LE MONDE | 22.09.2015 | Par Jacques Mandelbaum
L’AVIS DU « MONDE » – CHEF D’ŒUVRE
Entre 1965 et 1966, en pleine guerre froide, sous l’autorité du général Suharto, qui s’empare du pouvoir avec le soutien des principales puissances occidentales, entre 500 000 et 1 million de communistes, ou assimilés, sont massacrés en Indonésie, sans que jamais les bourreaux, parties prenantes jusqu’à aujourd’hui de l’appareil d’Etat, soient seulement inquiétés.
De cette abomination redoublée (le crime et le déni de justice), le cinéaste américain Joshua Oppenheimer avait tiré, en 2012, The Act of Killing, un des documentaires les plus extraordinaires de l’histoire du genre, dans lequel il avait obtenu des criminels qu’ils acceptent de rejouer devant sa caméra le meurtre de leurs victimes.
On connaissait, jusqu’à présent, les tueurs repentants, les bourreaux fuyants, les assassins négateurs, mais, pour la première fois, le spectateur découvrait (dans un document et non dans l’adaptation d’un comics) le visage, à proprement parler insoutenable, du boucher ricanant, du sadique électrisé, de l’homicide triomphant.