Le psychiatre Jean Maisondieu et la sociologue Laëtitia Ngatcha-Ribert sont les auteurs de deux ouvrages sur la maladie d’Alzheimer qui invitent à changer de regard sur les patients.
Les livres. Les livres sur la maladie d’Alzheimer ne sont pas une denrée rare. Rien de surprenant quand on sait qu’en France le ministère de la santé évalue à 860 000 le nombre des personnes atteintes et à 225 000 celui des nouveaux cas chaque année. Viennent de paraître deux ouvrages aux objectifs différents.
Avec « Le Crépuscule de la raison », Jean Maisondieu, psychiatre honoraire des hôpitaux, défend deux thèses.
La première est que « les troubles démentiels si fréquents chez les personnes âgées ne sont pas exclusivement dus à des atteintes organiques du cerveau » mais « peuvent aussi résulter des difficultés relationnelles de la personne avec elle-même » (psyché), « et/ou avec les autres » (social) ou « encore témoigner de certains dysfonctionnements communications » (langage).
Sa seconde thèse est que « l’angoisse de la mort joue un rôle essentiel dans leur apparition. »
Jean Maisondieu livre une description sans fard de l’état dans lequel se trouvent les pensionnaires d’institutions. Néanmoins, le raisonnement par lequel, l’auteur étaye ses conceptions cliniques laisse parfois dubitatif.
L’apport de la vidéo
L’une de ses patientes âgée de 76 ans, Alice reconnaissait sur un écran les autres patients hospitalisés mais pas elle-même. Il en déduit, face à un « symptôme aussi fin » qu’il « faudrait une lésion bien extraordinaire pour le provoquer. » Il serait donc « plus raisonnable d’imaginer que la conduite d’Alice avait un sens, qu’elle était dictée par son psychisme avant d’être inscrite dans un trouble organique ? » Ne pas tout réduire au biologique est sage, mais récuser une base organique au motif de la finesse d’un symptôme n’est pas convaincant.
Jean Maisondieu invite à changer le regard sur les patients et souligne l’apport en cela de la vidéo pour « dépasser cette non-reconnaissance de soi chez le dément. »
Le propos de Laëtitia Ngatcha-Ribert est autre. Docteur en sociologique et chargée d’études senior à la Fondation Médéric-Alzheimer, elle aussi insiste sur la nécessité de changer le regard sur cette maladie qui fait à présent l’objet d’un écho médiatique important. Mais, c’est pour faire un plaidoyer en faveur des nombreuses initiatives, en France comme ailleurs en Europe, de rendre les villes plus amicales et accueillantes envers les personnes touchées par la maladie d’Alzheimer.
Parmi les nombreuses initiatives locales, l’auteure évoque des villes en Belgique, en Suisse, en Allemagne, en Angleterre et au Pays de Galles. En France, le mouvement est plus balbutiant et Rennes entend être la première ville française « amie de la démence. » C’est par le « bien vivre ensemble et l’inclusion ; l’activisme, la participation et le militantisme ; et enfin la communication et la lutte contre la stigmatisation », estime Laëtitia Ngatcha-Ribert, qu’il sera possible de faire que les personnes atteintes par la maladie d’Alzheimer pourront « continuer de vivre normalement au sein de la société ».
« Le Crépuscule de la raison. En finir avec l’Alzheimer sans frontières », de Jean Maisondieu (Bayard, nouvelle édition, 432 pages ).
« Alzheimer : vers une société “amie de la démence” ? », de Laëtitia Ngatcha-Ribert (Le Bord de l’eau, 108 pages