Qui n’a pas rêvé de devenir invisible pour échapper à une situation stressante ou embarrassante ? Une série d’expériences créatives, menées par une équipe suédoise, confirme en tout cas que se sentir transparent, invisible en quelque sorte, diminue les signes d’anxiété sociale. Henrik Ehrsson et ses collègues du département de neurosciences (Karolinska Institute, Stockholm) publient les résultats de leurs travaux dans la revue Scientific Reports du 23 avril.
Illusionnistes mais avant tout neuroscientifiques, ces chercheurs du « laboratoire du cerveau, du corps et du soi » n’en sont pas à leur coup d’essai. Depuis quelques années, en recourant à différentes techniques dont la réalité virtuelle, ils ont réussi à provoquer chez leurs « cobayes » toutes sortes de sensations bizarres, les amenant à croire qu’ils étaient devenus une poupée Barbie ou un géant, qu’ils avaient échangé leur corps contre celui de quelqu’un d’autre… Ces études ont fait l’objet de publications dans des revues de premier plan.
Sensations de membres fantômes
Dans un article paru en 2013 dans le Journal of Cognitive Neuroscience, les Suédois expliquaient ainsi comment ils avaient pu créer des sensations de membre fantôme chez des individus non amputés, grâce à un système ingénieux permettant de tromper les sens. Pour cette expérience, les volontaires étaient assis à une table, et leur bras droit leur était dissimulé par un panneau. Un expérimentateur caressait la main cachée avec un pinceau et reproduisait exactement ce mouvement dans le vide, devant les yeux du participant. En moins d’une minute, la plupart d’entre eux s’appropriaient le membre invisible, le percevant à l’endroit où ils avaient vu le pinceau en mouvement.
Supposant que ce principe pouvait s’appliquer au corps tout entier, Arvid Guterstam (doctorant et premier auteur des travaux publiés dans Scientific Reports) et son équipe ont recruté 125 volontaires pour une nouvelle série d’expériences. Cette fois, ils ont été placés en position debout et équipés d’un visiocasque (casque de réalité virtuelle) connecté à une caméra. Muni de deux pinceaux, l’expérimentateur touchait simultanément une zone du corps des sujets, et un espace vide correspondant devant la caméra, comme s’il s’agissait d’une silhouette invisible. Au total, cinq points étaient stimulés : au niveau de l’abdomen, des membres supérieurs et inférieurs. Dans un groupe contrôle, la « silhouette invisible » était remplacée par un mannequin.