Autour de Luis et Déborah, moment de partage autour du café.
Le club thérapeutique de la clinique de Saumery fêtera ses 40 ans le 17 juin. L’occasion de découvrir une psychiatrie ouverte et respectueuse.
Au château, sur le mur de la salle à manger de la clinique psychiatrique de Saumery à Huisseau-sur-Cosson, une grande affiche sur laquelle est indiqué le programme de la journée du samedi 17 juin. Ce jour-là, le club thérapeutique de Saumery fêtera ses quarante ans, au programme : repas, mais aussi ateliers, jeux, musique. « Essentiellement un moment convivial et d'échanges » souligne Luis, l'un des moniteurs. Autour de la table du « repas d'accueil » les échanges, justement, vont bon train. Chacun se fait connaître, soigné ou animateur, on souhaite la bienvenue aux nouveaux arrivants.
The Canadian Journal of Psychiatry ouvre à nouveau un débat qui avait déjà animé les colonnes du British Journal of Psychiatry[1] en 2009 sur la légitimité ou l’incongruité de maintenir la psychanalyse au sein des disciplines gravitant autour de la psychiatrie.
Pour parler sans langue de bois, à notre époque vouée aux neurosciences, aux thérapies brèves et à la médecine fondée sur des preuves (evidence-based medicine), la « psychologie analytique » (psychoanalysis) héritée de Freud et de ses épigones (ou/et dissidents) mérite-t-elle encore sa place, longtemps prioritaire, parmi les méthodes psychothérapeutiques ? Suscitant toujours des polémiques « du pour et du contre », ce débat remonte au moins au philosophe Karl Popper assimilant la psychanalyse à une « pseudo-science », dans la mesure où elle « a produit maintes hypothèses impossibles à réfuter expérimentalement. »
Evoluer vers plus de neurosciences, un défi pour la psychanalyse
S’il est vrai qu’« aucune théorie née voilà une centaine d’années ne saurait se maintenir sans des changements majeurs », l’une des principales raisons du « déclin de la psychanalyse » tient à son « faible enracinement dans l’épreuve des faits » (little empirical support).
Cannabis, prise en charge du TDAH, consommation de psychotropes, rôle des usagers et aidants : à travers quatre thèmes soumis à discussion publique, l'Académie nationale de médecine s'est attelée ce 15 juin à lever (ou du moins mettre en lumière) les ambiguïtés et confusions qui existent en psychiatrie.
Qui pour soigner quoi ?
La question du rôle de chacun, généraliste, psychiatre, ou encore association de pairs et de proches, n'a pas manqué de surgir au cours d'une conférence de presse en amont. Selon un sondage de l'Académie, mis en ligne sur le site du « Quotidien », 79 % des quelque 180 lecteurs interrogés estiment que le médecin traitant est en position de diagnostiquer un trouble psy. Et face à un patient qui sollicite une prescription de tranquillisants, seulement 7,7 % lui proposent de prendre l'avis d'un spécialiste, tandis que près de la moitié dit évaluer la réalité du besoin et près d'un quart, mettre en garde contre un risque d'accoutumance.
Beaucoup a été dit sur l’évolution de la relation médecin/malade ces dernières décennies et sur la volonté des patients d’être davantage impliqués dans les décisions les concernant. Ce phénomène s’est accompagné d’une remise en cause de l’attitude parfois infantilisante de certains praticiens rejetée par un nombre croissant de malades. Par ailleurs, la progression de la fréquence des maladies chroniques et la nécessité d’obtenir de la part des patients une observance soutenue de leurs traitements et de leur suivi imposent une plus grande responsabilisation de ces derniers.
Dans ce cadre, les associations de patients offrent souvent un soutien important, en termes d’accompagnement des malades, voire même d’éducation thérapeutique. Cependant, cette évolution n’est pas sans dérive quand certains se réclament du "titre" de "patient expert" qui recouvre des champs et des missions diverses.
Pour nous, le professeur André Grimaldi (Pitié-Salpêtrière) revient sur les enjeux qui se profilent derrière l’émergence des "patients experts", sur les avancées positives permises par l’implication des malades mais également sur les limites d’une revendication d’expertise.
Il signale notamment comment cette évolution remet en cause certains des principes censés aujourd’hui sous tendre la relation médecin/malade qui insistent sur l’importance de ne pas réduire le patient à sa pathologie. Il rappelle en outre que la démocratie sanitaire, pour essentielle qu’elle soit, se doit de répondre aux prescriptions de transparence si souvent rappelées par ailleurs. Analyse qui évite toutes les caricatures mais qui invite à la réflexion sur des avancées pas nécessairement toujours mises à distance.
Par André Grimaldi, Professeur émérite CHU Pitié Salpêtrière*
Soigner les détenus. Telle est la mission des infirmiers qui exercent en milieu carcéral. C’est à leur métier qu’Arte Radio a consacré un reportage sonore passionnant. Un infirmier, que nous appellerons Jean, y témoigne anonymement. Il nous permet de passer une dizaine de minutes de l’autre côté des barreaux. Âgé de 27 ans, il travaille "depuis six ans en tant qu’infirmier dans différents services de médecine" et depuis un an avec des patients qui "proviennent de centres de détention".
Rien ne semble relier a priori une sculpture d’Art Brut de Judith Scott, une statuette de divination Nkisi du Congo, un reliquaire français du XVIIe et des photographies votives captives dans un filet d’Annette Messager. Émanant de contrées, de cultures, d’expressions et d’époques différentes, ces créations entretiennent néanmoins de surprenantes parentés quant aux matériaux et aux techniques utilisées et au processus de création mis en œuvre. Les analogies sont frappantes dans la manière de lier, de ligoter, d’enchevêtrer ficelles de chanvre, cheveux, cordons de cuir, fils d’or, brins d’herbe, raphia, cordes ou bandelettes de tissu. Qu’elles soient végétales, organiques ou métalliques, ces fibres assemblées – ingénieusement cousues ou entrelacées, nouées avec force, prises dans des enchevêtrements inextricables – composent des objets hautement symboliques. En effet, les ressemblances entre ces productions ne sont pas que formelles et stylistiques : chacune de ces pièces est dotée de valeurs réparatrices, purificatrices ou protectrices afin de conjurer le mal. Elles jouent dès lors un rôle spirituel, religieux ou magique. Leurs auteurs pensent-ils établir grâce à elles une relation entre l’ici-bas et l’au-delà ?
En rassemblant dans un même accrochage Ody Saban, Geneviève Seillé et Sabine Darrigan, Claire Corcia frappe un grand coup : celui qui marque le grand retour des femmes puissantes, celles qui « courent avec les loups ». Peintre, dessinatrice ou sculptrice, toutes trois œuvrent à l'insoumission, à la joie et à la vie, comme à la diversité des cultures. Avec force, couleur et impertinence. Révérence particulière à Sabine Darrigan, qui, à 90 ans passés, a pensé sa spectaculaire installation de personnages-bâtons comme un pied de nez à Donald Trump ! Les aînées font trembler le sol avec colère et majesté, on prend la cape et on les suit !
On sait que les sujets souffrant d’une affection psychiatrique présentent un « risque de mort prématurée » plus élevé que la population générale. Cette surmortalité est confirmée par une étude de cohorte, réalisée au Danemark sur une population née entre le 01-01-1967 et le 31-12-1996 (soit un effectif approchant 1,7. 106 de personnes).
Les auteurs ont examiné l’évolution des sujets hospitalisés en psychiatrie après l’âge de 15 ans (485 99 personnes dont 51,4 % de femmes). Dans 70 % des cas, la durée de cette première hospitalisation en psychiatrie est inférieure ou égale à un mois. La question principale concerne le risque significatif de mort prématurée survenant à court terme (moins d’un an) après la sortie du service de soins psychiatriques : comparativement à des sujets sans antécédent d’hospitalisation en psychiatrie, est-il plus important ?
Le Dr Pierre Sans, psychiatre français à la retraite, se rend régulièrement à Madagascar et en Côte d’Ivoire. Il y a trois ans, il a travaillé dans les centres de la Saint-Camille-de-Leillis, une ONG très implantée en Afrique de l’Ouest, et dont il critique vigoureusement le fonctionnement.
Il est nécessaire de publier le décret réformant les soins en psychiatrie, qui acte notamment la nécessité des thérapies psychosociales, explique dans une tribune au « Monde » les associations du collectif Schizophrénies.
LE MONDE SCIENCE ET TECHNO| |Par Collectif
TRIBUNE. Les derniers chiffres de l’Assurance-maladie le rappellent : la santé mentale, avec 7 millions de personnes et des dépenses de 19,3 milliards d’euros, pèse en France plus lourd que le cancer. Elle est pourtant loin de bénéficier d’une mobilisation collective à la hauteur.
La schizophrénie est emblématique de ce traitement de défaveur. Peu de Français connaissent la vraie nature de cette maladie du cerveau, son ampleur (600 000 personnes, touchées en majorité entre 15 et 25 ans) ou encore les prises en charge recommandées. Pour ces jeunes, la maladie est sévère, et, dans bien des cas, en France, le système de soins aggrave les choses.
Les mesures d’enfermement, de contrainte, d’isolement, de contention et de surveillance des patients se développent actuellement dans la psychiatrie hospitalière, colonisée par la logique sécuritaire ambiante.
Pour autant, la sécurité est-elle mieux assurée par la fermeture des portes des services de soins ? Les patients sont-ils ainsi mieux soignés ?
Par Fabien Perrier, Envoyé spécial à Athènes et Corinthe —
A Athènes, le 3 décembre 2014, une manifestation dénonce les coupes budgétaires, notamment dans les pensions allouées aux malades. Photo Alkis Konstantidinis. Reuters
Baisse drastique des salaires, pénuries, traitements hors de prix : cinq ans de crise ont mis à terre la santé publique du pays.
«Les Grecs n’ont pas peur de mourir. Mais ils flippent d’aller à l’hôpital», lâche Yannis, traits tirés, air soucieux, qui se grille une cigarette sur le perron de l’hôpital de Corinthe avec sa mère, Anna.
Évolutions des apports conseillés en vitamines liposolubles, réduction des seuils d’alerte pour la plombémie, élargissement espéré du dépistage néonatal, nouveau carnet de santé à la fin de l’année... Le cadre de la prévention bouge en pédiatrie générale. Autant d’évolutions passées en revue lors du récent congrès français de pédiatrie.
Peut-être encore plus que chez l’adulte, la prévention en pédiatrie a le vent en poupe, comme en témoignent les nombreuses sessions consacrées à ce sujet lors du Congrès de la Société française de pédiatrie (SFP, Marseille 17-19 mai 2017). Avec de nouvelles normes, de nouveaux outils ou encore de nouvelles pratiques…
Une malheureuse aliénée, hantée de l’idée fixe du suicide depuis plusieurs années, à la suite de la mort de son mari, avait tenté de mettre plusieurs fois son désir en exécution… Une surveillance discrète, organisée par la famille, avait jusqu’alors rendu vaines ses tentatives.
Un jour, cependant, elle s’échappe, entraîne son jeune enfant sur un quai désert : « Vois, mon chéri, comme cette eau est belle », et pendant que l’enfant regarde du haut du ponton, elle le précipite dans la Seine et ne tarde pas à l’accompagner, mais de courageux sauveteurs ont été témoins du drame et, non sans dangers, parviennent à ramener sur la berge la mère et l’enfant. Ce dernier est heureusement sain et sauf. La mère est inanimée. On court chercher un médecin En attendant, les passants s’attroupent, tous savent ce qu’il faut faire : qui ne sait pas soigner un noyé ?
Le logiciel ANB (Analyst’s Notebook) a permis aux enquêteurs de réorganiser la masse de données accumulées en trente-trois ans d’enquête, pour mieux en déceler les manquements.
LE MONDE|
Dans une affaire aussi ancienne que celle du petit Grégory, retrouvé mort noyé dans la Vologne le 16 octobre 1984, nulle mémoire d’homme n’est suffisante pour lister les innombrables pièces de ce dossier hors norme, qui obnubile la France depuis trente-trois ans. C’est notamment avec l’aide d’une intelligence artificielle que l’enquête a connu un nouveau rebondissement, mercredi 14 juin, avec le placement en garde à vue de trois membres de la famille Villemin.
Ce coup de pouce informatique, c’est le logiciel ANB (Analyst’s Notebook) qui l’a fourni. Développé à partir d’une suite de logiciels créés il y a une dizaine d’années par la société I2, rachetée depuis par la société IBM, ANB est aujourd’hui utilisé dans la plupart des dossiers d’homicides. Il permet, en effet, de centraliser l’ensemble des données d’une enquête et de les mettre en regard pour en déterminer les pistes de travail et les hiérarchiser.
Ni droite ni gauche, les deux mon capitaine ! Qu’il s’agisse de politique, de fringues ou de pâtisseries, l’engouement pour l’hybridation semble sans limite.
M le magazine du Monde| |ParNicolas Santolaria
Depuis quelques mois, le monde semble s’être mis à tourner autour d’une double conjonction de coordination, le désormais incontournable « ni-ni ». En marche ! ne sera « ni à droite ni à gauche », déclarait Emmanuel Macron en avril 2016, lors du lancement de son mouvement, parce que « les clivages sont devenus obsolètes ». Le président de la République a bâti toute sa campagne sur cette possibilité, offerte aux électeurs, de ne pas avoir à choisir entre les termes d’une bipolarité partisane obligée.
On peut voir là, au choix, une offre politique originale, une forme d’opportunisme visant à rassembler l’électorat en son centre, mais on peut aussi se dire que cette posture plonge ses racines dans un mouvement souterrain bien plus profond, presque une idéologie émergente : le « ni-nisme ».
Là où le « ni-ni » se résumait traditionnellement à un double refus (le « ni nationalisation ni privatisation » de Mitterrand ; le « ni Le Pen ni Macron » des mélenchonistes), il sert aujourd’hui le plus souvent à signifier tout l’inverse, soit un agrégat d’idées en apparence contraires.
Convictions interchangeables
Ce « ni-nisme » est en réalité un « et-et-isme », comme en témoigne le revirement œcuménique d’Emmanuel Macron. Quelques semaines après le lancement d’En marche !, il présentait cette fois son mouvement comme étant « et de droite et de gauche ». Ce positionnement fluide est parfaitement en phase avec les exigences de la « société liquide » théorisée par le sociologue Zygmunt Bauman, un monde de changements constants, où les formes sont mouvantes, les engagements volatils, les convictions interchangeables.