À l’hôpital Delafontaine de Saint-Denis, la grève n’empêche ni le travail des équipes ni l’afflux des patients. L’immersion commence.
Les pompiers font grise mine. Mathias Wargon les croise en nous faisant visiter les urgences, le 3 juillet au matin. Le chef du service sourit, leur lance un « ça va ? »machinal. Mais les pompiers sont tout déconfits. « Ça irait mieux si on n’avait pas fait cette intervention », glisse l’un d’eux au médecin, à voix basse. Ils viennent de ramener aux urgences une jeune femme de 20 ans, frappée par son compagnon. Elle n’a pas survécu. Ici, la mort se dit « Delta », pour « Delta Charlie Delta », « DCD » en alphabet radio. Elle a beau faire partie du quotidien, elle ne laisse pas insensible. Dans les secondes qui suivent, d’autres soignants joignent leur peine à celle des pompiers. La presse nous a appris le reste : Leïla, enceinte de trois mois, voulait devenir assistante sociale. Les causes exactes de son décès font l’objet d’une enquête judiciaire. C’est la première personne dont nous aurons appris la mort lors de ce reportage, et probablement la seule dont nous pourrons citer le prénom.