LE MONDE | Antoine Reverchon
La "perte de sens" est devenue une tarte à la crème des discussions de machine à café : au travail, lorsque les salariés subissent les conséquences des "décisions stratégiques" de dirigeants financiers anonymes et lointains aux dépens du "travail bien fait" ; en politique, lorsque l'effondrement des grands instruments du prêt à penser (partis politiques, syndicats, Eglises...) n'a pas été compensé par l'engagement dans d'autres lendemains radieux - sinon pour une poignée d'enfants perdus des causes douteuses.
Cette perte de sens serait, au choix, le symptôme d'un écrasement de l'individu par des logiques d'organisation qui échappent aux volontés humaines, ou au contraire le symptôme d'un individualisme forcené que ne parviendrait plus à canaliser ou à fédérer aucune forme organisationnelle.
Le mérite du livre de Rodolphe Durand, professeur de stratégie à HEC, est de rompre cette alternative en proposant une autre grille de lecture, ouvrant sur un nouvel optimisme de l'action.
Pour l'auteur, les individus vivent en réalité, sans forcément l'exprimer consciemment, dans l'expression permanente de sens donné aux réalités des objets et des actions qui les entourent.