Arrivés à Coutances, nous montâmes dans un omnibus (...). Au moment où je mettais le pied sur le marchepied, l'idée me vint, sans que rien dans mes pensées antérieures parût m'y avoir préparé. » C'est ainsi qu'Henri Poincaré (1854-1912), mathématicien, décrit le moment-clé d'une de ses découvertes. Contrairement aux idées reçues, ce moment n'est pas le fruit de calculs minutieux, mais plutôt une espèce d'illumination.
Le travail créatif est l'objet d'un ouvrage injustement oublié,Essai sur la psychologie de l'invention dans le domaine mathématique (Jacques Gabay, 2007), par Jacques Hadamard (1865-1963). L'ouvrage a le charme délicieux de l'inactuel et semble tout droit venu du XIXe siècle. Son auteur, grand mathématicien né en un siècle où l'on roulait encore en diligence, l'écrira dans son grand âge, en 1943. Il y distille le fruit de ses réflexions sur un des instruments les plus méconnus du chercheur : son esprit !
A la lecture, on rencontre un esprit brillant, érudit, moderne. Je lis son essai d'un trait, comme un roman policier. Hadamard a, par rapport aux psychologues, l'avantage de pouvoir étudier son propre cerveau de mathématicien en action. De plus, il a suscité et étudié de nombreux témoignages de chercheurs, y compris celui d'Albert Einstein.