La négociation est en panne. Notant les blocages qui perduraient, Martin Hirsch, directeur général de l’Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP), a proposé dimanche une «autre approche» aux syndicats pour «renouer» le dialogue sur la question des 35 heures et de la réorganisation du temps de travail. Un geste qui intervient après trois jours de grève en moins d’un mois et la menace d’un quatrième. Pour les syndicats CGT et SUD, cela montre que la mobilisation a été «entendue». Ce mardi, l’intersyndicale, très remontée, entre autres, contre l’idée d’une baisse du nombre de jours de RTT, a décidé de maintenir la journée de mobilisation de ce jeudi. Elle demande à Martin Hirsch de retirer la totalité de son projet.
Libération a passé trente-cinq heures d’affilée au cœur de l’AP-HP, dans le pôle de médecine de l’hôpital universitaire du Kremlin-Bicêtre (Val-de-Marne). Trente-cinq heures pour suivre au plus près les équipes soignantes, le temps qui passe, l’activité qui augmente, et ressentir la pression du manque de moyens.
MARDI, 12 HEURES LE BUREAU DU CHEF
Au deuxième étage du bâtiment Françoise Barré-Sinoussi, c’est une réunion régulière entre le chef de pôle, le professeur Philippe Chanson, et sa cadre de pôle, Latifa. Un duo peu banal, entre un mandarin de haut vol et une jeune manager pleine d’allant et de tempérament. Un duo qui se veut à l’image de l’hôpital de demain, alliance entre médecins et cadres de santé. «J’ai pris le parti de susciter des projets plutôt que de les subir», explique Philippe Chanson. L’homme est élégant, chaleureux, diplomate aussi. Mais surtout, il a hissé son service d’endocrinologie dans le petit monde des lieux de soins les plus pointus de France, se spécialisant dans certaines maladies rares. Et depuis deux ans, il a pris la tête de ce que l’on appelle un pôle, un regroupement de services, «pour pouvoir mieux mutualiser les moyens».
Dans un même bâtiment sont ainsi regroupés des services impliqués en virologie, immunologie, maladies infectieuses et métabolisme, mais aussi un service de médecine interne. «Il y a plus de 400 personnels soignants», lâche Latifa, la cadre supérieure de tout le pôle, ancienne infirmière. Philippe Chanson n’est pas malheureux. Son pôle, et son service en particulier, est privilégié. Pourtant, il le reconnaît : «Il y a de l’absentéisme, mais il est difficile à évaluer.» Latifa poursuit : «Ce matin, dans une salle, il devait y avoir trois aides soignantes, l’une n’est pas là, il faut que l’on jongle avec l’équipe de suppléance.» Les raisons ? «Il y a l’environnement social. Le personnel soignant, ce sont des femmes qui vivent parfois seules, avec des enfants. Leur absence n’est pas seulement liée aux conditions de travail, mais aussi à leurs conditions de vie, c’est un mélange des deux», explique Latifa.