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jeudi 21 novembre 2019

Inégalités, immigration, travail des femmes… cinq chiffres qui en disent long sur la société française

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Par Ingrid Feuerstein  Publié le 20 nov. 2019 

L'Insee a publié, mardi dans son « portrait social », une série de statistiques éclairantes sur l'évolution de la société française depuis quarante ans. Bien souvent, les Français se disent pessimistes face à une situation qui ne s'est pas tant dégradée que cela.

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Des Français qui vivent mieux et en meilleure santé mais qui s'inquiètent davantage pour l'avenir : tel est  le portrait que dresse l'Insee de la société française d'aujourd'hui , comparée à celle des années 1990. Voici cinq données emblématiques qui en disent long sur cette évolution :

· Les femmes ont pris l'ascenseur social

Bloqué, l'ascenseur social ? Pas pour les femmes, qui ont connu une forte mobilité sociale depuis les années 1970. En 2015, 71 % des femmes françaises âgées de 35 à 59 ans, actives ou anciennes actives occupées, relèvent d'une catégorie socioprofessionnelle différente de celle de leur mère. C'est 12 points de plus qu'en 1997. Par rapport à leur père, le taux de mobilité sociale des femmes a augmenté, mais plus modérément. Au global, la mobilité sociale des femmes a progressé davantage que celle des hommes, qui est restée stable par rapport aux années 1970. Pour tout le monde, les mobilités ascendantes restent plus fréquentes que les mobilités descendantes, mais  la transmission des inégalités sociales a tendance à stagner depuis les années 1990 .
Les femmes ont connu une ascension sociale plus marquée que les hommes depuis les années 1970.
Les femmes ont connu une ascension sociale plus marquée que les hommes depuis les années 1970.
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Le vieillissement va transformer le marché du travail

Sous l’effet de l’allongement de l’espérance de vie, la part des seniors dans la population active va augmenter. Une révolution à laquelle les entreprises, comme la formation, sont encore peu préparées.
Par   Publié le 21 novembre 2019
OLIVIER BONHOMME
Planète grise (4/6). Quelque chose de Robocop, ou bien d’une nouvelle d’Asimov : à première vue, ces étranges accoutrements semblent tout droit sortis d’un classique de science-fiction. Sur l’un des modèles, deux structures métalliques plaquées aux jambes aident à porter des poids élevés. Sur l’autre, une demi-armure fixée aux épaules facilite les mouvements vers le haut, tout en soutenant la nuque.
« Nous testons ces exosquelettes dans de nombreuses usines, comme celle de Munich : ils soulagent les ouvriers effectuant des tâches répétitives sur les chaînes d’assemblage », explique Christin Hölzel, responsable des questions ergonomiques chez BMW. Objectif : protéger au mieux leur santé. En particulier celle des seniors, afin de leur permettre de conserver leur poste aussi longtemps que possible.
Audi, Daimler, Volkswagen : aujourd’hui, la plupart des groupes industriels allemands déploient des technologies similaires, tout en révisant leur organisation du travail pour simplifier le quotidien des salariés les plus âgés.
« Ils ont compris qu’ils n’avaient pas tellement le choix, souligne Hannes Zacher, spécialiste de l’organisation du travail à l’université de Leipzig. Du moins, s’ils veulent être en mesure d’affronter le déclin à venir de la population active. »
Selon une étude du cabinet Deloitte menée auprès de 11 000 entreprises dans le monde, la moitié d’entre elles n’ont rien prévu pour accompagner les salariés de plus de 55 ans
Celui-ci s’annonce vertigineux. D’ici à 2050, l’Allemagne, 83 millions d’habitants aujourd’hui, perdra 11 millions de personnes en âge de travailler, selon la Fondation Robert-Schumann, tandis que la population active de l’Union européenne (UE, 513 millions d’habitants) fondra de 49 millions d’individus. « C’est la double conséquence du vieillissement et de l’allongement de l’espérance de vie : nous allons travailler plus longtemps, et pas seulement pour financer nos retraites, résume Martin McKee, professeur de santé publique à la London School of Hygiene and Tropical Medicine. A condition de pouvoir le faire dans de bonnes conditions. » Et que des aménagements soient prévus pour ceux qui, en raison de la pénibilité de leur emploi, ne seront pas en mesure de le faire.
Problème : à l’exception de quelques pionniers de l’automobile allemande, très peu d’employeurs sont préparés à cette révolution grise. Selon une étude datée de mars 2018 du cabinet Deloitte menée auprès de 11 000 entreprises dans le monde, la moitié d’entre elles n’ont rien prévu pour accompagner les salariés de plus de 55 ans.

Observatoire sociétal des cancers : l'annonce du diagnostic, un moment clé dans le parcours de soins

PAR 
CHARLÈNE CATALIFAUD -  
PUBLIÉ LE 20/11/2019

Crédit photo : S. Toubon
Le diagnostic de cancer n'est pas annoncé par un médecin pour 10 % des patients. C'est ce que montre l'enquête de l'Observatoire sociétal des cancers sur le parcours de soins. L'ensemble des résultats ont été présentés ce 20 novembre lors d'une journée organisée par la Ligue contre le cancer à l'occasion des 10 ans de l'Observatoire.
« Nous nous sommes intéressés au vécu du parcours de soins, une thématique particulièrement transversale qui permet de participer au bilan des mesures mises en œuvre dans le cadre du Plan cancer 2014-2019 », indique Lucie Vialard-Arbarotti, chargée de mission pour l'Observatoire sociétal des cancers. « De plus, poursuit-elle, il se développe en France le concept d'expérience patient et une volonté de faire participer les usagers du système de soin à l'évaluation de son organisation. »

«Il faut réformer le système»

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SUISSE

Mauro Poggia veut réformer le très critiqué système d’expertise psychiatrique familiale. Malgré des conclusions positives, un audit laisse entrevoir de potentiels graves dysfonctionnements.

Des drames et des larmes. C’est souvent le lot des personnes qui divorcent, notamment lorsque la séparation est conflictuelle et que les enfants sont pris dans la tempête. A Genève, ces sentiments seraient plus exacerbés qu’ailleurs. En cause, un système d’expertise psychiatrique familiale jugé dysfonctionnel, conduisant trop souvent à des placements en foyer ou à écarter un des parents. A titre d’exemple, 464 enfants ont été placés en foyer en 2018 sur décision de justice, souvent motivées par ces expertises. Cette réalité pose la question des «experts-arbitres» qui se substituent parfois à la justice. Malgré deux audits concluant à la bonne marche de ce dispositif, Mauro Poggia, conseiller d’Etat de tutelle des Hôpitaux universitaire genevois – dont dépend en partie le Centre universitaire romand de médecine légale (CURML) –, souhaite réformer le système, répondant ainsi aux griefs de parents se sentant lésés.



Aider les couples et les familles à naviguer dans le brouillard d'une maladie sévère et chronique

QUEBEC

[...] INTRODUCTION
« Le traitement fut un succès, mais le patient est mort ».
Cet aphorisme reflète les caractères complexe et multidimensionel inhérents à la prise en charge des troubles psychiatriques. Même si l’on parvient à traiter efficacement la maladie de notre patient, les familles peuvent souffrir de dommages irréparables de l’accumulation de tensions psychosociales.
Entre autres, au moyen de vignettes de cas couramment rencontrés dans notre pratique, Dr Rolland adressera un ensemble de concepts issus de la thérapie systémique et offrira des trucs concrets et utiles, immédiatement applicables auprès des couples et les familles dont font partie nos patients.
Dr Rolland est un conférencier apprécié qui sait rendre le contenu attrayant et accessible. Toutes ses conférences sont personnalisées aux besoins de l'auditoire.
Il décrira son Family System Illness Model qu’il a développé et enrichi au décours de son expérience clinique, de ses recherches et de sa propre expérience de la maladie. Son modèle intégratif est basé sur la résilience familiale et est orienté vers la prévention afin de favoriser une adaptation psychosociale saine.
Notamment, le Family System Illness Model permet d'adresser, de façon synthétique et claire, les besoins psychosociaux d’une famille, en fonction de l’histoire naturelle de la maladie, soit : 
- Le début de la maladie : Aigu? Graduel ?
- L'évolution : Progressif ? Constant ? À rechutes/cyclique ?
- Le pronostic : Fatal ou n’affectant pas l’espérance de vie ?
- L’atteinte fonctionnelle : Maladie invalidante ou n’affectant pas le fonctionnement ?

À travers les années, des thérapeutes issus de milieux de pratique diversifiés, de cultures différentes se sont inspirés de ce cadre conceptuel dans leurs interventions auprès des couples et des familles mis à l’épreuve par des maladies sévères et chroniques.

« Tu sais, papa, il a tué ma mamie et ma maman » : l’enfance effacée des orphelins de féminicides




Fanny, 21 ans, fille d’une victime de féminicide, chez elle à Montpellier. Le lendemain de Noël 2018, son père a tué sa mère.
Fanny, 21 ans, fille d’une victime de féminicide, chez elle à Montpellier. Le lendemain de Noël 2018, son père a tué sa mère. CAMILLE GHARBI POUR LE MONDE
En 1983, Chloé Delaume a 9 ans. Ce jour-là, c’est l’été, les valises sont chargées dans la voiture. A la rentrée, il est prévu que maman quitte papa, un homme violent et sadique. Chloé boit un jus de fruits avant de partir en vacances avec son grand-père. Dans la cuisine, son père abat sa femme à bout portant. Il vise ensuite sa fille, puis se ravise et met le canon dans sa bouche. « Sur sa joue gauche, l’enfant reçut un fragment de cervelle », écrit-elle dans Le Cri du sablier (Editions Léo Scheer, 2001, Prix décembre).
Le livre commence ainsi. La police vient d’entrer. « Les hommes nombreux forcèrent la porte (…) . Leurs semelles dans les flaques, ils investirent le crime. (…) Ce n’est pas un spectacle pour les enfants, conclurent-ils de concert. (…) La voisine du dessus m’exposa dans sa chambre (…). Un par un, ils entrèrent dans la pièce. Et commentèrent l’orpheline, étonnant spécimen. »

Troubles de l’audition : des avancées scientifiques majeures face à un défi de santé publique




Paris, le samedi 23 novembre 2019 – Trop souvent méconnue, la prise en charge des troubles de l’audition est un enjeu de santé publique majeure face d’une part au vieillissement de la population et d’autre part à l’augmentation de l’exposition au bruit dans nos sociétés contemporaines. Face à ce défi, les progrès de la recherche fondamentale et appliquée ont été ces dernières années spectaculaires. Nous revenons avec le professeur Christine Petit (Institut Pasteur), présidente de l’Institut de l’audition tout à la fois sur cet enjeu de santé publique que sur les avancées scientifiques récentes qui ouvrent la voie à des traitements prometteurs.
JIM.fr : Pouvez-vous nous rappeler l’enjeu de santé publique que représentent les atteintes de l’audition ?
Professeur Christine Petit (Institut Pasteur) – Il faut qu’il y ait une prise de conscience de l’ampleur de ce problème médical et social. Les atteintes de l’audition touchent tous les âges. Chez l’enfant, ce sont surtout des atteintes héréditaires, rares, mais qui conduisent souvent à des surdités profondes. Spontanément, l’enfant n’acquiert pas le langage. On a ensuite des problèmes chez les jeunes avec l’utilisation insuffisamment contrôlée des baladeurs qui fait que ces jeunes sont soumis, dans le cadre récréatif en particulier, à des énergies sonores beaucoup trop élevées. Sur ce point, l’Organisation mondiale de la Santé tire la sonnette d’alarme en signalant qu’il y a sur cette planète plus d’un milliard de jeunes qui sont exposés au risque de perte de l’audition, qui deviendra invalidante, en raison de la surexposition sonore. Il y a un véritable problème d’une manière générale, car il y a une pollution sonore considérable dans les mégapoles. Or, on estime que d’ici 2030, 85 % de la population mondiale vivra en ville et pour beaucoup, surtout dans les pays en voie de développement, dans des villes surpeuplées dans lesquelles le niveau sonore n’est pas contrôlé.
S’ajoute à ces points majeurs, la presbyacousie, la perte auditive liée à l’âge, qui touche un tiers de la population au-delà de soixante ans. Elle débute généralement après 50 ans, avec deux phénomènes prégnants : l’existence de troubles de la communication (classiques avec les troubles de l’audition), mais surtout une perte des fonctions cognitives qui est accélérée. On n’en comprend pas tout à fait la raison mais il est clair que devenir malentendant porte atteinte aux fonctions cognitives, accélère véritablement le vieillissement cognitif. C’est un problème majeur.

Le bruit : ennemi public numéro 1

Il y a donc un gros effort à faire qui s’impose. Le principal agresseur du système auditif c’est le bruit ; le bruit soutenu, l’énergie (soit le niveau multiplié par le temps) sonore élevée.

« Des fast-foods médicaux » à l'AP-HP... les praticiens des centres de santé dénoncent les consultations externalisées

PAR 
MARTIN DUMAS PRIMBAULT 
PUBLIÉ LE 22/11/2019

Crédit photo : PHANIE ET S.Toubon
L'Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP) a lancé mi-octobre un appel à candidature visant à la création de centres de soins non programmés tenus par des médecins de ville et accolés à des services d'urgences. L'objectif ? Proposer « aux patients qui relèvent principalement de la médecine générale et qui se dirigent vers un service d’urgences alors que leur état de santé ne le nécessite pas » d'être réorientés « s’ils l’acceptent, vers des consultations de médecine générale non programmées ».

Méta-analyse : il n’y a pas pire système, mais nous n’en connaissons pas de meilleur ?




Londres, le samedi 23 novembre 2019 – A l’exception de quelques esprits marginaux et décalés, la grande majorité de la communauté médicale est convaincue que la médecine doit être fondée sur les preuves. C’est-à-dire qu'elle doit s’appuyer sur des recommandations adoptées par des sociétés savantes certifiées qui elles-mêmes reposent sur des travaux concordants dûment publiés dans des revues à comité de lecture, dont la relecture par les pairs garantit le sérieux et la cohérence.

Fraudes intéressées à tous les étages

Un édifice parfait s’il n’était truffé de failles qui conduisent régulièrement à remettre en cause ces preuves et qui donnent du crédit à de nombreuses critiques, même quand elles sont en réalité mues par des intérêts très différents que l’établissement de la vérité scientifique. Classiquement, les preuves sur lesquelles se fondent les autorités médicales pour établir leurs recommandations sont issues de méta-analyses et des revues systématiques réalisées par les institutions les plus fiables en la matière. Cependant, ces revues systématiques sont entachées de nombreux biais.
D’abord, les risques de conflits d’intérêt sont régulièrement signalés et face à des sujets tels que la vaccination de masse ou la supplémentation de certaines populations, ils sont susceptibles d’être tout à la fois fréquents et prégnants et en même temps difficiles à réellement dépister. De fait, la protection d’un groupe de population est d’une importance telle qu’il peut être périlleux de remettre en cause le bien-fondé d’une campagne au motif qu’il existe des liens d’intérêt avec les auteurs d'un travail, liens d’intérêt difficilement évitables compte tenu de l’enjeu et qui donc ne peuvent à eux seuls totalement remettre en cause l’efficacité et l’innocuité d’une pratique de masse. Néanmoins, le nombre de personnes concernées est tel que les intérêts financiers sont tout autant importants et que l’on ne peut nier qu’ils aiguisent des appétits qui pourraient potentiellement faire passer au second plan la santé publique. En tout état de cause, l’existence de liens d’intérêt fonctionne comme un élément de blocage complexe : elle permet la remise en cause, de manière éthiquement légitime, mais sur des fondements non scientifiques et médicaux, de programmes qui pourraient pourtant être efficaces.
Parallèlement aux liens d’intérêts, les travaux sont également minés par les fraudes, fraudes favorisées par le système de financement de la recherche qui incite à la publication et qui peut conduire certaines équipes à maquiller leurs données ou à les gonfler artificiellement, faisant passer leurs travaux par exemple pour des essais randomisés, quand ils n’en remplissent nullement les critères.

Trouver la faille

Liés à ces liens d’intérêts (qui entacheraient par exemple la crédibilité des méta-analyses du groupe Cochrane à propos de la vaccination HPV) et à ces fraudes, les doutes rejaillissent sur la constitution même des méta-analyses.
Par ailleurs, la qualité des études incluses peut être sujet à caution, soit parce qu’elles sont décalées par rapport à la réalité clinique, soit parce qu’elles manquent de robustesse statistique. Or, en se concentrant sur ces éléments, l’ensemble d’une méta-analyse peut être discréditée, même quand certaines des motivations des opposants ne sont probablement pas toutes liées à la rigueur scientifique. Ainsi, les méta-analyses soulignant les risques liés aux traitements hormonaux substitutifs sont régulièrement remises en cause en France par ceux qui prétendent que les travaux inclus ne correspondent pas à la réalité des patientes françaises. Or, ces critiques sont formulées par des personnalités qui défendent par ailleurs la nécessité d’un accompagnement des patientes au moment de la ménopause. N’utilisent-elles pas à leur profit la critique d’une faille (peut-être vénielle, voire inexistante) des méta-analyses en question pour assoir leur position ? De la même manière, récemment, des chercheurs ont remis en cause la pertinence des travaux affirmant la dangerosité d’une sur consommation de viande, observant la faible significativité statistique des études utilisées et l’existence de biais. Néanmoins, n’est-il pas possible de considérer que ces méta-analyses s’inscrivent dans un contexte fort d’éléments (physiologiques et  épidémiologiques) concordants ?

Laura Mulvey: «L’image de la femme ne changera pas, tant que les femmes ne contrôleront pas la machine»

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Laura Mulvey: «L’image de la femme ne changera pas, tant que les femmes ne contrôleront pas la machine»
Laura Mulvey: «L’image de la femme ne changera pas, tant que les femmes ne contrôleront pas la machine» Illustration Fanny Michaëlis

Inventeure du concept de «male gaze», qui théorise le fait que le cinéma est conçu quasi exclusivement selon une perspective d’homme hétérosexuel, imposant aux spectateurs une vision du monde purement masculine, la cinéaste et féministe britannique, qui prône l’avènement d’un «regard féminin», poursuit sa déconstruction de l’industrie du film et décrypte, dans un ouvrage de 1996 enfin traduit en français, les liens entre marchandise et image du corps.

Laura Mulvey
Pour faire vaciller le cinéma français, rien de plus simple qu’une paire de mots. Il y a #MeToo, qu’on ne présente plus. Et il y a «male gaze», ou regard masculin, concept devenu un classique de la déconstruction genrée des films, qui a resurgi au moment où le milieu s’interroge sur sa violence structurelle. Forgée en 1975 par la Britannique Laura Mulvey (photo DR) dans un essai retentissant, Au-delà du plaisir visuel, mêlant théorie du cinéma, féminisme et psychanalyse, l’expression révélait une évidence devenue invisible à force de crever les yeux : le cinéma impose à ses spectateurs d’adopter une perspective d’homme hétérosexuel. L’idée a mis du temps à traverser la Manche - la version intégrale du texte n’a été traduite qu’en 2018 - et ces jours-ci paraît la traduction d’un autre ouvrage passionnant de Laura Mulvey, Fétichisme et curiosité (éd. Brook), datant de 1996, où elle pointe notamment les liens entre fétichisme des corps et de la marchandise. La cinéaste (1) et universitaire y revient plus longuement sur le regard de la spectatrice, dont la curiosité est «mise en éveil par la vision spectaculaire de la femme», et rappelle que le cinéma, industrie de l’illusion, a toujours attisé «le désir de mettre au jour».

L’expression «male gaze» fait désormais partie du discours cinéphile contemporain. Quel regard portez-vous, quarante ans plus tard, sur la longévité du concept ?
Je crois qu’il est utile de revenir sur le contexte dans lequel je l’ai élaboré. L’idée d’un regard masculin est évidente, quand on y pense, il suffit simplement de changer de perspective politique et idéologique. Cela a été possible pour moi, dans les années soixante-dix, car j’avais auparavant passé énormément de temps au cinéma. Avec un groupe d’amis, nous suivions religieusement les préceptes des Cahiers du cinéma, qui avaient redécouvert le vieil Hollywood des années cinquante. Lorsque je me suis intéressée au féminisme, cela m’a conduit à opérer un changement radical dans la manière dont je regardais les films. Je suis passée d’un état totalement absorbé à un état plus détaché et critique, où soudain les films que j’avais adorés me semblaient irritants et misogynes. Ce fut un changement assez abrupt, mais qu’il faut remettre en contexte. Le vieux cinéma se mourait, un nouveau cinéma, expérimental, était en train de naître, et l’on commençait à voir des films passionnants signés par des femmes : Chantal Akerman, Yvonne Rainer…

Peut-on être médecin et tatoué ?

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Siobhan Harris   8 novembre 2019

Peut-on être médecin et tatoué ? Il n’est pas question ici du petit tatouage discret gravé sur l’épaule ou la cheville, bien souvent invisible pour les non-intimes, mais bien de motifs prenant une large place sur une ou des parties du corps et difficilement dissimulables hiver comme été aux patients et aux confrères. Dans quelle mesure ces représentations artistiques corporelles entravent-elles la pratique de la médecine ou la relation à l’autre ? Les mentalités sont-elles en train d’évoluer ? Le médecin est-il à l’image de la société ? Ce sont les questions que se sont posés nos confrères de Medscape UK. Pour y répondre, ils ont interviewé le Dr Sarah Gray, une jeune australienne de 31 ans, interne en chirurgie, qui s’est vue attribuer le titre de « médecin le plus tatoué au monde ».SL
Royaume-Uni/ Australie Les médecins peuvent-ils avoir autant de tatouages qu’ils le souhaitent ? Sont-ils une forme d’expression de soi acceptable chez eux comme chez n’importe qui d’autres, ou existe-t-il des règles particulières pour les médecins ?
Tatouages colorés dans la zone grise
C’est une zone grise. Il n’y a pas de recommandations de bonne pratique de la part du General Medical Council (l’équivalent britannique de l’Ordre des médecins, ndlr), c’est vu comme un sujet qui a à voir avec la personne et son employeur.
A un niveau local, les entreprises peuvent avoir des politiques particulières concernant l’apparence, lesquelles « couvrent » les tatouages.
Par exemple, un groupement hospitalier dépendant du système public (NHS) dans le Oxfordshire considère que tout tatouage potentiellement agressif ou intimidant doit être recouvert, tant que cela n’infère pas avec les protocoles concernant l’hygiène des mains (port de manches longues et risque de contamination qui en découle).
Une étude parue en 2018 sur les perceptions des étudiants en médecine et du personnel médical de l’Université de Dundee suggère que pour certains médecins certaines représentations tatouées ne seraient pas très appropriées. Les uns et les autres ont considéré d’un commun accord que les tatouages qui représentent des visages sont les plus controversés.

Briser les stéréotypes

On assiste à une « renaissance » du tatouage actuellement, ils ne constituent absolument plus une « niche ». On estime qu’un adulte sur 5 au RU a un tatouage et chez les plus jeunes, la proportion est encore plus grande. Si les médecins sont représentatifs de la société dans son ensemble, la question de porter ou non un tatouage, et quel type de tatouage, doit-elle encore se poser ?
Nos confrères ont interrogé sur la question le Dr Sarah Gray, 31 ans. Outre le fait d’être interne en chirurgie à Adélaïde (Australie) pour être chirurgien orthopédique, elle est aussi « le médecin le plus tatoué au monde » et souhaite briser les stéréotypes de ce à quoi un médecin traditionnel devrait ressembler.

Comment vos patients et vos collègues réagissent-ils à vos tatouages ?

Dr Sarah Gray : De façon positive. On me complimente souvent sur mon apparence colorée. Les patients, surtout la jeune génération, trouvent que c’est un bon moyen de casser les barrières et disent que je suis plus abordable que certains médecins plus traditionnels.

Fatoumata Ba, la Sénégalaise qui perce les secrets du sommeil

En Afrique, la science au féminin (5). La chercheuse, devenue spécialiste de l’apnée du sommeil, n’avait jamais entendu parler de cette pathologie avant que sa sœur soit diagnostiquée.
Par Victoire Achard  Publié le 22 novembre 2019
La chercheuse en physiologie Fatoumata Ba.
La chercheuse en physiologie Fatoumata Ba. Layepro pour la Fondation L’Oréal
Pour Fatoumata Ba, tout commence par une histoire de famille. L’apnée du sommeil, la chercheuse n’en avait jamais entendu parler avant que ce diagnostic ne soit posé sur la pathologie dont souffrait sa sœur. Quelques années plus tard, la voilà récompensée par la Fondation L’Oréal et l’Unesco, jeudi 21 novembre à Dakar, pour ses travaux sur ce trouble méconnu auquel elle consacre sa thèse de doctorat.
La Sénégalaise est reconnue comme une des spécialistes du sujet. Une des rares chercheuses africaines en pointe sur ce syndrôme, dans un pays où « les études sur le sommeil sont très récentes et peu approfondies, faute d’équipements adéquats », explique la jeune quadragénaire : « Bien que cette pathologie soit fréquente et entraîne des complications telles que l’obésité, l’hypertension et le diabète, elle est sous-diagnostiquée car les professionnels de la santé ne la connaissent souvent pas. » Et c’est ce qu’elle voudrait contribuer à changer.
En s’intéressant à ce sujet, la chercheuse n’a pas choisi un chemin facile. Elle se rend vite compte que mener des études sur le sommeil est un défi au Sénégal, même si elle est rapidement remarquée par le professeur Lamine Gueye, directeur de la chaire de science de la santé à l’université Gaston-Berger (UGB) de Saint-Louis, qu’elle rejoint.
Il lui faudra pourtant apprendre la patience. Alors qu’elle a commencé ses recherches en 2011, le laboratoire de l’UGB ne dispose d’un appareil de polysomnographie, primordial pour ses expériences, que depuis trois ans. Et neuf ans lui seront nécessaires pour venir à bout de sa problématique et écrire sa thèse, qu’elle espère soutenir en 2020. « C’est long », concède celle à qui ses pairs ont si souvent conseillé – en vain – de laisser tomber et de passer à autre chose.
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