On connaît le syndrome de l’enfant du milieu, pris en sandwich entre l’aîné et le petit dernier. C’est un peu ainsi que le Dr Samuel Chartier, 38 ans, installé dans le XXe arrondissement de Paris, se définit. Comme un généraliste de la « génération intermédiaire » travaillant tout seul dans son cabinet en suivant « l’image et l’exemple reçu de mes aînés » tout en se confrontant, en tant que maître de stage, à la pratique de ses internes. Il le confirme : « Il y a un changement ». Qui sont donc ces internes de médecine générale, de plus en plus nombreux, formant un contingent d’environ 10 000 futurs généralistes et qui se réunissent aujourd’hui et samedi à Brest pour le Congrès annuel de l’ISNAR-IMG ? « Les plus jeunes sont davantage portés vers l’exercice de groupe au sein de structures organisées comme les maisons ou les centres de santé. » C’est notamment à la Fac, lorsqu’il observe ses collègues tuteurs ou chargés de cours refaire le monde que le Dr Chartier s’en aperçoit : « Ils développent des nouvelles pratiques, des modes d’exercice novateurs… C’est ça l’avenir de la médecine ! », s’exclame-t-il.
Quand elle démarre son cours sur la mondialisation, Angèle a encore du mal à poser sa voix. En revanche, pas de difficultés pour parler des échanges économiques ou culturels transfrontaliers qu'elle localise sur un planisphère, à l'aide de flèches colorées. En face, Olivier, lui aussi intimidé, filme la leçon d'histoire avec une tablette tactile. Deux professeurs stagiaires en train de faire leurs premières armes ? Muriel Epstein, l'enseignante de mathématiques qui les encadre, ce vendredi de décembre 2013 dans une salle de la Gaîté lyrique (Paris, 3e), aimerait bien. Mais Angèle et Olivier, 19 et 21 ans, n'ont d'autre point commun que d'avoir « décroché » de l'école – comme 140 000 jeunes qui quittent tous les ans le système sans formation ni diplôme – et de tenter d'en retrouver le chemin. Pas facile quand on a passé l'âge de la scolarité obligatoire (16 ans), et qu'au retard scolaire s'ajoutent des difficultés familiales ou personnelles.
METTRE LES JEUNES AUX MANETTES
« Ce n'est pas l'envie d'apprendre qui leur fait défaut, c'est le cadre scolaire qui ne leur convient pas », répète Mme Epstein. Une conviction que la mathématicienne s'est forgée en suivant les trajectoires d'une trentaine de lycéens de 16 à 25 ans pour sa thèse soutenue en 2011. « Assimilé il y a dix ans à de la délinquance, le décrochage est aujourd'hui reconnu comme une problématique majeure », dit-elle. L'actuel gouvernement a promis de diminuer de moitié le nombre de jeunes sans qualification, d'ici à 2017. « Mais les dispositifs les renvoient souvent à leurs échecs… Il faut les valoriser pour les remettre en selle ! »