Tentons de voir les choses de façon, certes réaliste, mais aussi positive… Si la réalité de la qualité des soins est loin d’être satisfaisante partout en France, la potentialité qu’elle le soit davantage dans l’avenir est chaque jour un peu plus grande. En effet, la démocratie sanitaire, la recherche paramédicale et les diverses interactions humaines mêlant expertise profane et professionnelle permettent aujourd’hui d’interroger le réel dans sa complexité et donc d’appréhender avec plus de professionnalisme les contraintes spécifiques à l’exercice infirmier en psychiatrie. Tentative de réflexion pour élever le débat...
Vous avez peut-être lu un ou plusieurs articles concernant le rapport de la Contrôleure générale des lieux de privation de liberté, Adeline Hazan, qui épingle les hôpitaux psychiatriques. Une fois de plus un rapport fait le triste constat que des professionnels de santé perpétuent
des pratiques qui s‘apparentent, dans certaines conditions, à des traitements inhumains et dégradants. Le traitement médiatique, à l’image d’une société accélérée où le temps de pensée est bien court, ne laisse malheureusement pas de place à une analyse de la complexité des situations et donc à la possibilité d’un réel débat public. Et si nous ne devons pas nier des abus intolérables dans l’usage de l’isolement et de la contention il ne faut pas faire d'amalgame ni tirer de conclusion hâtive concernant telle ou telle pratique de soin. En effet les apparences sont parfois trompeuse comme le suggère avec humour Morisot dans son article intitulé mise à l‘index. Suis-je un salaud ou un soignant quand je fait un toucher rectal à une adolescente de 17 ans sans qu’elle ne l’ait explicitement demandé ?
En général on choisit de devenir un professionnel de santé parce qu’on souhaite soulager la souffrance et prendre soin des usagers. Pratiquer la contention génère donc fréquemment un conflit de valeur.
Maintenant, parfois, rien ne peut justifier la conduite des professionnels de santé et les pratiques mises en lumière dans ce fameux rapport semble l'attester. Comme vous, peut-être, j’ai découvert avec effroi la réalité des dérives dans certains services qui n’ont d’hospitaliers que le nom. Mais si je regarde les choses en face, j’ai été témoin ou acteur ces quinze dernières années, dans le cadre de ma pratique, de situations quasi similaire. Et je suis dubitatif sur le fait que la simple mise en place d’un registre modifie en profondeur la triste réalité révélée. Car comme la majorité des infirmiers je me suis au moins une fois dans ma carrière demandé en sortant d’une chambre d’isolement : « suis-je un salaud ou un soignant ? ».