La secrétaire d’État aux personnes handicapées Sophie Cluzel a déclaré à la radio que les enfants autistes ne devaient plus être pris en charge par des psychiatres. Une déclaration inquiétante pour le « Printemps de la psychiatrie », un collectif né des mouvements récents alliant soignants, patients et familles, qui veulent repenser le travail soignant et la prise en charge des patients. Dans cette tribune, le collectif dénonce les orientations actuelles : « Ne plus financer les services publiques et préférer verser des allocations aux personnes pour qu’elles financent des cabinets privés de diagnostic, de formation, d’aide à la personne. ».
Depuis quelque temps dans le champ de l’autisme, une intense communication contre la psychiatrie et la pédo-psychiatrie est déployée par certains membres des gouvernements successifs, par des militants associatifs, et largement relayée dans les médias. La psychiatrie serait coupable de tous les maux : incompétence, délais de prise en charge, culpabilisation des mères, non-respect des bonnes pratiques, retard de la France…
De manière étonnante, sans que cela ne soit dit, on constate en parallèle une augmentation incessante des demandes faites aux psychiatres et autres « psys », de la part de personnes autistes et de familles qui pourtant ont bénéficié de dépistages précoces dans des centres de référence ayant abouti à un diagnostic, de conseils et de formations au sein de Centres ressources autisme (CRA), de dépistages génétiques, de suivis somatiques réguliers, généralistes et spécialisés, de l’application des approches recommandées par la Haute autorité de santé (HAS) (thérapies cognitives, méthodes comportementales, techniques de communication, psychomotricité, orthophonie, ergothérapie, programmes neuropsychologiques…), d’accueil dans des institutions appliquant exclusivement les méthodes les plus recommandées, d’inclusions scolaires en classe ordinaire ou en classe adaptée, de tentatives de travail en milieu ordinaire ou adapté. Ces demandes viennent s’ajouter aux demandes incroyablement nombreuses de personnes autistes sans solution et de leurs familles, qui n’ont pas forcément bénéficié de tout cela.
Les institutions les plus adaptées sont désavouées
Que dire des demandes, souvent urgentes, de ces personnes qui surviennent alors qu’elles ne peuvent plus être accueillies à l’école, qu’elles ne peuvent plus continuer leur travail, qu’elles ne sont pas soulagées par une prise en charge somatique adéquate, qu’elles n’adhèrent plus aux approches recommandées ? Que dire des demandes d’aide pour faire face à des situations difficiles : violence, automutilations graves, errance, tristesse intense, régression des acquis ? Que penser de certaines de ces personnes et de leurs familles qui demandent de l’écoute, un suivi psychothérapique, un accueil dans une institution qui les aiment telles qu’elles sont, ouverte sur le monde et articulée en permanence avec l’école et le travail, et soutenant leurs possibilités d’auto-détermination ? Car oui, ce genre d’institution existe, et plutôt que de s’en inspirer, cette intense politique de communication les désavoue avec une détermination tenace.
Et pourtant, que dire quand le constat est fait par les premiers intéressés que ce type d’approche, ouverte, aide à avancer dans un certain nombre de cas notamment quand il s’agit de violences que s’inflige la personne, à elle-même et à ses proches, sans rendre systématique la sur-prescription de psychotropes ? Peut-on, par exemple, se dire que les personnes autistes sont comme tout le monde, qu’elles ne sont pas des robots, que leur idéal de vie n’est pas forcément celui qu’une sorte d’« aristocratie de l’autisme » a décidé à l’avance pour elles ? Qu’elles peuvent avoir besoin, comme tout le monde, qu’on prenne du temps avec elles et qu’on tienne compte leur personnalité propre ?
Les revendications souvent sincères de nombreuses familles et personnes autistes dénoncent des pratiques maltraitantes qu’elles ont rencontrées en psychiatrie, dont on ne peut douter qu’elles soient réelles étant donné l’état d’abandon de la psychiatrie par les politiques successives d’austérité, de manque de moyens et de transformation des pratiques du côté sécuritaire voire carcéral.