C’est un air de frénésie qui nous emporte : nous nous trouvons trop dispersés. Et il ne s’agit pas que des sollicitations électroniques qui viennent hacher notre travail et nos loisirs. Ce sont nos vies qui s’éparpillent, entre familles recomposées, défis professionnels, mobilisations politiques ou pratiques culturelles. Rarement immobiles, souvent ailleurs, toujours à faire deux choses en même temps : notre difficulté à nous concentrer est devenue un problème – et plus encore pour nos enfants. Ne savons-nous plus faire attention ? Face à ce discours catastrophiste, un regard philosophique permet d’abord de reconnaître que, loin d’être un vilain défaut, la dispersion est notre condition naturelle.
« Le conseiller de notre mutuelle posait un regard apitoyé sur mon cancer et s'adressait à moi comme s'il ne me donnait pas trop de temps à vivre. Aujourd'hui, nous avons renégocié notre prêt initial. J'ai 46 ans. Les assureurs sont impitoyables – conditions, exclusion, rejet du dossier. C'est la double peine, être exclue pendant et après la maladie, même si elle est loin. Le regard posé sur la maladie a changé, mais ceux qui détiennent les cordons d'une bourse vous jaugent comme un cheval, vieux, blessé, donc potentiellement faillible. Je suis vivante, mais nos projets sont freinés, et les assurances décès sont mon seul recours et ne couvrent pas la totalité de notre investissement. »