. »
La pédopsychiatre au CHU Saint-Eloi de Montpellier Nathalie Franc a répondu à vos questions dans un tchat du « Monde » à propos de la gestion des enfants et adolescents en cette période de confinement.
Publié le 19 mars 2020
Depuis mardi 17 mars, tous les habitants de France sont confinés chez eux. Nathalie Franc, pédopsychiatre au CHU Saint-Eloi de Montpellier, a répondu, dans un tchat du Monde, à vos questions à propos de la gestion des enfants et des adolescents en cette période de confinement.
« Nous sommes face à une situation inédite et presque irréaliste, nous n’avons pas les clés ou l’expérience dans notre pays. Ce qui semble le plus important à ce stade est que les parents puissent prendre soin d’eux, gérer leur propre stress et ne pas se mettre trop de pression sur la dimension éducative habituelle, afin de préserver aussi leur énergie et leur moral. »
FX : Conseillez-vous de garder pour les enfants les mêmes horaires qu’a l’école, ou de les adapter ?
Je pense que l’on peut faire preuve de plus de souplesse que d’habitude, inutile de les lever aussi tôt ou de les réveiller, et mieux vaut pour le coup s’adapter à leur rythme, donc on adapte ! On sait qu’habituellement les enfants avec le rythme de l’école, ou du collège, se réveillent trop tôt et sont souvent en manque de sommeil, donc on peut être plus souple à ce niveau-là, c’est important pour eux… et les journées sont longues !
Ils s'aiment, veulent rester en contact, mais aussi respecter les consignes de sécurité pour ne pas propager le Covid-19. Ils ont donc trouvé cette astuce pour aller faire leurs courses : se tenir la main via un bout de bois. C'est le coup de cœur de France Bleu Provence.
Les amoureux qui s'bécotent sur les bancs publics, comme le chantait Brassens, on n'en voit plus guère en cette période de confinement où il faut montrer patte blanche pour sortir de chez soi, mais est-il toujours autorisé d'embrasser son amoureux sur la voie publique ? Nous ne manquerons pas de poser cette question aux autorités.
Après trois états des lieux successifs sur l'épidémie ces deux dernières semaines, Laurent Lagrost, Directeur de recherche à̀ l’INSERM et Didier Payen ancien chef du service d'anesthésie-réanimation de l’Hôpital Lariboisière à Paris lancent un appel pour un dépistage de la population à grande échelle. Ils estiment que les précédents coréens et italiens y encouragent. Et que cette solution est techniquement réalisable. Couplé au confinement, le dépistage serait, à leurs yeux, la bonne réponse face à l'urgence de la situation.
Crédit photo : VOISIN/PHANIE
Face à l’urgence de la situation et avec la volonté de contribuer à la lutte contre le SARS-CoV-2, nous lançons ici un appel à tous les acteurs de la santé publique de notre pays. Nous devons réfléchir et travailler, sans attendre, à la mise en place dans les laboratoires de biologie médicale d’une solution de dépistage de nature à pallier à l’absence de kits commerciaux en nombre suffisant pour dépister largement le virus de la Covid-19 au sein de la population de notre pays.
Alors que l’Italie vient de franchir la barre des 2 900 morts et des 35 000 cas déclarés depuis le début de l’épidémie de Covid-19, le Pr Alessandro Vergallo, président de l’association syndicale des réanimateurs et anesthésistes (AAROI-EMAC), qui représente 10 000 spécialistes italiens, brosse un état des lieux complet de la situation pour « Le Quotidien ». Il s'inquiète du risque de pénurie d'équipements de protection qui contribue à fragiliser psychologiquement la profession et fait le point autour de la polémique sur le triage des malades. « Les anesthésistes-réanimateurs n’ont abandonné aucun patient », martèle-t-il.
LE QUOTIDIEN : Quelles sont les conditions de travail de vos confrères actuellement en première ligne ?
Avec la propagation du virus, notamment dans les régions les plus touchées par l’épidémie comme la Lombardie, nous sommes au bord de la rupture en termes de rythme et de conditions de travail.
En Lombardie, le nombre de lits en réanimation a été doublé depuis le début de la crise. En temps normal, tous les lits ne sont pas occupés. Avec le nombre croissant de patients placés en soins intensifs et l’augmentation des lits, la charge de travail des anesthésistes-réanimateurs a augmenté de 80 %.
L'explosion du nombre de formes sévères de maladie Covid-19 risque d'obliger les soignants à faire des choix, à hiérarchiser et trier les malades. Comment ? Sur quels critères ? Quelle peut être la place de l'éthique ? Éléments de réponse avec Emmanuel Hirsch, professeur d'éthique médicale (université Paris Saclay) et directeur de l'espace éthique d'Ile-de-France.
LE QUOTIDIEN : Le tri en médecine n'est pas une situation inédite. En quoi la pandémie de la maladie Covid-19 place-t-elle les soignants dans des dilemmes particulièrement difficiles ?
EMMANUEL HIRSCH : Les équipes de réanimation savent en effet comment hiérarchiser une situation selon des critères fondés sur l’Evidence-based-medecine, tout en assurant une approche au cas par cas.
En outre, jamais elles ne précipitent de décision (de limitation ou d'arrêt de traitement, par exemple), surtout lorsque la famille d'un patient hors d'état de s'exprimer montre des réticences. On cherche le consensus et la convergence des points de vue, on crée les conditions de l'acceptation d'une décision médicale.