Quand elle démarre son cours sur la mondialisation, Angèle a encore du mal à poser sa voix. En revanche, pas de difficultés pour parler des échanges économiques ou culturels transfrontaliers qu'elle localise sur un planisphère, à l'aide de flèches colorées. En face, Olivier, lui aussi intimidé, filme la leçon d'histoire avec une tablette tactile. Deux professeurs stagiaires en train de faire leurs premières armes ? Muriel Epstein, l'enseignante de mathématiques qui les encadre, ce vendredi de décembre 2013 dans une salle de la Gaîté lyrique (Paris, 3e), aimerait bien. Mais Angèle et Olivier, 19 et 21 ans, n'ont d'autre point commun que d'avoir « décroché » de l'école – comme 140 000 jeunes qui quittent tous les ans le système sans formation ni diplôme – et de tenter d'en retrouver le chemin. Pas facile quand on a passé l'âge de la scolarité obligatoire (16 ans), et qu'au retard scolaire s'ajoutent des difficultés familiales ou personnelles.
METTRE LES JEUNES AUX MANETTES
« Ce n'est pas l'envie d'apprendre qui leur fait défaut, c'est le cadre scolaire qui ne leur convient pas », répète Mme Epstein. Une conviction que la mathématicienne s'est forgée en suivant les trajectoires d'une trentaine de lycéens de 16 à 25 ans pour sa thèse soutenue en 2011. « Assimilé il y a dix ans à de la délinquance, le décrochage est aujourd'hui reconnu comme une problématique majeure », dit-elle. L'actuel gouvernement a promis de diminuer de moitié le nombre de jeunes sans qualification, d'ici à 2017. « Mais les dispositifs les renvoient souvent à leurs échecs… Il faut les valoriser pour les remettre en selle ! »